Pacific Rim : Del Toro toujours sur la brèche !

Il y a des cinéastes qui s’installent avec le temps parmi les valeurs sûres ; l’espagnol Guillermo Del Toro est ainsi devenu au fil de quelques films une figure marquante du grand écran, avec des œuvres populaires et fortes comme les deux Hellboy ou le fameux Labyrinthe de Pan. Suivant depuis quelques mois les avancées de la production de Pacific Rim, j’étais tout de même curieux de voir le résultat d’un genre qui, l’air de rien, semblait complètement casse-gueule, soit le combat entre des monstres titanesques et des robots géants.

Goldorak demeure mon premier grand traumatisme culturel, quand âgé de cinq ans, je découvris les aventures du Prince d’Euphor (aka Duke Fleed), opposé à des robots cyclopéens détruisant les grandes métropoles à coups de tatannes taille 485 et de rayons lasers… mais bien que le succès fut magistral, on ne peut pas dire non plus que nos écrans aient dès lors consacré une belle place à ce type de production (soit le combat de mecha, pour les puristes). Notamment en France, le cas de Goldorak a été un véritable phénomène de société (dont encore maintenant on a du mal à mesurer la puissance et l’impact), qui phagocytant le sujet, a finalement été très marginal au sein de la production animé nippone diffusée dans notre beau pays depuis 30 ans (Albator, Cobra, les Chevaliers des Zodiaques ou Dragon Ball, faisant davantage la part belle à l’aventure ou au combat « pur »), contrairement au Japon qui a connu une incroyable et continuelle flopée de géants robotisés (la série Gundam étant certainement l’exemple le plus marquant, dont je vous invite à découvrir tous les détails sur la page wikipédia qui lui est réservée).

Amateur de japonaiseries comme tout geek qui se respecte (car ils sont forts ces nippons ; la démonstration de ce fait étant certainement l’acquisition et la reproduction de tous leurs codes ou méthodes dans la production culturelle occidentale – le dernier Iron Man en étant certainement l’exemple le plus flagrant), Del Toro a fait le pari de réaliser un métrage mettant en scène les fameux Mecha (baptisés « Jaeger » dans le film – qu’on peut traduire par « chasseur » en allemand) opposé aux Kaiju (sur le coup la référence est bien directe, ce mot japonais désignant à la fois le genre godzillesque comme les monstres qui les peuplent). Pacific Rim est donc une grande première « occidentale » (car dans les pays asiatiques le genre a depuis longtemps atteint sa maturité et a été complètement institutionnalisé) et une tentative ambitieuse d’exploiter le résultat d’une globalisation de la culture populaire (les mangas font partie de notre paysage culturel et ne font plus le sujet de dérision d’un ethnocentrisme post-colonialiste – qui se rappelle des « japoniaiseries » d’une célèbre candidate à la présidence, hier terrible adversaire de Dorothée par médias interposés ?).

L’air de rien, le projet pouvait déjà capoter par la complexité issue de la nouveauté ; à part les Transformers, qui parlent bien de robots géants mais juste histoire de mettre en scène des effets spéciaux spectaculaires, pas d’avatars du genre sur nos écrans. Il y avait donc la volonté du cinéaste de venir avec tous les codes du genre sous le bras, et les faire absorber et accepter par le spectateur lambda et néophyte, donc à éduquer et à convaincre. Contrat ambitieux, s’il en est.

Pacific Rim réussit immédiatement son pari, en proposant une narration limpide, efficace et puissante. Ses défauts seraient certainement les mêmes qu’il est facile de remarquer chez les autres blockbusters de l’année ; soit pour commencer une propension à situer l’intrigue par une introduction littéraire, en évitant ainsi de fragiliser le film en répondant à certaines et primordiales questions. Par exemple, le cas des Âmes Vagabondes de Nichols demeure une belle démonstration de la fragilité du concept ; comment une race extraterrestre aux traits pacifiques, hostiles à toute forme de violence, peut réussir à envahir la Terre ? Itou pour Oblivion, qui à l’instar de Pacific Rim, narre le contexte, quitte à nous manipuler (dans le premier on nous ment, dans le second on ne nous dit pas tout). Il y a actuellement une stratégie du spectacle qui va au détriment d’une richesse réelle de l’intrigue, usant et abusant d’ellipses pour présenter la situation.

Ce choix, appauvrissant paradoxalement l’histoire, entraîne le second défaut que Pacific Rim n’arrive pas éviter, soit la propension a tout régler en une vingtaine de minutes par une grosse explosion qui voit le ou les méchants tous mourir d’un coup d’un seul (Oblivion, Iron Man 3, ou plus anciennement ID4, qui peut être considéré comme un archétype par rapport au film de Del Toro : Invasion / Destruction / Deséspoir / Résistance / Opposition / Destruction / Victoire). En résumé, sous des dehors de technologie et de twists, il y a réellement une récurrence de la structuration des histoires, qui du coup deviennent malheureusement prévisibles et moins excitantes que prévu. Le coup du sacrifice et le complexe d’Hiroshima (une grosse bombe et la guerre est finie) sont tout de même en train de devenir les gros poncifs qu’il est fatiguant de voir réutiliser à l’envi, comme si cela répondait à des études marketing ayant spéculé les attentes des spectateurs ; en résumé, frustrations et émotions accumulées se doivent d’être extériorisées dans la face de celui qui les a provoqué… le vilain sacripant !

Mais une fois ce petit travail critique réalisé, il serait profondément injuste de bouder le plaisir que le film provoque… Excellemment bien rythmé, superbement filmé (même sans 3D, certains plans donnent le vertige ou impressionnent), l’abondance de détails et les diverses qualités de caractérisation font que le spectacle est assuré et le cahier des charges bien rempli. Le métrage se permet de plus d’aborder, l’air de ne pas y toucher, des questions d’ordre écologique et économique, qui fixe l’œuvre dans un contexte réaliste et sombre (le programme « Jaeger » est abandonné car trop cher – l’invasion ET a commencé car la pollution a terraformé l’environnement de manière favorable aux envahisseurs).

En fait, la frustration vient certainement de la richesse de l’univers présenté par Del Toro, dont toutes les potentialités se heurtent aux limites temporelles et formelles du médium qui les transitent. Et on se prend à rêver à une série récurrente qui nous livrerait tous les détails de l’avancée de la guerre entre les Jaeger et les Kaïju, en veillant cette fois à pousser la caractérisation au-delà de l’archétype pour exploiter pleinement les sous-intrigues qui ne sont qu’effleurées dans le métrage (la relation père-fille entre Mako et son père adoptif ; le rapport affectif entre les deux co-pilotes ; les personnages secondaires qui sont attachants et apportent une réelle humanité face à un discours sur le surhomme qui s’impose de plus en plus au fil des blockbusters (Oblivion, Man of Steel, Iron Man)).

Il n’y a plus qu’à espérer que le film réussisse sont pari commercial, car cela signifierait la déclinaison de cet univers à la fois exaltant et passionnant, qu’on brûle de retrouver une fois le générique de fin terminé.

IMPORTANT : d’ailleurs, contrairement à 90% du public lors de la projection à laquelle j’ai assisté, je vous invite à patienter un peu pour découvrir une courte scène post-générique, qui dévoile le destin d’un personnage du métrage, qui à la peau dur !

La bande-annonce du film :

 

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