De l’influence.

Ce matin, une émission courte mais sidérante sur France Culture : « Comment encadrer le secteur des influenceurs ? »

C’est effrayant d’entendre ce genre d’émissions, où on valide des catégories comme si elles étaient des vérités… « Influenceurs » ça ne veut rien dire, c’est juste, à la limite, du jargon marketing pour mettre une couche de vernis sur ce qui a toujours existé avec la sainte profession de critique. Van Gogh n’a jamais été reconnu pour son talent du temps de son vivant, ce drame n’a pourtant pas inspiré les forces publiques pour modifier cette tyrannie du bon goût qui tous les jours normalise l’injustice de la subjectivité. J’adore comment on débute le propos en angélisant la profession de critique… Depuis toujours des critiques véreux ont menti à leur public en faisant les beaux jours de leurs commanditaires, jamais il n’a été question d’encadrer malgré tout ces professions liées à la « recommandation », et je ne parle même pas des politiques qui ne respectent pas leurs promesses et leur programme. Je ne parle même pas de la publicité, car en résumé, ce qui est reproché aux « influenceurs » c’est donc bien d’en faire de manière « inapropriée ». Comme si la publicité était depuis toujours loyale et objective, jamais mensongère et manipulatoire.

La liberté ce n’est pas donner des moyens de contrôle, c’est contrevenir aux abus. Quand on veut prévenir les choses en créant des organismes ou des lois chargés de le faire, ça n’engendre que de la corruption ou des abus de pouvoir, de la censure et le tapis rouge à la propagande. Mais c’est peut-être le but, hein ? Sous couvert d’agir pour l’intérêt général et le bien des imbéciles, on se débrouille pour légalement verrouiller l’accès à ce qui aura droit de parole.

Arrêtez de vouloir imposer aux gens quoi penser, quoi vouloir, quoi rêver, ce n’est pas de la raison, c’est du totalitarisme. Informez loyalement, non à coups de propagandes téléguidées par des intérêts privés, marchands, qui justement réduisent des individus à n’être considérés que comme des « consommateurs », terme suremployé dans cette émission.

Pas la peine de créer des commissions ou des organismes pour « contrôler » et « valider » ce qui demeure, dans le cadre d’un réseau social comme Youtube, un acte d’expression personnel (car ici on n’entend que la partie commerciale, mais quid du discours politique, systémique ?). Développer l’esprit critique par la connaissance et la réflexion devrait être la solution proposée, pas cette vision qui réduit l’individu à une sorte d’animal stupide… si stupide qu’il faille avant tout limiter son choix et sa liberté du fait de son incapacité d’en faire bon usage.

Derrière cette fausse thématique de l’influence, il y a la tragédie banale d’un consumérisme désigné comme seule ambition existentielle. Si une personne immature regarde un contenu produit par une autre personne immature, il suffit de circonvenir à cette immaturité, pas enfiler un collier de dressage à leurs cous pour les contraindre comme des bêtes.

Une émission qui débute bien avec le rappel sain que le service public doit « éduquer ». Dommage que ça se termine en une énième version d’Orange Mécanique.

Au niveau rhétorique, c’est quand même un cas d’école… je me demande si je ne vais pas finir par faire du décorticage sémantique et sémiologique pour démontrer la malhonnêteté du propos. Enfin, c’est toujours le même processus : on prend un cas précis qui est transformé en « stéréotype » pour se donner l’occasion de créer une loi qui permettra de déborder, un peu, sur sa mission première. « Il va falloir », « contrôler », « Digital Service Act », « Signaleur de confiance »… tout un chouette programme à venir.

Allez, la vidéo, que je viens de regarder pour la quatrième fois, histoire de bien me faire mal.

Exemple d’Usine marémotrice

Écoutant ce matin, un peu contrit et beaucoup navré, le chaos autour de la crise énergétique que nous traversons (qui, attention, à deux visages : il y a une crise du marché de l’énergie, encore et toujours en proie des phénomènes spéculatifs (qui sont un fléau dont nous payons littéralement le prix fort) et une crise de la production de l’énergie avec les conséquences néfastes d’une totale incompétence politique sur le sujet (à vérifier, mais apparemment nous payons 6 millions d’euros pour une heure d’énergie importée, principalement d’Allemagne qui a boosté pour le coup une des sources de pollution les plus terribles, ses usines à charbon).

Alors, je voudrais juste faire écho à ce que j’évoque depuis des mois sur ce site et ailleurs, l’alternative de la production d’énergie via des solutions se basant sur une logique marémotrice. Je ne considère pas que l’exemple dont je vais parler et la seule solution par ailleurs, je pense qu’il y a certainement d’autres possibilités à venir et à imaginer (surtout pour les zones littorales) mais c’est déjà une démonstration d’une énergie verte, constante et parfaitement fonctionnelle. Il y a quelque chose de navrant à ne voir, toujours, qu’une stupide opposition entre l’énergie nucléaire et la solution éolienne… mais il est compréhensible que dans le cadre de lobbys il vaut mieux, toujours, créer un narratif manichéen pour choper des parts de marché.

Allez, exemple de l’Usine de la Rance, dispo sur le site d’EDF, à découvrir pour imaginer et explorer d’autres pistes pour notre pays riche de sa position géographique et de son capital naturel (écosystème).

Les sermons de minuit sur Netflix

Quand je suis sur une plateforme de SVOD je suis tour à tour perplexe, confus, puis découragé. Pourquoi ? Car la visualisation, par vignettes, des « produits » culturels, ne me procure que de l’image là où j’attends du sens, du conseil, du résumé, en bref, de quoi savoir ce dans quoi je m’apprête à me lancer. Je surfais donc nonchalamment ces jours derniers, quand je vis ce titre à la vignette peu inspirante. En cliquant un instant je vis quelques noms magiques ; d’abord celui de Mike Flanagan, puis celui de Stephen King. J’ai un grand regret en ce début d’année, de ne pas avoir vu Doctor Sleep que beaucoup de critiques ont fini par consensus à saluer, juste parce que j’ai encore commis l’erreur de me faire attiédir par une impression partisane avant la sortie du film (du genre « après Kubrick, c’est mort ») et parce que j’ai le réflexe, depuis l’adolescence, de me défier de tout ce qui est trop populaire/populiste… deux attitudes qui ont retardé souvent ma découverte de purs chef-d’oeuvres, bien que durant très longtemps, les préconisations de la revue Madmovies furent une boussole solide. Je trouve à présent, et de manière générale, dans la presse mais aussi sur le web, que la subjectivité prend trop de place – même si le fait d’apprécier une oeuvre doit compter, la reconnaissance de ses valeurs intrinsèques comptent également ; un bon critique ne doit pas dire s’il a aimé un film, mais s’il est possible que le récepteur de son avis puisse l’aimer, en énumérant les qualités visibles, les thématiques, les originalités, etc. Me vient l’exemple de la critique récente d’un film qui ne l’est pas, par ce cher Simon, Jupiter ascending, sur Youtube. J’ai commencé à écrire un commentaire argumentant mon propre point de vue, et finalement je ne l’ai pas publié (pourtant il faisait trois pages, comme tous mes commentaires par ailleurs – que voulez-vous, j’aime écrire, j’aurais beau le répéter il y en aura toujours qui ignoreront cette logorrhée fulgurante qui me caractérise à la vie comme à la scène). La raison étant qu’au moment de valider l’envoi de mon opinion (toujours) éclairée (par une supernova, au moins), je me suis dit que ce ne serait pas une bonne idée, finalement, d’intervenir dans une exercice de célébration que je trouve un peu pervers (que je qualifierai avec un brin de facétie de réhabilitation par excès de ferveur personnelle). J’ai une philosophie (parmi une pléthore), qui est de ne jamais gâcher le plaisir d’autrui ; si je n’aime pas quelque chose, si je suis d’avis contraire, tant qu’il n’y a pas un discours politique ou idéologique, mon réflexe est de fermer ma grande gueule et ne pas parasiter le bonheur des autres. Ce n’est même pas de la tolérance, quel vilain mot, c’est juste qu’un tout petit pas vers la sagesse élémentaire que d’avoir conscience que notre individualité n’est pas une référence… enfin, je ne me perdrais pas encore dans les ramifications de mes digressions, il suffit de voir un chef d’oeuvre comme le Goût des autres de Jaoui/Bacri pour s’éduquer un peu sur la question.

Mais, et c’est le lien avec ma digression, je n’ai rien vu passer sur les Sermonts de minuit. Rien dans le Mad Movies du mois dernier, rien sur Youtube, alors que pour les deux séries Haunting y avait quand même pas mal de monde pour commenter, encourager, plébisciter ou contester. Mais là, rien, plein feux sur Matrix 4, plein feux sur Spiderman, mais que dalle sur la nouvelle production/réalisation de Mike Flanagan. Un peu surpris, beaucoup curieux, j’ai lancé la mini-série, et là un petit bijou, encore (j’ai adoré les deux saisons de the Haunting), avec une intrigue très « kingienne » (petite bourgade ricaine, suite de petits portraits typiques, plein d’anti-héros masculins, des femmes fortes (oui, King n’a pas attendu le néo féminisme pour faire de magnifiques héroïnes), des figures religieuses), en bref, c’est plein d’humanité, d’émotions, magnifiquement mises en images par Flanagan, bien joué par des acteurs parfaits (syndrôme American Horror Story, avec le retour de certains acteurs de the Haunting (1 & 2)… en bref je me régale et je me bingwatch le tout (en trichant pour fêter le 31 et dormir un peu mais j’ai fini ce matin au réveil) et là ce qui me frappe, c’est la raison pour laquelle il y a cet étrange silence autour de la série. L’analogie avec ce qui passe avec le/la covid, le vaccin, le passe sanitaire… quand on voit que l’intrigue, finalement, nous parle d’une croyance détournée pour imposer à une communauté des certitudes qui finissent par la détruire… je me doute que ça devient politique sans le vouloir !

Pourtant, il faut regarder la série en se libérant de tout ce climat anxiogène. Il est question de foi, il y a une très intelligente réflexion sur les religions et notamment un passage où le shérif de confession islamiste, fait la promotion de sa foi sans nier celle des autres ! Ce qui me rappelle mes échanges avec des amis musulmans, il y a quelques années, quand je leur avais demandé pourquoi ils étaient devenus musulmans (l’un était arabe, ingénieur, l’autre d’origine française, converti) ; le premier m’avait répondu que comme pour un programme (il était ingénieur en informatique) il avait choisi la version la plus récente (!) et l’autre m’avait confié, de manière énigmatique et stimulante qu’il y avait des vérités cachées (codées) dans le Coran. Etant profondément laïc, je suis paradoxalement pour la totale liberté religieuse. Il faut créer au sein de nos espaces publics ces dialogues autour des croyances, sans les imposer, sans en faire la promotion. Même quelqu’un de profondément athée ne doit pas imposer sa certitude et finalement un certain fanatisme (comme si ne croire en rien était une preuve d’intelligence). La série présente ces thématiques de manière humaniste et brillante, car si au prime abord on pourrait interpréter le récit et sa résolution comme une charge contre la foi, elle est surtout la dénonciation des certitudes par la religion.

J’ai été personnellement très touché par la conclusion de la mini série en sept épisodes, que j’ai trouvé belle, très réussie, poétique, symbolique, puissante. Ma réflexion, proférée à voix haute (oui, je suis fou comme disait ma défunte maman, je parle souvent tout seul) c’est que j’adore les ténèbres mais jamais je ne pourrais me passer de la lumière du jour. Tous ces personnages, à la fin, qui se tournent vers le soleil, comme présence divine symbolique, procurent à l’histoire une dimension mythologique. La thématique de la lumière, sa perception, est par ailleurs poétiquement illustrée et finement traitée.

Bon, bonne année 2022 (j’ai failli oublié, mais parler de soleil vient de me rappeler que tout ça clôt une pleine révolution autour de son auguste personne) et n’hésitez pas à voir cette série, elle est juste stimulante, un nouveau coup de maître de la part de Mike Flanagan qui réussit vraiment à saisir l’essence des oeuvres du grand King.

Le syndrome de la Tour de Babel

Je me suis réabonné à Netflix. Après, j’ai été un des premiers abonnés. J’ai tout de même 4 chromecast à la maison, dont 3 maintenant qui sont stockés dans la réserve du matos informatique que je me suis constitué depuis 20 ans. Mais je suis passé il y a un peu plus de deux ans à ce petit bijou de Nvidia Shield qui me sert de caster à tout faire (Netflix, Prime, Youtube, Steam, etc.).
Bref, je me suis réabonné à Netflix. J’ai des petits coups de nerf parfois, je suis de ceux qui prennent des mesures radicales et un peu brutales quand ça me gonfle. Là c’était un film inepte (mais alors à un point), où on voyait un jeune couple emménager dans une maison pour régler des petits problèmes d’adultères (sic) provoqués par des petits comportements dysfontionnels (sic) eux-mêmes causés par des petits comportements moralement odieux (sic) faisant l’écho à tous les problèmes de l’humanité car dans la dite maison la même histoire avait presque déjà eu lieu (sic sic sic). Ecrit comme une suite de clichés et d’archétypes confinant presque à la blague lourde (perso j’aurai appelé le film « la valse des égocentriques »), le coup de grâce d’Aftermath (c’est le titre du truc : « Conséquence » en français, donc… oui, il y a un peu de philosophie de comptoir là, après c’est juste du fait divers sensationnaliste, ne rêvez pas) résidait dans sa conclusion qui se permettait, l’air de rien, une petite déclaration politique bien vacharde. Encore en bref, il y avait cette dureté pragmatique qu’on bouffe actuellement de partout de la part de tous ces gens qui savent comment régler les problèmes (notamment avec les « intrus » qui violent notre territoire). Qui savent comment traiter tous ceux qui nous empêchent de vivre notre petit bonheur matérialiste avec leurs drames à la con et leurs pathétiques destins d’inadaptés sociaux. Là, j’ai senti que les auteurs et Netflix me disaient sans prendre de gants que je n’étais plus la cible. Trop vieux, trop idéaliste, trop humaniste peut-être… ou alors plus jeune, pas assez cynique, pas assez dur peut-être. J’ai trouvé les « héros » odieux (mais c’est quoi ces gens qui pensent régler des histoires de trahisons en s’achetant une baraque ?!), invraisemblables (« l’héroïne » immensément talentueuse avec son atelier mode) et vertigineusement creux (à la fin on vend la baraque, comme ça plus de névroses et de soucis). Un film poubelle, un film miroir d’un certain état d’esprit, avec un discours à la fois antisociale et anxiogène… qui m’a motivé à me désabonner comme une grosse goutte d’eau splotchant dans un vase déjà trop plein.

Puis, j’ai vu passer les critiques ciné de « Don’t look up » un peu partout. Des bonnes, des qui te poussent à remettre en question tes grands serments, qui te font philosopher sur l’extrémisme du mot « jamais », qui te chuchotent à l’oreille que y a que les cons qui changent pas d’avis… et même si tu sais que es perdu pour la cause car tu n’as plus d’illusions sur toi-même, petite chose humaine perdue parmi une pléthore d’autres petites choses humaines, tu finis le dimanche soir à repartir pour un tour, histoire de voir un film au prix d’une place de ciné (puis ils m’ont tous saoulé avec Squid Game, et après deux ans d’attentes j’ai vu qu’il y avait de nouveaux épisodes de Jojo’s). Et j’ai vu le film. Et avant de me mettre au boulot (je piaffe d’impatience après tous ces mois de labeur incessant), ce matin je me lève et j’écoute la critique sur la chaîne Youtube de France Culture. Et donc ça me motive à balancer à la volée ma propre impression.

J’ai un cerveau étrange, une sorte d’organisme indépendant qui vit sa propre vie. Donc, je regardais la critique (avec le son, hein, ne commencez pas à dire que je faisais preuve d’inattention), quand une petite musique a commencé à résonner (j’adore toujours l’homonymie avec « raisonner ») dans mon crâne, devenant un petit peu entêtante alors que j’entamais mon deuxième café. M’attardant un instant à identifier la mélodie trublionne, je me rendis compte, effaré (j’ai envie de sortir plein de termes décalés ce matin, c’est mon coté facétieux qui se déchaîne), qu’il s’agissait de « Land of Confusion » de Genesis.

Petite madeleine de Proust surprise : on est en 1986, et je vais m’acheter le 33 tours du dernier album de Genesis, « Invisible Touch ». J’aime tellement cet album que je n’hésiterai pas à l’offrir, quelques mois plus tard, à un copain pour son anniversaire. Un petit bijou, il m’arrive encore d’écouter souvent le morceau « In too deep » que je viens par ailleurs de remettre en fond sonore avant d’achever cette phrase . Mais ce matin, c’était le morceau précédemment cité qui m’était venu en « commentaire », « Land of confusion ».

A ce moment précis de ce billet intempestif, je suis à la croisée des intentions et des sensations. Je regarde l’heure et je me dis qu’il serait peut-être temps de m’y mettre (au boulot), enfin si je veux accomplir la tâche de la journée (baptisée pragmatiquement « faire le fond des cases »). Je me dis que j’ai déjà écrit beaucoup, ce qui n’est pas un souci en soi, mais qui ne mène à rien dans cette idée d’un lectorat souffrant d’un déficit permanent d’attention et donc d’intérêt (φ(k) = At), et que finalement la pirouette stylistique et critique pourrait s’accomplir, non sans brio, en explicitant le titre de ce billet et en expliquant la référence musicale. Dont acte, je vous ai déjà donné tous les gages de mon génie et la profondeur de mes références culturelles. Comme je l’explique régulièrement à ma fille, elle-même dans la « com’ », « interroges-toi toujours sur l’intention ! » – et vous, esthète de la forme, contemplez cette savante utilisation des guillemets français et anglais dans une même phrase).

Dont acte : Don’t look up est dans la lignée du titre de Genesis (paroles + clip : souvenir de l’émission Spitting Images qui étaient la version enragée des Guignols de l’info outre atlantique) la démonstration du syndrome de la Tour de Babel. Où quand une volonté supérieure s’ingénie à semer la division par l’entremise de la confusion et de la dissonance, qui s’incarnent dans le chaos politique et sociétale (que seule la parodie, la caricature, peut synthétiser dans une oeuvre de fiction). Ne plus parler la même langue, c’est ne plus se comprendre, c’est aussi ne plus s’écouter. C’est l’échec de la synergie sociale, sociétale, qui signe le début de la fin. Sur France Culture ils ont bien tourné dans le bocal mais il manquait, à mon sens, cette petite précision qui résume tout. Le film ne parle pas tant de fin du monde, n’est pas tant la caricature ou la parodie de notre société ultra médiatique et corrompue (j’ai un article plus sérieux en brouillon que j’ai intitulé « la guerre des alétheia » qui sortira peut-être un jour – oui, je sais, vous avez hâte), que le constat désenchanté de cette impossibilité, de plus en plus nette, d’une concorde. Dans le récit biblique, la construction de la tour est interrompue, empêchant l’homme d’égaler Dieu. Et Dieu symbolisant l’éternité, il n’y a plus que la mort à la fin du récit, celle qui emporte tout.

Conclusion vertigineuse, dramatique et un poil émouvante qui va clore ce billet sur une note heureuse et optimiste.

Et Joyeux Noël (au sens païen ou non, restons insolemment laïc) au passage (mdr).

Note : la chronique de France Culture et le clip de Genesis – oui, citons les sources (et ça fait des illustration habillant de manière ludique et colorée ces grandes pages blanches remplis de verbiage).

Don’t look up – Teaser in french by Netflix
La chronique de France Culture
Land of confusion

Welcome back Dexter

Beaucoup de boulot en ce moment, mais je suis tombé par hasard sur ça :

Dexter reste une de mes séries préférées, simplement parce que Michael C. Hall a réussi à incarner parfaitement ce mélange de rationalité et de folie pour offrir des intrigues à la fois ubuesques, jouissives et souvent haletantes. Oui, à la fin le peu d’inspiration des scénaristes et la pression d’un succès auprès d’un public plus large que prévu ont fini par parasiter la qualité globale… mais jusqu’au bout, j’ai suivi les errances de notre tueur en série favori avec un brin de tendresse. La scène finale, plan triste et gris d’un homme solitaire, perdu, brisé, était à la fois émouvante… et rassurante… Je sais que les américains ont tendance au reboot et au retournement de situation plus que rocambolesques (coucou Bobby), mais personnellement ça fait des années que j’attends cette suite, surtout dans cette ambiance typique des petites bourgades ricaines, qui est propice à de géniales histoires avec des portraits de persos secondaires croquignolets (coucou Fargo).

Je ne suis pas très série, donc je ne me tiens pas trop au courant des actualités à ce sujet, mais l’algorithme de Youtube a eu la douce impulsion de me proposer ça… Vivement l’automne !

Voilà, le blog n’est pas mort, je suis juste débordé et trop fatigué pour le nourrir comme il le mériterait, mais je me rends compte que mon énergie n’est pas aussi inépuisable que ça !

Jupiter’s Legacy le 7 mai sur Netflix

Je suis fan de Mark Millar depuis ses frasques scénaristiques au début des années 2000… Je le qualifie souvent d’iconoclaste, car c’est pour moi l’un des premiers à avoir « cassé » l’image nette et respectable de certains superhéros, en allant jusqu’à mettre en scène leur mort dans des conditions souvent choquantes. Après, avec le temps, certaines choses sont devenues un peu des gimmicks scénaristiques, comme par exemple sa propension à dépeindre des génies comme des intellectuels dotés d’une sorte de précognition logique. Derrière cet assemblage (…blague ?) fumeux, je veux dire qu’il part du principe que par pur raisonnement logique, on peut aller jusqu’à anticiper des actions complexes, notamment concernant le comportement d’autrui (généralement, le génie en question retourne psychologiquement un personnage moins intelligent en quelques mots bien sentis). Mais lire du Mark Millar, c’est se préparer, avec délice, à l’imprévisible et au sensationnel. Sur ce blog, il y a quelques années, j’avais ainsi donné mon avis sur Old Man Logan où déjà je vantais l’iconoclastie de Mark Millar (bien avant le Logan de James Mangold)… Après il y a eu Redson, les productions ciné originales (Kingsman), enfin Mark Millar a surfé intelligemment sur l’adhésion du grand public à un genre qui était, quand j’étais gosse, comme beaucoup d’autres choses (le manga, le jeu vidéo), réservées à des grands enfants soupçonnés d’immaturité chronique. J’ai accepté depuis longtemps ce terrible fardeau.

Quand Jupiter’s Legacy est sorti, je me le suis donc procuré, et j’ai guetté la suite car le cliffhanger du premier tome était juste parfait. Puis j’adore le style d’une sobriété pleine de sens de Frank Quitely, ce qui fait de ce comics un véritable plaisir total. Venant de découvrir l’adaptation à venir le 7 mai sur Netflix, je n’ai pas pu m’empêcher de venir taper ce petit billet avant de me mettre au boulot (deux pages de storyboard, 4 de dialogues pour aujourd’hui…) et j’attends donc avec impatience le 7 mai pour me bingwatcher la série (avec le plaisir coupable de pouvoir comparer avec la BD – déjà spoilé mais avec le plaisir de pouvoir conseiller mes proches mdr).

Comme par hasard (humour), sur Prime, j’ai découvert Invincible, une série animée adaptée d’un comics de Kirkman, le scénariste de The Walking Dead. J’ai un avis assez partagé sur Kirkman car j’aime ce qu’il fait (des dialogues savoureux, des personnages profonds et complexes, des situations déstabilisantes, une noirceur où brille toujours une faible lueur d’espoir) tout en voyant les influences, voire des inspirations dérangeantes (le début de The Walking Dead c’est juste la repompe de 28 jours plus tard de Danny Boyle). J’ai arrêté the Walking Dead au volume 20 (avec Negan qui explose littéralement un des protagonistes principaux – trop nihiliste pour moi), surtout à cause d’une lassitude des longs couloirs de dialogues que je trouvais à la fin irréalistes, voire surréalistes. Je suis un bavard, un hableur, et je suis un de ces personnages improbables qui te sort un discours interminable nécessitant une capacité d’attention et d’adhésion que je n’ai rencontré, à vrai dire, que chez mes hamsters nains (mais il n’est pas impossible que ces petits malins me dupent). Invincible, je ne l’ai donc pas lu parce que pas vraiment saisi par le génie de Kirkman. Mais quand une adaptation a pointé le bout de son nez sur Prime Vidéo il y a deux semaines, je n’ai pas ergoté et j’ai découvert le bidule. Enthousiasmant, mais diantre, que ça me fait penser à du Millar, avec le même mécanisme d’installation puis de destruction amenant réellement l’intrigue à venir. La sortie des ces deux productions (le mot actuel serait plutôt « contenu » – voire mon billet précédent sur le sacré :-p) est peut-être l’introduction d’un nouvel épisode dans la mode des superhéros, après les versions pulp et populaires de Marvel, voici venir l’iconoclastie et l’irrévérence que le succès de la série « The Boys » sur Prime a clairement initié/encouragé/stimulé.

Au début du teaser on voit la fameuse île, et c’est juste ça que j’avais regretté dans le comics initial… il y avait comme un parfum du Planetary de Warren Ellis et Cassaday (un de mes préférés), mais ça ne reste qu’au stade de la fragrance (j’avais écrit d’abord écrit « flagrance », lapsus sémantique ?), là où j’aurais bien fait bombance (la rime est offerte par la maison).

https://youtu.be/mEkFEZAsmFI

Que reste-t-il de sacré sur France Culture

Et non, ce n’est pas une question mais le titre de l’émission, petite facétie qui ne fait donc pas affront aux règles de l’orthographe en ces temps de perfection sémantique tellement convoitée et si rarement atteinte. Les guillemets auraient éventé la feinte et j’aime bien cette posture polémiste alors que je continue d’adorer France Culture (que j’écoute principalement, comme Arte, sur Youtube).

Très agréable moment avec Frédéric Lenoir sur France Culture, avec une réflexion que je partage complètement sur le sacré et la spiritualité, avec des propos qui me parlent et avec lesquels je me sens en totale adéquation.

Je ne parle jamais de religion ou de spiritualité car j’ai toujours peur de contribuer à la confusion actuelle, et parce que je considère que c’est véritablement un chemin personnel et solitaire. C’est toujours un paradoxe que je n’aime pas expliquer, d’aimer autant les mots et d’autant m’en méfier. Le verbe est une chose magnifique, mais les mots sont d’une telle puissance qu’ils échappent toujours à notre contrôle ou notre volonté. Consciemment ou involontairement, nous pouvons infléchir, influencer, les choix d’un autre. Je sais que ma spiritualité est véritablement une aventure intime et que je ne peux communiquer que par l’enthousiasme que j’ai toujours ressenti pour certaines questions, pour certaines idées, voire pour certains idéaux. Je conclurais en disant simplement que je suis profondément convaincu que les deux seules choses qui peuvent sauver ce monde sont le pardon et la miséricorde. Ce n’est pas une conviction d’ordre religieux, ce n’est pas le reliquat d’un enseignement quelconque, c’est juste le résultat de ma propre réflexion, de ma propre expérience, de mon observation. Comme M. Lenoir, je trouve le monde toujours aussi beau, il faut dissocier le monde que nous construisons et celui sur lequel nous opérons cette construction. Je disais il y a peu à ma compagne qu’il y a deux conceptions de la civilisation, celle qui considère la nature comme une harmonie à préserver, et celle qui la considère comme une source inépuisable de richesses à piller sans scrupule. Croire qu’il n’y a qu’une seule voie, comme c’est un peu la névrose actuellement, est une pure folie dont la durée de vie est à la mesure de notre capacité de déni.

Bertrand Tavernier, la vie et rien d’autre.

Mort de ce cinéaste aujourd’hui, et moi qui écoute l’énumération de tous ses grands films, car il y en a eu.. et qui revient toujours à celui là, La vie et rien d’autre qui par le hasard des choses est disponible depuis peu sur Netflix. Un film que j’adore, qui est un de mes préférés, et que pourtant j’ai du mal à revoir. Pourquoi ? Car étrangement, quand c’est trop fort, j’ai un recul maintenant, à revivre certaines émotions trop puissantes. Quand j’ai vu le film, j’avais 20 ans (hier donc), et j’ai immédiatement été bouleversé par l’histoire, magnifiquement contée car Tavernier était un vrai cinéaste avec un sens aigu de l’image et de la mise en scène… mais encore par le personnage de Philippe Noiret qui, je m’en rends compte en écrivant ces lignes, n’est pas si éloigné de celui de Stéphane dans Un coeur en hiver, cité récemment sur ce même blog. Dans les deux films, on voit deux hommes cyniques, se réfugiant dans l’absurdité de la vie professionnelle, rassurante car mécanique, leur permettant d’échapper aux relations humaines, incertaines et donc dangereuses. Dans les deux films, des femmes pètent un plomb pour dire à un homme de vivre et d’être enfin vrai, d’arrêter de jouer à être plutôt qu’être vraiment. Cette scène, dans la vie et rien d’autre, dans laquelle Azéma donne à Noiret toutes les cartes pour que commence une magnifique et belle histoire d’amour, qu’il gâche affreusement, presque comiquement… et le rattrapage, le sauvetage, la rédemption, comme dans le film de Sautet, à la toute fin, cette fois via une lettre, moyen tellement plus facile pour une parole captive… Voilà, Tavernier est mort, Sautet est mort, tout s’achève ici, enfin matériellement car personnellement ça n’a jamais été ma conviction. Pourtant, ce film, déjà dans son titre, nous dit une grande vérité, à laquelle nous pouvons croire dans ce monde de chimères et de faux semblants. Oui, la vie et rien d’autre, et aussi beaucoup d’amour et de paix, message final de ce film génial qui me fait penser à mon père, un homme de chiffre, lui aussi captif de cette numération infernale. La méduse mathématique qui peut faire croire que le vertige de la raison permet d’oublier le bonheur de la sensation réelle. Mais non Papa, la vie et rien d’autre, comme le filmait si bien Bertrand Tavernier.

Après, la voix magique de Philippe Noiret, acteur juste génial, au timbre unique, lisant cette lettre finale, ça reste un trésor qui m’émeut bien plus que toutes les versions de Roméo et Juliette réunies. Et je vous l’ai trouvé en plus, donc si vous ne voulez pas vous faire spoiler/spolier, n’hésitez pas à plutôt aller voir le film. Sinon faites comme moi, et régalez vous de ces formules surannées, soutenues, maniérées, affectées, qui me restent dans ma mémoire atavique comme l’écho d’un monde perdu.

Superman & the Autority

Il y a peu, j’ai réagi à une vidéo sur Youtube concernant un petit débat sur le Batman versus Superman de Snyder. Simplement car les deux tribuns partageaient pour le coup une franche admiration sur le plan du collier de perles de la mère de Bruce Wayne, qui se brise tandis que le coup de feu fatal met fin à sa vie. Je m’étais donc permis de rappeler que cette image, ce moment, cette métaphore, cette idée, était celle de Frank Miller dans son mythique Dark Knight, paru à la fin des années 80 et que j’ai dans ma bibliothèque, édition Zenda (j’ai dû corriger j’avais écrit « Zelda » mdr), juste à coté des Watchmen de Moore. Réaction assez étrange de la rédaction (car les deux youtubers font partie d’une équipe éditoriale qui à l’évidence possède un pragmatique mais maladroit community manager) qui m’a répondu qu’ils le savaient… mais qu’ils n’avaient pas voulu surcharger la vidéo d’infos « inutiles » vu la richesse intrinsèque de l’échange. Oui, mais non. Personnellement, je n’ai pas insisté, car je sais aussi que Miller passe souvent pour un extrémiste aux idées réactionnaires (en gros, il a tendance à un peu trop célébrer le patriotisme en stigmatisant « l’étranger », cet envahisseur perfide,… ce qui est toujours délicat en ces temps d’universalité bienveillante). Je peux le comprendre, donc je n’insiste jamais, même si je suis conscient de l’apport de Miller dans le paysage du comics (avec Daredevil et Batman en tête). Mais en gros, je disais dans mon intervention que ce film est un hommage évident au comics de Frank Miller…. et ces derniers jours, la news est sortie :https://www.eklecty-city.fr/cinema/justice-league-zack-snyder-dark-knight-returns/me donnant définitivement raison. Simon, cette phrase est pour toi mdr.

J’ai commencé à lire des comics à l’âge de 5 ans. Mes parents m’achetaient Pif Gadget, mais moi je voulais lire les aventures d’Iron man, de Spiderman, des X-men, etc. Je suis donc de ceux qui ont une grosse culture « classique » des comics, et j’ai décroché vers 2010, un peu irrité de voir que la philosophie américaine du refus de la vieillesse et de la mort provoquait des constants reboots de ces histoires et des héros concernés. Le déclenchement fut le sort de Peter Parker aka Spiderman, qui dans une histoire se voit projeté dans le passé, avant l’arrivée de Mary Jane dans sa vie. Vendu comme un retour de l’âge d’or, moi je l’ai vécu comme un effacement de mes souvenirs. Puis le choix implacable des producteurs des films, consistant à tout réinventer ou changer, a brisé toute ambition de rester à jour dans cet univers sans cesse changeant. Et pour finir… et Henry Pym alors ?!!!!

Mais dans ma fameuse bibliothèque, j’ai conservé précieusement des comics qui sont pour moi des chefs-d’oeuvre. Et en bonne place, je possède les premiers volumes de The Autority, qui fut pour moi à l’époque une initiation aux nouveaux scénaristes des comics, iconoclastes et géniaux, que furent et sont encore Grant Morrison, Mark Millar, et Warren Ellis. D’ailleurs, bien plus que The Autority, Planetary reste l’oeuvre que j’affectionne le plus. Mais comment décrire une histoire qui recycle le vieux signal des 4 Fantastiques en svastika ? Il y a du génie dans ces scénarios, et il me vient cette vérité que l’apport de Mark Millar dans le succès des Vengeurs au cinéma me semble un peu minimisé. Avec Brian Hitch, c’est ce duo qui a fait le choix d’utiliser Samuel Jackson comme modèle pour la nouvelle version de Nick Fury par exemple. Enfin, et en bref, j’ai décroché, en arrêtant d’étaler (comme ici) ma petite culture de vieux fan des comics, un peu déçu de ne plus pouvoir prophétiser le déroulement des intrigues… mais comprenant parfaitement le choix des producteurs dans un monde qui pour vibrer doit être nécessairement surpris et étonné. Mais de là à créer une love story entre Hulk et la Veuve noire, j’ai jamais pu adhérer.

Cependant, il y a deux jours, les rumeurs d’un futur comics m’a fait vibrer et m’a fait retrouvé l’excitation que je ressentais, antan, quand on annonçait des cross overs mythiques…. Superman & The Autority c’est juste l’archétype associé à l’iconoclastie. Après, il y a eu un dessin animé Superman contre l’Elite, qui l’air de rien est une réponse (et une caricature) à l’irrévérence de The Autority, et donc un détournement des héros de ce comics qui finissent d’ailleurs par se noyer dans leur cynisme face à l’inamovible puissance morale de Superman.

Dans l’attente donc, car pour le coup, le détournement sus nommé ne rendait pas justice à l’émouvante Jenny Sparks, l’esprit du vingtième siècle, avec son insolent Union Jack sur le tee-shirt, qui meurt au début du nouveau siècle… The Autority ce n’était pas un groupe de punks souhaitant détruire le monde en n’agissant qu’à leur tête… c’était surtout des libertaires qui conscients de leurs pouvoirs, voulaient s’affranchir d’une certaine autorité pour favoriser la justice. La vraie, celle qui répare les préjudices des faibles, des démunis et des opprimés. Dans cette idée de l’autorité, le comics révolutionnait le discours tout en invitant à la réflexion. Les voir revenir, au détour d’un comics inattendu, ne pouvait que m’inspirer cet article enthousiaste d’un vieux fan endormi.