Good-bye Ryūichi Sakamoto

Bon, on fait une petite partie chill de Core Keeper quand votre fils vous apprend que Ryūichi Sakamoto est mort.

Que dire sinon que je rends hommage à celui qui a bercé mes oreilles de tant de belles musiques depuis que j’ai pris connaissance de sa belle existence et de son grand ouvrage avec son joli rôle dans Furyo (avec l’immense David Bowie avec qui, depuis encore, je l’ai toujours associé dans ma mémoire).

J’aurais pu mettre Forbidden colors, qui reste un thème magnifique et magistral, ou celui de Wurthering Heights, mais je préfère en ce moment « citer » Amore, du moins tant que le lien Youtube marchera :

Allez, impossible d’y résister, j’adore tellement cette version « trio » de Forbidden colors :

Battu par chaos ?

Un des modules de ce site m’a rappelé violemment, hier, que ça faisait plus d’un mois que je ne m’étais pas connecté. Beaucoup de boulot, une névralgie cervico brachiale qui m’a bien pourri la vie et qui n’est pas totalement réglée, et bien entendu le contexte social, économique et politique qui accapare beaucoup de mon attention. Alors ce matin, avant de m’y mettre, petit exercice sain d’écriture et de réflexion sur cette période à la fois passionnante et inquiétante de notre présent démocratique.

Depuis presque trois décennies, j’essaie de faire un peu de pédagogie sur le concept de la démocratie. Durant des années, je ne suis pas allé voter, à cause d’une petite anecdote qui avait fait sens… Chirac s’était vanté de sa légitimité avec son score au second tour face à JM Le Pen, et j’avais été à la fois dégoûté et contrarié de tant de roublardise. Dès lors, j’ai considéré le vote dans une démocratie représentative comme une vaste entreprise manipulatoire. Ce qui était né il y a longtemps de mon instinct, primal, de défiance et d’irrévérence, a évolué par la suite avec la progression de mon capital culturel. J’avais il y a plus de 30 ans l’ambition de comprendre ce monde, je ne voulais pas me contenter des réponses toutes faites, des idées préconçues, des a priori(s), des certitudes qui font que la plupart d’entre nous déambulent dans ce monde en se heurtant aux parois de la caverne davantage qu’en arpentant un chemin lumineux. Maintenant, alors que je vais fêter mon quinquanniversaire, j’y vois plus clair avec l’amertume, souvent, de ne pouvoir partager ma vision des choses. Hier, en discutant avec un proche, je me suis encore tu, et je l’ai laissé me régurgiter la paquet confectionné par l’arsenal médiatique qui alimente un narratif totalement décalé par rapport à la terrible réalité. Je n’ai pas agi par condescendance, ni par suffisance, et encore moins par lâcheté. Simplement, il ne m’est pas possible de détricoter, au fil d’une discussion, le tissu complexe d’une perception du monde complètement faussée.

Mon père est mort l’été dernier, un homme particulier avec qui j’avais une relation particulière. Nous étions loin du cliché de la relation qui tient du mentorat… mon père était un homme inspirant mais sans instinct paternel. Une de mes premières actions de ma vie d’adulte fut de comprendre et pardonner mon père. Grâce à ma mère, qui était une femme d’une générosité et d’une miséricorde magnifiques, j’ai pu le faire. Sans ses révélations, sans sa capacité à me confier les failles et les fêlures de mon père, j’aurais peut-être fini par lui tenir rancune de son absence, de ses silences, de son indifférence, de son désintérêt. Celui que je suis s’est construit dans l’ombre gigantesque d’un homme vraiment exceptionnel, à la fois immense et fragile. Il était taiseux, mutique, froid, campé dans cette élégance un brin affectée qui’il a malheureusement perdu dans sa vieillesse difficile. Le plus ironique dans tout ça, c’est que mes proches, mes enfants notamment, ne supportent jamais mes silences. Ce qui est rare pour eux était mon quotidien avec mon père.

J’aimais mon père, mais dès mon plus jeune âge, j’ai pris le parti de ne jamais lui faire de reproches, surtout celui d’être un mauvais père. Et pour cause, il ne l’a pas été, car en bien des choses il aura été généreux et présent… la caractéristique d’une génération qui vivant l’opulence, remplaçait le temps et la disponibilité, l’attention et le don de soi, par l’argent. Avec mon père je n’ai jamais manqué de rien… avec mon père j’ai toujours manqué de lui.

Un an avant sa mort, alors que des gens manifestaient en masse, pacifiquement, pour dénoncer les dérives du passe sanitaire, j’avais à peine effleuré le sujet avec lui au téléphone, qu’il m’a renvoyé, hystérique, une imprécation définitive : « Mais tu ne vas pas soutenir ces irresponsables !? ». Fin de discussion, raccrochage, moment de solitude personnelle, celle que j’ai vécu tellement de fois en sa compagnie. Tous ceux qui ont voulu me comprendre devraient déjà percevoir chez moi l’immense tristesse qui est née de cette distance, insoluble et définitive, entre mon père et moi. J’ai appris à me taire, à cacher ma révolte et ma colère, même si elles ont toujours été présentes en moi. J’ai appris à les juguler et à en faire un force, une source d’énergie. Mais avec la condition de ne pas m’égarer dans de vaines querelles. Malgré tout, toujours me reste l’aigreur du silence, la sensation de fuite qui naît toujours dans la tempérance. Céder à la colère c’est souvent sombrer dans l’hubris… Se garder de l’excès c’est ressentir la frustration de l’inaction.

Ces dernières années, j’ai énormément travaillé, et je ne parle pas seulement de cette hystérie productiviste qui fait les beaux jours de la propagande actuelle. J’adore bosser, j’en ai besoin, et la stimulation d’un quelconque maître d’oeuvre qui se prétendrait vital pour compenser ma turpitude ne m’a jamais été nécessaire. Je sais ce que j’ai à faire, et quand je ne sais pas, je me lance quitte à affronter des moments d’incertitude voire de solitude. Mais je parle aussi d’un point de vue réflexif et culturel. J’ai pris conscience, il y a quelques années, que j’étais moi aussi tellement la tête dans le guidon, tellement encouragé à faire n’importe quoi, à accepter n’importe quoi, que je me perdais, lentement, doucement, mais sûrement. Pour toute personne, il y a celui (ou celle) qu’on veut devenir, et celle qu’on devient. Je n’ai jamais pu rentrer dans une case, pas par désir de distinction, pas par puéril volonté de me sentir meilleur ou différent des autres. Je ne pouvais pas le faire, tout simplement. J’aurais essayé, j’aurais fait d’énormes efforts. Toutes mes réussites et tous mes succès, souvent notables, ne m’ont laissé qu’une impression amère. La sensation du nonosse en échange de la servitude. La vraie vanité qui se nourrit du regard des autres, souvent compensée, presque heureusement, par la dénégation et le mépris de ceux qui me refusaient les trophées. Dans cette société de la compétition permanente, c’est un peu ça le subtil piège : tout étant fait de croyances, c’est celui qui incante le plus qui souvent l’emporte. Les fameuses apparences, la tension permanente entre la posture et l’imposture. Le narratif. Vivre en société tient à mes yeux beaucoup à ça : choisir de participer, ou non, au narratif. J’ai longtemps rêvé, souhaité, attendu, ce moment d’échanges et de dialogue autour de tous les sujets qui font la vie. Presque toujours, ça n’aura tourné qu’à l’invitation à partager (ou non, encore), des certitudes.

Je suis paradoxalement un homme très heureux. Je sais, le dire, l’écrire, le prétendre, ça sonne toujours comme une incantation, une bravade, une prétention, voire une vanité de plus. Mais j’insiste, je suis heureux. Parce que ce bonheur repose sur des choses simples, sur ma capacité à m’émerveiller, depuis mon enfance, sur des choses d’une simplicité, d’une trivialité, affolantes. Le chant des oiseaux, hier après-midi, pendant que je bossais. Mes deux chats qui chahutent et me font rire. Mes enfants qui n’en sont plus, et que je prends plaisir à voir maintenant mûrir. Le ciel bleu, les arbres, la culture, la beauté des êtres que je croise, la bonté que je sens en eux, l’humanité vibrante qui à la fois m’émeut et me désespère souvent. Je vieillis, la majorité des gens que j’aimais sont morts, et pourtant jamais je ne me suis senti aussi vivant et en paix avec moi-même. Alors souvent, j’écris un commentaire sur les réseaux sociaux, puis au moment de l’envoyer, je l’efface. Ce n’est pas de la fuite, ce n’est aucunement de la lâcheté, je peux fièrement dire que ce qui se passe maintenant, je l’avais exactement prédit et annoncé. Et alors ? Je n’ai même plus envie d’avoir raison, je veux juste ne plus me perdre dans des batailles et des conflits inutiles.

Le chaos actuel est consciencieusement organisé. Il y a plus d’un an, j’avais écrit dans un commentaire que tout système vertical ne peut s’appuyer, à terme, que sur le contrôle et la répression. Après, ce qui me semble le plus absurde dans tout ça, c’est l’idée que cela puisse suffire et surtout, perdurer. J’écoute les analyses, ceux qui psychologisent, ceux qui préconisent, ceux qui prophétisent, et souvent ce qui me frappe c’est la difficulté de prendre de la distance, de s’abstraire de ses propres certitudes. Je me suis toujours considéré comme un homme romantique, au sens le plus pur du terme (sans le réduire à une vignette de stratégie commerciale), et je suis frappé par la volonté des forces dominantes à maintenir le peuple dans l’enclos des émotions et surtout par l’acceptation de celui-ci à l’accepter voire le souhaiter. Ce jeu dangereux de la manipulation, quand tu t’appuies sur les réactions pour contrôler ton interlocuteur. Dangereux car l’émotion fait naître parfois l’excès, l’acte inconsidéré, le moment de folie.

D’où le point d’interrogation à la fin du titre de ce billet du premier avril 2023 : « Battu par chaos ? ». Reste à savoir qui le sera, car comme le dit ce proverbe que j’ai toujours aimé car si poétique : « qui sème le vent récolte la tempête ».

Et mon esprit facétieux, et ce moi intérieur goguenard qui me glisse alors que j’écris ces lignes, d’écouter « Comme un Ouragan » de Stéphanie (de Monac’).

Je vous l’ai dit, je suis bien malgré moi un homme heureux.

La question de l’IA

Depuis quelques semaines, je suis très fébrile par rapport aux progrès de ce qui est appelé communément « IA » pour Intelligence Artificielle. Je ne reviendrais pas sur l’inflation (c’est à la mode) propre à l’expression… Peut-on désigner comme intelligence ce qui n’est pas conscient et libre de ses propres décisions ? Enfin, point de débat ce matin, juste l’enthousiasme à partager les opportunités des services à notre disposition. Oui, nous assistons actuellement à un changement majeur dans le processus productif et même créatif car ces outils vont simplement modifier solidement et durablement la manière d’appréhender le travail dans le tertiaire, si bien entendu le désastre écologique et la rareté des matériaux ne nous rattrapent pas d’ici là. Mais ne cédons pas ce matin au catastrophisme de bon ton, restons dans l’ivresse des jours aux lendemains certains, et faisons le bilan de ce qui est en train de nous arriver.

Je vais partir de mon cas personnel pour essayer de traduire le fond de ma pensée. J’ai choisi une activité solitaire, mais propre à ma nature, mes attentes, mes envies, mes ambitions, avec la pleine conscience de ce que cela signifiait d’efforts et de travail à venir. Pour tout avouer, j’ai plié mon mode de vie à ces ambitions en m’imposant une discipline plus que spartiate mais qui me rend heureux, pour tout dire. Cette discipline a pour but essentiellement d’entretenir voire d’améliorer mes fonctions cognitives ainsi que mes capacités manuelles. Malgré tout, étant constamment dans le stratégique et le prévisionnel, j’ai inclus dans mon calcul mon vieillissement et le déclin de mes capacités. C’est donc avec réalisme et peu d’illusion que je me suis lancé dans ma dernière et magnifique aventure, en me disant qu’il valait mieux des remords que des regrets et surtout, en répondant à ma nature et mon caractère profonds que j’aurais trop combattus durant de nombreuses années.

J’étais donc au stade de faire, et pour le coup j’ai bien fait car j’ai abattu un boulot considérable ces dernières années pour parvenir à créer la base de mon activité. En constatant que je devrais, à regret, ne pas pouvoir faire tout ce que je souhaitais, ne pas réaliser tout ce que j’avais ébauché. Je m’étais réfugié dans l’idée d’un process d’écriture testimonial, si j’ose dire… en bref, coucher par écrit toutes mes idées dans l’illusion rassurante (mais conscient de la potentielle vacuité de la chose) qu’un autre puisse un jour en trouver l’usufruit.

Et là, les IA.

A ce stade, il est important de bien comprendre un point qui me semble actuellement primordial et que peu ont noté. Il y a certes une révolution technique, mais il y a surtout un process qui va irrémédiablement avoir une conséquence majeure qui va être la protection forcenée et très limitative des droits de ce qu’on appelle la propriété intellectuelle. En bref, les IA de création se servent actuellement de toutes les créations d’autrui pour générer leurs résultats, car ces créations sont en libre accès sur la vaste terre de moins en moins sauvage qu’est le Web (enfin, le web grand public ; ignorer les abysses ne rend pas la mer moins mystérieuse qu’elle ne le sera toujours). Naturellement, les créateurs se voient spoliés et pillés par ces process, et si ces derniers n’ont pas la puissance systémique pour exprimer leur colère, les tenanciers des grandes franchises du divertissement le feront pour eux. En bref, les IA de création ne pourront, à l’avenir, qu’utiliser ce qui leur sera licencié (je ne parle pas de débarquage salarial mais d’acquisition de licence – je sais, en ces temps de confusion organisée, ça n’aide pas d’utiliser un idiome qui à mon instar, est d’un autre temps). Pour le dire plus clairement, les IA vont bientôt devoir faire avec les fils barbelés de la territorialisation de la propriété intellectuelle qui va s’accentuer, avec tout ce que cela induit à la fois de justice sociale et de pénibilité pour le consommateur lambda.

Ayant toujours été dans les deux mondes, celui prosaïque de la productivité bas du front qui ressasse sans cesse que le temps c’est de l’argent et l’univers un peu plus tortueux de la réalité artistique qui compose avec les humeurs et les envies, je sais que le premier a pris pour habitude de spolier le second. J’ai voulu, en mon temps, attaquer un employeur qui ne m’avait résolument pas rémunéré en proportion de l’apport de ma contribution au fonctionnement et surtout à l’enrichissement de sa société. Etant créateur de tout, de la forme comme du fond (il n’y avait que la réalité du service dont je ne pouvais invoquer la paternité), j’ai eu l’illusion un temps de pouvoir légalement en recevoir un juste usufruit (surtout que je parle d’un bon millier de messages publicitaires réalisés en print comme en ligne). J’ai finalement abandonné, conscient du changement drastique de la justice française qui a épousé de manière atroce la transition vers cet ultra-libéralisme qui n’en finit pas de nous rendre malheureux. Sur le fond, j’avais raison – de là à attendre de mes juges qu’ils penchent de mon coté plutôt que celui du bon camp actuel, soit l’employeur sauveur de l’humanité en soif de travail, je n’en avais pas la candeur.

Etrange pays que la France, si prompt à bomber le torse en se déclarant premier à défendre et promouvoir les droits de l’homme, tandis qu’en douce, derrière le rideau, l’exploitation est organisée et consciencieusement élaborée. En tant que créatif, je l’ai lentement et amèrement compris, ce qui m’a dégoûté, littéralement, du processus artistique et créatif en entreprise. J’en nourris encore un cynisme sain, ayant bouffé, des années durant, des champions du petit doigt levé et leur sens du beau et du bien dont la voilure était proportionnelle à leur culture, souvent nulle et dérisoire. J’en garde des moments anecdotiques savoureux, comme cette fois où j’expliquais à une jeune cadre qu’une bonne pub n’était pas forcément une pub « belle » mais bien une pub performante. Le plus risible, dans mon cas, c’est que j’ai fini par être plus pragmatique, et à mon sens efficace, que des décideurs résolument égarés dans leur ego là où il fallait penser « public » et « marché ». Je reconnais aisément qu’encore maintenant je reste schizophrène, à la fois cet homme stratège et rationnel, calculateur et méthodique, et cet autre plus désinvolte, romantique et fou. Le premier a rêvé d’un monde du travail organisé où la performance se situait avant tout dans la qualité de la pensée avant les manœuvres politiques et ce que j’appelle, un sourire en coin, « l’imposture de la posture ». Le second a compris que du premier qu’il pouvait en trouver un solide allié, ce qui m’a amené aux choix que j’ai fait ces dernières années et que je ne regrette absolument pas.

Surtout lorsque je me rends compte que les IA sont, dans mon cas, une pure bénédiction. Toujours, toujours, je me suis épuisé à produire, à écrire, à dessiner, à apprendre, à assimiler, à noter, constatant avec dépit que je n’avançais jamais assez vite, que c’était toujours la même montagne chaque jour à tenter de gravir, en espérant en voir peut-être, dans un lointain avenir, la cime. L’énergie, je l’ai toujours, c’est ma chance et ma richesse, chaque matin elle me pousse et me motive à aller de l’avant… et vas-y que j’y vais ! De toute manière je sais qu’un homme comme moi ne finit pas en chevrotant dans un fauteuil mais bien en cassant comme une brindille rebelle finalement brisée par le vent. C’est peu cher payé pour une nature sauvage que personne, ni même moi, n’aura fini par dompter. Mais il y avait quand même un peu de désespoir et de résignation derrière les humeurs lyriques. Depuis quelques semaines, je n’ai pas besoin de shoot d’adrénaline pour y croire et continuer, j’ai fait l’inventaire de ce peuvent me procurer comme assistance les IA et je suis littéralement enthousiaste et confiant.

Par exemple, je suis en train de planifier la suite de mon premier projet, et du coup, je suis en train de prévoir la manière dont je vais opérer pour que ces IA me mâchent l’essentiel du boulot. Attention, je ne dis pas qu’elles seront créatives, et que personne n’en ait l’illusion, elles ne le seront jamais. Elles ne peuvent que créer des patchworks en empruntant à d’autres, ce qui fait qu’elles resteront toujours dans l’opérationnel là où un créatif sera dans l’inspiration. Mais je perds tellement d’énergie et de temps à simplement préparer le boulot qu’elles vont simplement m’économiser un temps que je croyais irrémédiablement perdu, nécessairement sacrifié.

J’ai déjà réalisé un budget prévisionnel, je pense maintenant à m’atteler à des choses que je destinais aux archives. Contrairement aux mauvais augures, les IA ne sont pas un danger pour l’humanité, elles ne font que préciser ce qui est une certitude : il faut irrémédiablement changer la vision et la place du travail dans nos sociétés, dont les dirigeants, la pseudo élite politique, s’obstinent dans une idée passéiste et rétrograde, totalement obsolète. Nous produisons bien plus de richesse que les générations passées, parce que nos outils s’améliorent. La question n’est pas dans la productivité, qui a explosé, mais bien dans la répartition des richesses. Après, sombrer dans la rhétorique de la compétition de cette productivité, c’est juste applaudir et participer à un esclavagisme moderne qui font qu’une minorité se l’approprie. Et je le répète, je ne suis et ne serai jamais de gauche (et encore moins de droite) : je suis pour une société idéale où chaque citoyen participe activement et en conscience à l’enrichissement de la cité et par extension des autres, des siens. Je crois en la solidarité et la fraternité, et il n’y a pas d’avenir à refuser ou nier le progrès. Il y a juste à placer ces évolutions, ces grands changements, dans une volonté politique et même sociétale où le but n’est pas l’enrichissement des intérêts particuliers mais bien l’intérêt de tous.

Eschatologique

Qu’on me pardonne ce titre tragique et un poil ésotérique, mais m’interrogeant sur l’ambiance générale actuelle, du moins de mon petit point de vue d’être humain, accessoirement français, petite fourmi dans ce vaste monde, c’est ce qui m’a semblé le plus pertinent. Après, j’aime utiliser des termes où l’exagération le dispute à la dramatisation… mais oui, il y a comme un air de fin du monde ce matin, une fin du monde tranquille, paisible, qui vient tout doucement, en nous caressant la tête tendrement, histoire de nous pousser délicatement vers le bord du précipice en nous souhaitant, ironie ou délicatesse, bonne nuit.

Je reste toujours optimiste, c’est ma terrible nature, mais j’avoue que je constate, d’année en année, de mois en mois, de semaine en semaine, de jour en jour (j’arrête ici l’énumération du lexique calendaire), l’absurdité d’un système qui ne vit plus que pour lui même sans aucune véritable considération pour ses décisions les plus ineptes. Non, je ne parlerai pas ici de la retraite, ça me semble abscons de toute manière de reposer sur un principe qui lui-même vient d’un autre temps complètement révolu, mais bien du marché de l’énergie. Ce matin, levée matinale comme trop souvent, et je tombe sur notre monarque suprême qui semble découvrir l’aberration de l’indexation du cours de l’électricité sur celui du gaz. Il lui reste donc, avec quelques années de retard, à découvrir le fonctionnement inepte du marché en lui-même, qui fait d’un pays premier producteur en électricité au monde, la victime consentante, le sacrifice volontaire, d’une fiction aussi délirante que l’Europe. Tentons la métaphore… c’est un peu comme si les pays producteurs de pétrole s’engageaient à vendre leur or noir à un prix bas, sacrifié, pour que d’autres le vendent bien plus cher. Et oui, ça ne fonctionne pas trop comme ça, et encore, ma métaphore est encore imparfaite car il y a beaucoup à dire sur le coût réel de l’or noir, dont la valeur n’est pas relative au coût de son extraction ou de son transport, mais bien de sa valeur en considération de sa prépondérance, de son importance, dans nos sociétés énergivores.

Ce délire économique va avoir des conséquences terribles dans les prochains mois sur l’économie française, notamment les entreprises, qui vont voir les postes sur l’énergie exploser en termes de charges. Vraiment, je ne comprends pas comment une prétendue élite peut voir venir d’aussi loin l’iceberg sans se dire que la coque ne va pas aimer du tout l’impact. Alors nous avons la prévisible, pathétique et misérable, concentration des moyens de contrôle pour endiguer les révoltes logiques, mais… et après ? Opprimer pour contrôler, décourager, désespérer, c’est une phase qui, bien que révoltante et moralement méprisable, peut induire tout de même une forme de vision et de planification… mais détruire le tissu économique en faisant les choix les plus pyromanes et les plus insensés, provoque, du moi chez moi, une réelle sidération. Cui bono ? Je ne veux pas céder aux sirènes du complotisme (Davos n’existe pas) mais sommes-nous dans la triste réalité d’une complète xénocratie qui planifie tranquillement le pillage et la destruction de notre pays dans une totale impunité ?

J’attends depuis des années un sursaut, pas que du peuple sur lequel les commentateurs passent leur temps à vouloir balancer le fardeau, comme si la démocratie était véritablement en cause (quelle blague), mais bien du monde entrepreneurial qui reste un des poumons du pays. A force de s’entendre répéter que le pire ce sont « les charges salariales », trop lourdes, ce monde là n’a pas vu venir l’apocalypse énergétique. Il arrive pourtant, les boulangeries n’étaient que la première ligne à encaisser le choc, des scandales en chaîne qui font les beaux jours des commentateurs sans qu’encore une fois des mesures soient prises pour éviter les drames ou les faire cesser. On s’indigne, c’est facile et ça ne coûte pas cher, mais on sert le thé à l’invité en fronçant les sourcils, car de nos jours la révolte se veut toujours polie et jamais agressive.

Pourtant, nous y allons vers ce triste choix… celui qui consiste à respecter les règles ou les enfreindre. Mon récent billet s’intitulait irrévérence… je pense aux trois discours sur la condition des grands de Pascal. En même temps, je me demande si climatiquement, si écologiquement, il nous reste suffisamment de temps pour réfléchir et enfin agir. Le plus terrible là-dedans, c’est de constater le niveau de destruction et de malfaisance, littéralement nié par un narratif qui continue à fredonner le meilleur des mondes comme si nous y étions. Souvent, je dis à mes enfants que je suis déjà mort, ce qui n’est pas faux. J’ai passé plus de la moitié du parcours, je n’ai pas à m’inquiéter, personnellement, du monde que je vais laisser. Pourtant, quand je constate l’anxiété, la perte de repère, la candeur entretenue de la génération de mes enfants, je ressens une profonde honte. Je me rappelle une collègue de bureau, mère de deux jeunes enfants, il y a quelques années, quand j’avais osé publiquement dire tout ça… « Après moi le déluge », m’avait-elle répondu dans un rire. Choqué, atterré, je m’étais tu, ce qui n’est pas ma nature. Mais cet égocentrisme foncièrement coupable prend actuellement des proportions, provoque des conséquences, qui font de notre société des irresponsables destructeurs de monde.

Pourtant, je ne crois toujours pas dans les anathèmes voire les extrêmes. Non, le capitalisme n’est pas en soi mauvais. Le consumérisme non plus. L’erreur repose sur l’excès, sur cet hubris qui nous pousse à corrompre tous les principes que nous mettons en place pour faire fonctionner nos sociétés. Il est possible de mettre de la vertu et de la bienveillance en chaque principe ou système que nous créons. La faillite actuelle n’est pas le fait de nos idéologies mais bien des élites qui se prévalent pourtant, et cyniquement, d’une intelligence et d’une perspicacité sans cesse auto-proclamée et glorifiée.

Regarde-le ton monde, et dis moi, rien ne te choque ? La fable du prince, affalé sur son trône d’or, qui dit au pouilleux dans sa boue : « finalement, entre toi et moi, il n’y a pas tant de différence que ça. Humain tous les deux, coupables des mêmes vices, nous partageons la responsabilité de notre incapacité à discerner finement ce qui est bien et ce qui est mal ». C’est cette parole, accaparée, fausse et qui se veut incantatoire, qui est la cause de tout. Il est pourtant dangereux de penser que le pouilleux n’a que les mots pour s’exprimer, car c’est croire que le débat s’arrêtera dans l’arène de la parole, de l’expression, de la réflexion… avec le confort de se dire qu’on aura toujours en face un adversaire désarmé.

Eschatologique. Apocalypse. Crisis. Qu’il est amusant de constater combien ces mots d’origine grec ont vu leur sens dévoyé avec le temps. Il est peut-être temps de retrouver l’aletheia des philosophes grecs qui disaient que sans poursuite de la vérité, il ne pouvait y avoir de discours valables et respectables.

Irrévérence

Je suis malade, chose très rare, mais du coup ça fait quelques jours que j’attends, impatiemment d’aller mieux. Méthode Coué à fond les ballons, mais à vrai dire rien n’y fait. Je suis las et je n’ai pas cette énergie qui me caractérise. Alors je me dis que je vais aller bloguer un peu, histoire de.

Ce ne sont pas les sujets qui manquent… au rayon vidéo, j’ai été enthousiasmé par la nouvelle série de Nicolas Winding Refn, Copenhagen cowboy que je recommande chaudement. Affalé sur mon oreiller à peu près toute la journée de samedi, j’ai bingwatché (dévoré) la série en m’extasiant souvent sur les choix de réalisation. J’avais maté la veille the Pale blue eyes de Scott Cooper que j’ai trouvé remarquable mais pas autant que son Hostiles qui m’avait subjugué quelques années avant. Hier soir j’ai fini Peacemaker sur Prime du trublion James Gunn que j’ai, bien malgré moi, beaucoup aimé. Partant d’une critique négative soulignant la vulgarité du propos (des mots gros) et de la forme (du sordide à la pelle), je n’ai vu pour ma part que du James Gunn. Du coup ça me donne l’envie de découvrir son Suicide Squad que j’ai boudé à l’époque en raison d’un agenda bousculé. Il y a plein de petites péloches qui m’emballent régulièrement, dont personne ne parle vraiment, et que je pourrais à terme mettre en lumière dans des productions Youtube (par exemple, Long Week-end sur Prime que j’ai découvert après avoir acquis son remake, ou Shimmer lake sur Netflix que j’ai croisé dans les recommandations tout à l’heure). Enfin, vu le boulot qui m’attend cette année, je ne vais pas commencer à trop m’en demander.

Au rayon politique… comment dire ? Hier matin il y avait l’édito du Monde Moderne animé par l’excellent Alexis Poulin qui était dans un état presque dépressif en considération de l’apathie généralisée. Je continue mes commentaires assassins quand je vois de la propagande honteuse mais je comprends que certains aient la tentation de baisser les bras. Plus que jamais, il faut sortir des illusions de la Khimairacratie qui renvoie à un de mes récents billets. Il y a dans notre beau pays (sisi) cette vanité d’un passé glorieux comme si nous étions tous issus d’un peuple et d’une culture dont la nature combative et vertueuse ferait partie intégrante de notre ADN. Se croire ou être, nous y sommes, et dans les faits il faut bien convenir que ce n’est pas très glorieux.

Au rayon philosophie du pauvre (ce n’est pas un crime de ne pas être riche non plus), en écoutant la chronique de Thomas Porcher commentant ce jour la réalité de la nécessité d’une retraite repoussée versus la réalité sociologique, un mot m’est venu que j’ai donc utilisé pour nommer ce billet : « irrévérence ».

Tandis que j’écris ces mots, mon fils m’envoient une suite de SMS pour me dire qu’il a commencé à voir Full Metal Jacket de Kubrick. J’en profite pour lui expliquer que dans presque tous les films de Kubrick, il y a une critique systémique et la dénonciation du processus de conformation. Et j’en reviens à ce que je veux écrire ce jour sur ce blog, soit la nécessité de l’irrévérence pour sortir de cette triste spirale. J’ai toujours essayé d’enseigner à mes enfants les vertus cardinales de l’irrévérence, sans jamais vraiment y parvenir. Ils sont insolents et ont développé leur propre personnalité, mais ils n’ont pas forcément le réflexe de tout discuter et de tout interroger. Rien de pire dans nos sociétés que ce réflexe d’obéissance, qui est défini comme une vertu par ceux que ça intéresse. Un paradoxe de cette société qui exige l’obéissance la plus extrême tout en encourageant les bas instincts les plus primaires. Ce qui nous donne cette société manichéenne où à longueur de temps des éditorialistes nous expliquent ce qui est bien ou mal, ce qu’il faut bien penser et surtout pas mal penser. Jamais nous n’aurons été dans cette sorte de monologue médiatique où les intervenants se succèdent pour appuyer la même idée avec le dogmatisme ou le petit doute nécessaire pour faire croire que vous êtes trop con pour ne pas avoir atteint leur haut niveau de conscience. Certains imaginaient un totalitarisme violent et autoritaire. Nous en avons un qui est à la fois condescendant et vicieux. De ce refrain constant du « ils sont trop cons pour comprendre ce qui est bon pour eux ».

L’irrévérence est pourtant le seul recours dans un monde où les règles sont écrites non pas pour rendre le jeu équitable mais bien truqué. Je pense à tous ces jeunes qui sont suffisamment intelligents, malgré le réel processus de médiocratisation, pour comprendre l’escroquerie. La vénération volontaire, travaillée, exigée, par nos élites, est maintenant à défier pour oser imaginer notre propre société autrement.

Un premier pas avant de rêver, peut-être, le reste du monde. Qui sera bien meilleur que ce qu’il nous est donné de constater à l’heure d’aujourd’hui, malgré les ébahissements des orateurs qui interprètent toujours tout comme si nous étions dans une sorte d’apogée civilisationnelle, là où il n’y a que décadence et corruption.

De l’influence.

Ce matin, une émission courte mais sidérante sur France Culture : « Comment encadrer le secteur des influenceurs ? »

C’est effrayant d’entendre ce genre d’émissions, où on valide des catégories comme si elles étaient des vérités… « Influenceurs » ça ne veut rien dire, c’est juste, à la limite, du jargon marketing pour mettre une couche de vernis sur ce qui a toujours existé avec la sainte profession de critique. Van Gogh n’a jamais été reconnu pour son talent du temps de son vivant, ce drame n’a pourtant pas inspiré les forces publiques pour modifier cette tyrannie du bon goût qui tous les jours normalise l’injustice de la subjectivité. J’adore comment on débute le propos en angélisant la profession de critique… Depuis toujours des critiques véreux ont menti à leur public en faisant les beaux jours de leurs commanditaires, jamais il n’a été question d’encadrer malgré tout ces professions liées à la « recommandation », et je ne parle même pas des politiques qui ne respectent pas leurs promesses et leur programme. Je ne parle même pas de la publicité, car en résumé, ce qui est reproché aux « influenceurs » c’est donc bien d’en faire de manière « inapropriée ». Comme si la publicité était depuis toujours loyale et objective, jamais mensongère et manipulatoire.

La liberté ce n’est pas donner des moyens de contrôle, c’est contrevenir aux abus. Quand on veut prévenir les choses en créant des organismes ou des lois chargés de le faire, ça n’engendre que de la corruption ou des abus de pouvoir, de la censure et le tapis rouge à la propagande. Mais c’est peut-être le but, hein ? Sous couvert d’agir pour l’intérêt général et le bien des imbéciles, on se débrouille pour légalement verrouiller l’accès à ce qui aura droit de parole.

Arrêtez de vouloir imposer aux gens quoi penser, quoi vouloir, quoi rêver, ce n’est pas de la raison, c’est du totalitarisme. Informez loyalement, non à coups de propagandes téléguidées par des intérêts privés, marchands, qui justement réduisent des individus à n’être considérés que comme des « consommateurs », terme suremployé dans cette émission.

Pas la peine de créer des commissions ou des organismes pour « contrôler » et « valider » ce qui demeure, dans le cadre d’un réseau social comme Youtube, un acte d’expression personnel (car ici on n’entend que la partie commerciale, mais quid du discours politique, systémique ?). Développer l’esprit critique par la connaissance et la réflexion devrait être la solution proposée, pas cette vision qui réduit l’individu à une sorte d’animal stupide… si stupide qu’il faille avant tout limiter son choix et sa liberté du fait de son incapacité d’en faire bon usage.

Derrière cette fausse thématique de l’influence, il y a la tragédie banale d’un consumérisme désigné comme seule ambition existentielle. Si une personne immature regarde un contenu produit par une autre personne immature, il suffit de circonvenir à cette immaturité, pas enfiler un collier de dressage à leurs cous pour les contraindre comme des bêtes.

Une émission qui débute bien avec le rappel sain que le service public doit « éduquer ». Dommage que ça se termine en une énième version d’Orange Mécanique.

Au niveau rhétorique, c’est quand même un cas d’école… je me demande si je ne vais pas finir par faire du décorticage sémantique et sémiologique pour démontrer la malhonnêteté du propos. Enfin, c’est toujours le même processus : on prend un cas précis qui est transformé en « stéréotype » pour se donner l’occasion de créer une loi qui permettra de déborder, un peu, sur sa mission première. « Il va falloir », « contrôler », « Digital Service Act », « Signaleur de confiance »… tout un chouette programme à venir.

Allez, la vidéo, que je viens de regarder pour la quatrième fois, histoire de bien me faire mal.

Exemple d’Usine marémotrice

Écoutant ce matin, un peu contrit et beaucoup navré, le chaos autour de la crise énergétique que nous traversons (qui, attention, à deux visages : il y a une crise du marché de l’énergie, encore et toujours en proie des phénomènes spéculatifs (qui sont un fléau dont nous payons littéralement le prix fort) et une crise de la production de l’énergie avec les conséquences néfastes d’une totale incompétence politique sur le sujet (à vérifier, mais apparemment nous payons 6 millions d’euros pour une heure d’énergie importée, principalement d’Allemagne qui a boosté pour le coup une des sources de pollution les plus terribles, ses usines à charbon).

Alors, je voudrais juste faire écho à ce que j’évoque depuis des mois sur ce site et ailleurs, l’alternative de la production d’énergie via des solutions se basant sur une logique marémotrice. Je ne considère pas que l’exemple dont je vais parler et la seule solution par ailleurs, je pense qu’il y a certainement d’autres possibilités à venir et à imaginer (surtout pour les zones littorales) mais c’est déjà une démonstration d’une énergie verte, constante et parfaitement fonctionnelle. Il y a quelque chose de navrant à ne voir, toujours, qu’une stupide opposition entre l’énergie nucléaire et la solution éolienne… mais il est compréhensible que dans le cadre de lobbys il vaut mieux, toujours, créer un narratif manichéen pour choper des parts de marché.

Allez, exemple de l’Usine de la Rance, dispo sur le site d’EDF, à découvrir pour imaginer et explorer d’autres pistes pour notre pays riche de sa position géographique et de son capital naturel (écosystème).

Les sermons de minuit sur Netflix

Quand je suis sur une plateforme de SVOD je suis tour à tour perplexe, confus, puis découragé. Pourquoi ? Car la visualisation, par vignettes, des « produits » culturels, ne me procure que de l’image là où j’attends du sens, du conseil, du résumé, en bref, de quoi savoir ce dans quoi je m’apprête à me lancer. Je surfais donc nonchalamment ces jours derniers, quand je vis ce titre à la vignette peu inspirante. En cliquant un instant je vis quelques noms magiques ; d’abord celui de Mike Flanagan, puis celui de Stephen King. J’ai un grand regret en ce début d’année, de ne pas avoir vu Doctor Sleep que beaucoup de critiques ont fini par consensus à saluer, juste parce que j’ai encore commis l’erreur de me faire attiédir par une impression partisane avant la sortie du film (du genre « après Kubrick, c’est mort ») et parce que j’ai le réflexe, depuis l’adolescence, de me défier de tout ce qui est trop populaire/populiste… deux attitudes qui ont retardé souvent ma découverte de purs chef-d’oeuvres, bien que durant très longtemps, les préconisations de la revue Madmovies furent une boussole solide. Je trouve à présent, et de manière générale, dans la presse mais aussi sur le web, que la subjectivité prend trop de place – même si le fait d’apprécier une oeuvre doit compter, la reconnaissance de ses valeurs intrinsèques comptent également ; un bon critique ne doit pas dire s’il a aimé un film, mais s’il est possible que le récepteur de son avis puisse l’aimer, en énumérant les qualités visibles, les thématiques, les originalités, etc. Me vient l’exemple de la critique récente d’un film qui ne l’est pas, par ce cher Simon, Jupiter ascending, sur Youtube. J’ai commencé à écrire un commentaire argumentant mon propre point de vue, et finalement je ne l’ai pas publié (pourtant il faisait trois pages, comme tous mes commentaires par ailleurs – que voulez-vous, j’aime écrire, j’aurais beau le répéter il y en aura toujours qui ignoreront cette logorrhée fulgurante qui me caractérise à la vie comme à la scène). La raison étant qu’au moment de valider l’envoi de mon opinion (toujours) éclairée (par une supernova, au moins), je me suis dit que ce ne serait pas une bonne idée, finalement, d’intervenir dans une exercice de célébration que je trouve un peu pervers (que je qualifierai avec un brin de facétie de réhabilitation par excès de ferveur personnelle). J’ai une philosophie (parmi une pléthore), qui est de ne jamais gâcher le plaisir d’autrui ; si je n’aime pas quelque chose, si je suis d’avis contraire, tant qu’il n’y a pas un discours politique ou idéologique, mon réflexe est de fermer ma grande gueule et ne pas parasiter le bonheur des autres. Ce n’est même pas de la tolérance, quel vilain mot, c’est juste qu’un tout petit pas vers la sagesse élémentaire que d’avoir conscience que notre individualité n’est pas une référence… enfin, je ne me perdrais pas encore dans les ramifications de mes digressions, il suffit de voir un chef d’oeuvre comme le Goût des autres de Jaoui/Bacri pour s’éduquer un peu sur la question.

Mais, et c’est le lien avec ma digression, je n’ai rien vu passer sur les Sermonts de minuit. Rien dans le Mad Movies du mois dernier, rien sur Youtube, alors que pour les deux séries Haunting y avait quand même pas mal de monde pour commenter, encourager, plébisciter ou contester. Mais là, rien, plein feux sur Matrix 4, plein feux sur Spiderman, mais que dalle sur la nouvelle production/réalisation de Mike Flanagan. Un peu surpris, beaucoup curieux, j’ai lancé la mini-série, et là un petit bijou, encore (j’ai adoré les deux saisons de the Haunting), avec une intrigue très « kingienne » (petite bourgade ricaine, suite de petits portraits typiques, plein d’anti-héros masculins, des femmes fortes (oui, King n’a pas attendu le néo féminisme pour faire de magnifiques héroïnes), des figures religieuses), en bref, c’est plein d’humanité, d’émotions, magnifiquement mises en images par Flanagan, bien joué par des acteurs parfaits (syndrôme American Horror Story, avec le retour de certains acteurs de the Haunting (1 & 2)… en bref je me régale et je me bingwatch le tout (en trichant pour fêter le 31 et dormir un peu mais j’ai fini ce matin au réveil) et là ce qui me frappe, c’est la raison pour laquelle il y a cet étrange silence autour de la série. L’analogie avec ce qui passe avec le/la covid, le vaccin, le passe sanitaire… quand on voit que l’intrigue, finalement, nous parle d’une croyance détournée pour imposer à une communauté des certitudes qui finissent par la détruire… je me doute que ça devient politique sans le vouloir !

Pourtant, il faut regarder la série en se libérant de tout ce climat anxiogène. Il est question de foi, il y a une très intelligente réflexion sur les religions et notamment un passage où le shérif de confession islamiste, fait la promotion de sa foi sans nier celle des autres ! Ce qui me rappelle mes échanges avec des amis musulmans, il y a quelques années, quand je leur avais demandé pourquoi ils étaient devenus musulmans (l’un était arabe, ingénieur, l’autre d’origine française, converti) ; le premier m’avait répondu que comme pour un programme (il était ingénieur en informatique) il avait choisi la version la plus récente (!) et l’autre m’avait confié, de manière énigmatique et stimulante qu’il y avait des vérités cachées (codées) dans le Coran. Etant profondément laïc, je suis paradoxalement pour la totale liberté religieuse. Il faut créer au sein de nos espaces publics ces dialogues autour des croyances, sans les imposer, sans en faire la promotion. Même quelqu’un de profondément athée ne doit pas imposer sa certitude et finalement un certain fanatisme (comme si ne croire en rien était une preuve d’intelligence). La série présente ces thématiques de manière humaniste et brillante, car si au prime abord on pourrait interpréter le récit et sa résolution comme une charge contre la foi, elle est surtout la dénonciation des certitudes par la religion.

J’ai été personnellement très touché par la conclusion de la mini série en sept épisodes, que j’ai trouvé belle, très réussie, poétique, symbolique, puissante. Ma réflexion, proférée à voix haute (oui, je suis fou comme disait ma défunte maman, je parle souvent tout seul) c’est que j’adore les ténèbres mais jamais je ne pourrais me passer de la lumière du jour. Tous ces personnages, à la fin, qui se tournent vers le soleil, comme présence divine symbolique, procurent à l’histoire une dimension mythologique. La thématique de la lumière, sa perception, est par ailleurs poétiquement illustrée et finement traitée.

Bon, bonne année 2022 (j’ai failli oublié, mais parler de soleil vient de me rappeler que tout ça clôt une pleine révolution autour de son auguste personne) et n’hésitez pas à voir cette série, elle est juste stimulante, un nouveau coup de maître de la part de Mike Flanagan qui réussit vraiment à saisir l’essence des oeuvres du grand King.

Le syndrome de la Tour de Babel

Je me suis réabonné à Netflix. Après, j’ai été un des premiers abonnés. J’ai tout de même 4 chromecast à la maison, dont 3 maintenant qui sont stockés dans la réserve du matos informatique que je me suis constitué depuis 20 ans. Mais je suis passé il y a un peu plus de deux ans à ce petit bijou de Nvidia Shield qui me sert de caster à tout faire (Netflix, Prime, Youtube, Steam, etc.).
Bref, je me suis réabonné à Netflix. J’ai des petits coups de nerf parfois, je suis de ceux qui prennent des mesures radicales et un peu brutales quand ça me gonfle. Là c’était un film inepte (mais alors à un point), où on voyait un jeune couple emménager dans une maison pour régler des petits problèmes d’adultères (sic) provoqués par des petits comportements dysfontionnels (sic) eux-mêmes causés par des petits comportements moralement odieux (sic) faisant l’écho à tous les problèmes de l’humanité car dans la dite maison la même histoire avait presque déjà eu lieu (sic sic sic). Ecrit comme une suite de clichés et d’archétypes confinant presque à la blague lourde (perso j’aurai appelé le film « la valse des égocentriques »), le coup de grâce d’Aftermath (c’est le titre du truc : « Conséquence » en français, donc… oui, il y a un peu de philosophie de comptoir là, après c’est juste du fait divers sensationnaliste, ne rêvez pas) résidait dans sa conclusion qui se permettait, l’air de rien, une petite déclaration politique bien vacharde. Encore en bref, il y avait cette dureté pragmatique qu’on bouffe actuellement de partout de la part de tous ces gens qui savent comment régler les problèmes (notamment avec les « intrus » qui violent notre territoire). Qui savent comment traiter tous ceux qui nous empêchent de vivre notre petit bonheur matérialiste avec leurs drames à la con et leurs pathétiques destins d’inadaptés sociaux. Là, j’ai senti que les auteurs et Netflix me disaient sans prendre de gants que je n’étais plus la cible. Trop vieux, trop idéaliste, trop humaniste peut-être… ou alors plus jeune, pas assez cynique, pas assez dur peut-être. J’ai trouvé les « héros » odieux (mais c’est quoi ces gens qui pensent régler des histoires de trahisons en s’achetant une baraque ?!), invraisemblables (« l’héroïne » immensément talentueuse avec son atelier mode) et vertigineusement creux (à la fin on vend la baraque, comme ça plus de névroses et de soucis). Un film poubelle, un film miroir d’un certain état d’esprit, avec un discours à la fois antisociale et anxiogène… qui m’a motivé à me désabonner comme une grosse goutte d’eau splotchant dans un vase déjà trop plein.

Puis, j’ai vu passer les critiques ciné de « Don’t look up » un peu partout. Des bonnes, des qui te poussent à remettre en question tes grands serments, qui te font philosopher sur l’extrémisme du mot « jamais », qui te chuchotent à l’oreille que y a que les cons qui changent pas d’avis… et même si tu sais que es perdu pour la cause car tu n’as plus d’illusions sur toi-même, petite chose humaine perdue parmi une pléthore d’autres petites choses humaines, tu finis le dimanche soir à repartir pour un tour, histoire de voir un film au prix d’une place de ciné (puis ils m’ont tous saoulé avec Squid Game, et après deux ans d’attentes j’ai vu qu’il y avait de nouveaux épisodes de Jojo’s). Et j’ai vu le film. Et avant de me mettre au boulot (je piaffe d’impatience après tous ces mois de labeur incessant), ce matin je me lève et j’écoute la critique sur la chaîne Youtube de France Culture. Et donc ça me motive à balancer à la volée ma propre impression.

J’ai un cerveau étrange, une sorte d’organisme indépendant qui vit sa propre vie. Donc, je regardais la critique (avec le son, hein, ne commencez pas à dire que je faisais preuve d’inattention), quand une petite musique a commencé à résonner (j’adore toujours l’homonymie avec « raisonner ») dans mon crâne, devenant un petit peu entêtante alors que j’entamais mon deuxième café. M’attardant un instant à identifier la mélodie trublionne, je me rendis compte, effaré (j’ai envie de sortir plein de termes décalés ce matin, c’est mon coté facétieux qui se déchaîne), qu’il s’agissait de « Land of Confusion » de Genesis.

Petite madeleine de Proust surprise : on est en 1986, et je vais m’acheter le 33 tours du dernier album de Genesis, « Invisible Touch ». J’aime tellement cet album que je n’hésiterai pas à l’offrir, quelques mois plus tard, à un copain pour son anniversaire. Un petit bijou, il m’arrive encore d’écouter souvent le morceau « In too deep » que je viens par ailleurs de remettre en fond sonore avant d’achever cette phrase . Mais ce matin, c’était le morceau précédemment cité qui m’était venu en « commentaire », « Land of confusion ».

A ce moment précis de ce billet intempestif, je suis à la croisée des intentions et des sensations. Je regarde l’heure et je me dis qu’il serait peut-être temps de m’y mettre (au boulot), enfin si je veux accomplir la tâche de la journée (baptisée pragmatiquement « faire le fond des cases »). Je me dis que j’ai déjà écrit beaucoup, ce qui n’est pas un souci en soi, mais qui ne mène à rien dans cette idée d’un lectorat souffrant d’un déficit permanent d’attention et donc d’intérêt (φ(k) = At), et que finalement la pirouette stylistique et critique pourrait s’accomplir, non sans brio, en explicitant le titre de ce billet et en expliquant la référence musicale. Dont acte, je vous ai déjà donné tous les gages de mon génie et la profondeur de mes références culturelles. Comme je l’explique régulièrement à ma fille, elle-même dans la « com’ », « interroges-toi toujours sur l’intention ! » – et vous, esthète de la forme, contemplez cette savante utilisation des guillemets français et anglais dans une même phrase).

Dont acte : Don’t look up est dans la lignée du titre de Genesis (paroles + clip : souvenir de l’émission Spitting Images qui étaient la version enragée des Guignols de l’info outre atlantique) la démonstration du syndrome de la Tour de Babel. Où quand une volonté supérieure s’ingénie à semer la division par l’entremise de la confusion et de la dissonance, qui s’incarnent dans le chaos politique et sociétale (que seule la parodie, la caricature, peut synthétiser dans une oeuvre de fiction). Ne plus parler la même langue, c’est ne plus se comprendre, c’est aussi ne plus s’écouter. C’est l’échec de la synergie sociale, sociétale, qui signe le début de la fin. Sur France Culture ils ont bien tourné dans le bocal mais il manquait, à mon sens, cette petite précision qui résume tout. Le film ne parle pas tant de fin du monde, n’est pas tant la caricature ou la parodie de notre société ultra médiatique et corrompue (j’ai un article plus sérieux en brouillon que j’ai intitulé « la guerre des alétheia » qui sortira peut-être un jour – oui, je sais, vous avez hâte), que le constat désenchanté de cette impossibilité, de plus en plus nette, d’une concorde. Dans le récit biblique, la construction de la tour est interrompue, empêchant l’homme d’égaler Dieu. Et Dieu symbolisant l’éternité, il n’y a plus que la mort à la fin du récit, celle qui emporte tout.

Conclusion vertigineuse, dramatique et un poil émouvante qui va clore ce billet sur une note heureuse et optimiste.

Et Joyeux Noël (au sens païen ou non, restons insolemment laïc) au passage (mdr).

Note : la chronique de France Culture et le clip de Genesis – oui, citons les sources (et ça fait des illustration habillant de manière ludique et colorée ces grandes pages blanches remplis de verbiage).

Don’t look up – Teaser in french by Netflix
La chronique de France Culture
Land of confusion