Les papillons noirs d’Olivier Abbou

Il est des fois terribles qui m’obligent Ă  sortir de mon ego trip pour rendre un peu au reste du monde. Et bien que j’ai dĂ©jĂ  oeuvrĂ© ce jour en cette terre digitale, je me dois de revenir pour rendre un vibrant hommage Ă  la sĂ©rie d’Olivier Abbou, disponible sur Netflix, qui est tout simplement magistrale (apparemment c’Ă©tait diffusĂ© sur Arte Ă  la rentrĂ©e, mais vu que je ne regarde quasiment plus la tv, je l’aurais manquĂ©e). Magistrale, c’est le bon mot, je n’exagère rien… mĂŞme si c’est un tantinet ma nature, pour le coup c’est mĂŞme parfaitement adaptĂ©. Tout, absolument tout, me semble parfait, si la perfection est une notion qu’on peut aplanir un peu pour la rendre accessible Ă  nos valeurs de simples mortels. Pourtant je suis tatillon, par exemple je ne crois pas qu’on puisse en 28 kb envoyer un texte relatant des aveux Ă©crits durant des heures, c’est mon petit cotĂ© technicien des mĂ©dias qui pour le coup a notĂ©, mesquinement, la chose. Pour le reste, pour cet infime dĂ©tail tellement mineur que j’avoue ressentir un peu de honte Ă  l’avoir citĂ© (mais fallait bien que j’Ă©tale un peu de conficulture marketing au passage), tout est du très haut niveau. L’histoire ? GĂ©niale. L’actorat ? Digne d’une production cinĂ©, on s’attache et on s’arrache en suivant des protagonistes Ă  la fois complexes, humains, faillibles, crĂ©dibles dans leur odyssĂ©e tĂ©nĂ©breuse. La mise en scène ? Ludique et crĂ©ative, il faut vraiment avoir le petit doigt en crise de sciatique pour oser Ă©mettre des rĂ©serves ou des minables haussements de sourcil. La musique, l’image, le son, les Ă©clairages, le dĂ©coupage, le dĂ©cor, tout est vraiment admirable. Allez, pour moi qui ait vĂ©cu un peu dans les seventies et beaucoup dans les eighties (et oui, je suis vieux ou immortel au choix – mes enfants commencent Ă  pencher pour la seconde solution mdr), il y a un peu de la caricature dans certains flashbacks… mais encore, vu qu’une des thĂ©matiques tient de la manipulation via la narration (un sujet bien d’actualitĂ©, si j’ose dire), ça tient la route tant la dimension Ă  la fois onirique mais aussi fantasmatique du rĂ©cit fait partie de la trame mĂŞme de l’intrigue.

Non, je n’ai rien Ă  dire, j’ai adorĂ©, et pour tout avouer, je n’avais pas autant adorĂ© une sĂ©rie depuis les sermonts de minuit de Flanagan en dĂ©but d’annĂ©e. Après, je ne suis pas très sĂ©rie, il faut vraiment que ça m’accroche pour que je la suive et surtout que j’en vois le bout. LĂ , y a 6 Ă©pisodes qui se dĂ©vorent, qui se dĂ©gustent, comme un grand cru trouvĂ© par hasard au rayon promo d’un supermarchĂ© lowcost. Pas que je critique Netflix, au contraire mĂŞme, je regrette cependant que la qualitĂ© globale ne soit pas au niveau de cette production française qui rend fier de ses crĂ©ateurs, Olivier Abbou et Bruno Merle.

L’histoire, rapidement car je ne veux pas divulgacher quoi que ce soit, nous raconte la rencontre entre un Ă©crivain souffrant de la malĂ©diction de la page blanche et un vieil homme, pur quidam, qui le missionne pour Ă©crire ses mĂ©moires. Le doux retraitĂ© Ă  la mèche toujours romantique est jouĂ© par Nils Arestrup, parfait, et l’Ă©crivain par Nicolas Duchauvelle qui livre, Ă  l’instar de l’intĂ©gralitĂ© du casting, une grande prestation (mais la sienne Ă©tait tout de mĂŞme si pĂ©rilleuse qu’elle ne peut susciter qu’un profond respect). Après, ça part rapidement en vrille quand le vieillard se prĂ©sente, au fil des souvenirs, comme un tueur en sĂ©rie que la justice n’aura jamais rattrapĂ©.

Je ne dirais plus rien, il ne faut d’ailleurs rien sourdre du reste, tant la narration est un miracle de mĂ©canique scĂ©naristique. Souvent, je peste Ă  voir soit les fils du marionnettiste ou des procĂ©dĂ©s archĂ©typaux avec de la psychologisation Ă  la petite semaine (« Oh, le vilain psychopathe ! »). MĂŞme de ce cotĂ© lĂ , la fin est Ă  mes yeux merveilleuse tant les auteurs ont saisi la fine limite entre le monstrueux et le sublime. L’Ă©change final, entre le vieillard et l’objet de sa passion, est en soi un bijou, l’illustration fine et belle de ce qu’on pourrait, humblement, considĂ©rer, comme le vĂ©ritable amour. Allez, j’avais pas autant pris mon pied, sur la question, depuis la fin de Max et les ferrailleurs ou Quelques jours avec moi du gĂ©nial Claude Sautet (que j’adore, comme on le devine amplement).

Aimer tient-il du contrat social ou de la sublimation des sentiments ? Vous me ferez 6 pages, je ramasse dans deux heures.

Je pourrais me faire plaisir Ă  expliciter toutes les raisons qui font mon enthousiasme, mais vu que rĂ©cemment j’ai encore Ă©tĂ© victime d’un critique empressĂ© de vouloir dĂ©montrer son extrĂŞme finesse aux dĂ©pens de mon plaisir de spectateur, je ne dirais plus rien (sauf sous la torture ; ce n’est pas pour rien que j’ai clos les commentaires). Les Papillons noirs c’est juste un coup de maĂ®tre, c’est un chef-d’oeuvre, et je n’ai pas peur ni de l’Ă©crire ni de le prĂ©tendre, car si je dois manifester mon enthousiasme pour rendre justice Ă  cette sĂ©rie magnifique, ce n’est plus de l’ordre de l’utilitĂ© mais bien du redevable hommage.

Sur ce, en dessous le trailer, et re-bon dimanche !