Il y a près de vingt ans maintenant, la série Watchmen de Dave Gibbons et Alan Moore donnait ses lettres de noblesse aux comics, genre de BD quelque peu décriée pour ses abus de collants et de super pouvoirs, antagonistes pour beaucoup à une certaine prétention littéraire et artistique. Watchmen, le temps d’un arc à la fois trépidant et iconoclaste, dépeignait une réalité alternative dans lesquelles les super héros étaient dépeints de manière très réalistes, dans un monde impitoyable et névrosé, proche de celui que connaissait l’essentiel du monde occidental au début des années 80. Soit une psychose constante de la guerre atomique, avec la rivalité de plus en plus affichée des deux grandes super puissances de l’époque, soit les États-Unis et l’URSS.
Hier, petite virée familiale pour aller voir Iron Man 3 de Shane Black, avec le toujours sémillant Robert Downey Junior. Constat toujours positif, en exceptant bien sûr ma petite culture du comic original, qui m’a habitué à une toute autre version de Tony Stark. Il y a eu, de film en film, de plus en plus prononcé, un glissement du personnage de Stark vers l’acteur qui tient le rôle, comme si on assistait à une forme de cannibalisme symbolique, le vivant consumant l’inanimé. À l’arrivée, la prestation de R. Downey Jr est complètement jubilatoire, avec une incarnation du bobo quadra complètement névrosé et dépassé par les événements. La volonté est à l’évidence à l’iconoclastie avec la destruction systématique de toutes les postures héroïques tentées tout au long du métrage. Le syndrôme de l’anti-héros à la spiderman a ainsi contaminé le cousin Iron Man… Le spectacle devient ainsi « familial » et le principal protagoniste gagne en sympathie, mais je regrette, bien égoïstement, que le troisième opus du vengeur doré soit à l’arrivée une suite de trahisons et de reniements scénaristiques… Le rachat de Marvel par Disney se fait implacablement sentir dans le spectacle grand public qu’il m’a été donné de voir, même s’il se permet une sorte de bluff et d’insolence qui cède, très rapidement, à un traitement plutôt inoffensif de certaines thématiques contemporaines (terrorisme, corruption politique, manipulations médiatiques, etc.). Film en forme de reflet de son époque, Iron man 3 semble parfois une version Hi-tech du film héroïque, avec en héroïne discrète et omniprésente, la technologie mobile. Évitant l’opposition pourtant classique entre l’homme et la machine (cf le film Oblivion dont vous pourrez relire l’article récent en cliquant ici), l’armure est dans ce film réduite au simple rôle de gadget, plus ou moins fonctionnel. À l’instar de l’usager lambda, Tony Stark affronte tout au long du film des problèmes de réseaux, de configuration, de réglages, et finit d’ailleurs par se retrouver désemparé tandis que son pire ennemi le menace tandis qu’il est dépouillé, littéralement, de tous ses gadgets. Catalogue des modes technologiques actuelles, les drones en tête, Iron Man est en fait quasiment absent la grande majorité du métrage, n’apparaissant jamais dans sa pleine intégrité, ne jouant finalement pas son rôle messianique, et multipliant les gaffes plus ou moins graves. L’icône super-héroïque et les références à la chevalerie en prennent donc un sacré coup, réduites à des constats désabusés et cyniques des petits ratages de la technologie moderne, qui nous promet toujours le paradis entre trois bugs logiciels ou quatre déconnexions faute de réseau.
Le premier mai, je m’adonnais bassement au pvp dans le jeu World of Warcraft, lorsque j’arrivais dans un « Bataille pour Gilnéas » bien mal en point… mais j’eus l’intense plaisir d’assister à un travail de commentateurs que n’aurait pas renié le duo Larqué/Roland, ou le binôme de vieux râleurs du Muppet Show. Pour les néophytes, et je sais qu’il y en aura, j’ai placé les dialogues initiaux à gauche, et la traduction à droite. Belle analyse de la situation, mais à la toute fin de la rencontre, un expert va briser inopinément, d’une seule sentence, le phénoménal travail de ces deux analystes, apparemment pas aussi informés qu’ils le pensaient. Une tentative d’explication des événements à la croisée de l’économie, de la sociologie et de la géopolitique.
Tom Cruise est de retour dans un blockbuster au concept intrigant et original ; pour commencer, la guerre est terminée, et son personnage évolue dans les décombres d’un conflit simplement et rapidement évoqué en début de métrage. Ce principe un poil pessimiste, voire fataliste, est étrangement en corrélation avec l’analyse désenchantée d’une société occidentale dont certaines pythies annoncent sans cesse le lent mais inéluctable déclin.
La guerre est ici assez métaphorique, le premier acte de ce conflit étant marqué par la destruction de la lune, astre symbolisant l’acte de rêver, d’espérer. Donc plus de lune, plus d’espoir, et un homme (Jack Harper aka Tom Cruise) chargé de la maintenance de drones faisant la chasse aux méchants aliens survivants qui veulent continuer leur basses œuvres. Intrigue à trous, un poil bancale (avec le bon vieux fantasme de l’arme nucléaire comme réponse ultime), car comme toujours pas très logique ; en imaginant qu’un camp possède la puissance de feu et la technologie pour exploser un satellite de la taille de la lune, il est difficile de croire que l’arme nucléaire, assez brouillonne et peu précise, puisse se révéler efficace. Mais bon, un peu comme pour les âmes vagabondes, on cède au postulat initial en concédant un crédit généreux à tous les principes annoncés.
Il y a des fois où le net réserve de bien belles surprises, comme ce matin en tombant, au gré des news, sur le blog Minion Factory d’un artiste canadien, Phil Postma, véritable caverne d’Ali Baba pour tout féru de pop culture. Marvel, Dc, Star Trek, Star Wars, et bien d’autres franchises célèbres sont mises en scène ou pastichées dans des vignettes pleines d’humour et d’inspiration. Croisant les univers, mélangeant les styles graphiques et les modes, l’artiste nous livre un travail sans prétention mais d’une finition irréprochable, et surtout, avec une belle efficacité dans la mise en scène et la scénographie.
Vous y passerez un peu de temps car vous aurez de quoi faire devant la prodigalité et l’inspiration de l’artiste, qui en plus, à le culot de savoir se renouveler ! Du très beau travail.
At home, j’ai deux spécimens du genre féminin qui ne s’en laissent pas compter (conter ? ;-p) question littérature : Anne Robillard, Stephenie Meyer, sont des auteures qui ont su trouver leur public, et tout est bien dans le meilleur des mondes. Le problème, c’est qu’en passant, y a quand même de l’iconoclastie parfois dérangeante. Des vampires qui brillent au soleil, des loup-garous apprivoisés, franchement, fallait oser ces sacrilèges, contrevenant aux codes élémentaires du genre. Quelque part, ça pourrait même être original, si l’histoire derrière le concept ne délirait pas dans le trip adolescent sans tenir compte d’une once de logique. Enfin, si au bout d’un centenaire, vous n’en avez pas marre de vous taper tous les ans le programme de terminal et partager les préoccupations adolescentes de vos cothurnes, c’est que ça confine à la perversité la plus totale !
Hier, sortie de The Grandmaster, un film de Wong Kar-Wai, que je me suis empressé d’aller voir, étant fan de film d’arts martiaux depuis ma plus tendre enfance et les roulements d’épaules de Bruce Lee. Belle surprise à l’arrivée, pour un film dépassant largement le genre que son titre et tout le matériel de communication annonçaient fiévreusement. Rien que l’affiche du film est en soi un beau trompe-l’œil de ce que réserve réellement l’intrigue, davantage concernée par les passions humaines que par les performances martiales.
Annoncé comme un biopic du fameux Yip Man, maître du petit Dragon, j’avais déjà vu sur le sujet les deux films de Wilson Yip sortis avec Donnie Yen (Ipman 1 & 2), qui étaient à mon sens deux très agréables films d’arts martiaux (comprendre dans ce générique qu’on parle d’une histoire lambda prétexte à de beaux pugilats, avec un héros gagnant à la fin par la force de ses poings. Yatta !). Il y a d’ailleurs des choses à dire sur les trois films, en osant la comparaison avec la politique actuelle de la Chine. Notamment la dénonciation, plus ou moins haineuse, envers l’occupation japonaise qui a profondément marqué ce pays, et le respect mesuré pour l’envahisseur anglais, incarnant une forme de capitalisme inévitable qui est toujours prophétisé de manière sibylline comme une voie à suivre (en fait, point d’anglais dans le film de Wong Char Kai, mais une constante invitation à aller de l’avant et à diffuser le savoir – mentalité antagoniste avec l’idée véhiculée auparavant d’une Chine ne voulant pas s’ouvrir au monde). Mais si ces opinions sont fortement marquées dans les films de Wilson Yip (les japonais n’ont jamais été aussi répugnants de perfidie, et les anglais sont tous soit corrompus soit vaniteux), avec un message permanent rappelant l’importance de l’union et de la force populaire, ce n’est pas le cas du film de Wong Char Kai, qui évoque souvent les faits historiques avec une franche volonté d’apolitisme. Continuer la lecture de « The Grandmaster : Princess of China »
La fermeture de LucasArts annoncée par Disney, et qui a fait l’objet d’un article nostalgique dans ces colonnes, continue de faire du bruit, mais devant tant de fureur et de haine, certains se risquent à une analyse moins partisane de cet événement. Ainsi, sur ce site, j’ai pu découvrir une réflexion intéressante, justifiant en partie le choix de Disney. Et c’est vrai que le journaliste n’a pas tort quand on pense aux franchises abandonnées, trésor dormant en cette période obsédée par les revival 2.0 Hd. Maintenant, c’est tout de même une sacrée erreur de communication à laquelle nous assistons, car il démontre une certaine négligence d’un public dont Disney vient tout de même d’acquérir d’importants vecteurs d’intérêt.
Pour tous les gamers qui entretiennent un peu d’affect pour l’histoire du jeu vidéo, c’est la fin d’une marque mythique, avec ce logo au look de peinture rupestre qui annonçait très souvent du vrai et pur plaisir ludique. Je pense notamment aux Monkey Island, Zak Mc Kraken, Maniac Mansion, ou encore les jeux d’aventure avec Indiana Jones, et plus encore, la saga des X-Wing, particulièrement bien réussie (je les ai à peu près tous dans ma ludothèque). LucasArts a contribué de manière historique au genre naissant du jeu vidéo, en démontrant à de nombreuses reprises qu’un point de vue cinématographique pouvait être appliqué au jeu vidéo.
Apparemment, si on se fie aux propos tenus dans l’article (mais que je n’ai pas de raison à mettre en doute), tout ça pour du business de licence, exercice ô combien moins risqué que le développement et la création pure et dure. Beaucoup ont grimacé en apprenant le rachat des franchises de Lucas par Disney, et ce genre d’événement n’est pas fait pour leur donner tort.
Nous sommes en pleine phase de « gueule de bois » démocratique ; devant les efforts que le gouvernement et le petit monde politique ne cessent de demander aux français, et de manière plus élargie, aux européens, le déficit public ne cesse d’intriguer le péquin moyen à qui on ne cesse d’annoncer que son train de vie coûte cher. Enfin, le scandale Cahuzac, initié par Médiapart, organe de presse qui dérange (mais qui se révèle de plus en plus utile en répondant à une forme d’idéal du journalisme qui trouve, il est hélas vrai, peu d’incarnations en France), et qui a ouvert le débat sur cette partie obscure, que nos politiciens se sont toujours ingéniés à dissimuler, soit leur rémunération et leur capital. La politique, dans notre culture républicaine, est toujours quelque part associée à la poursuite d’un idéal, qui suppose le sacrifice de ses intérêts à ceux d’un état ou d’un peuple. En réalité, il est évident que le pouvoir, racine du mot politique, est souvent le graal que nos chers acteurs de gauche comme de droite, poursuivent réellement. L’art du sophisme est devenu la base de l’exercice politique, et en repensant aux dernières élections présidentielles notamment, on ne peut qu’être frappé par la vacuité des débats, par l’inanité des stratégies ne reposant concrètement que sur des manœuvres de disqualification ou de dénonciation des opposants.