Quo vadis ?

Allez, petite madeleine rapido : quand j’Ă©tais petit garçon, en vacances chez mes grands-parents maternels chĂ©ris, je vois un jour annoncĂ© un film au titre Ă©trange, « Quo vadis ? », avec de mĂ©moire Robert Taylor et Elisabeth Taylor (aucun lien de famille entre les deux). N’ayant du latin que la conscience d’un idiome inusitĂ© Ă  notre Ă©poque moderne, j’ai trouvĂ©, je ne sais comment (peut-ĂŞtre en demandant Ă  mon grand-père qui Ă©tait un homme surprenant) que cela signifiait « oĂą vas-tu ? ». Sans aucune allusion Ă  la rĂ©fĂ©rence religieuse, c’est devenu pour moi une question existentielle permanente. Une question stratĂ©gique en soi car Ă  vrai dire j’aurais du coup pas mal modifiĂ© ma voilure pour changer d’alizĂ©, la destination finale ne me contentant jamais vraiment, conscient qu’entre le dĂ©terminisme social et la charge des attentes d’autrui, plus bourricot qu’alezan, l’existence tenait davantage de la spirale du cyclone que de la route au cheminement tranquille. Après, m’extirpant pĂ©niblement du refuge paisible et rĂ©confortant de mon petit ego (j’ai fait des progrès en latin, par la suite), cette question me vient toujours quand je prends le temps d’analyser la sociĂ©tĂ© qui nous abrite et que nous composons en bonne masse humaine confraternelle. Et ce matin, le bilan rapide ne m’apporte pas une rĂ©ponse vraiment rĂ©confortante, Ă  vrai dire.

Pourtant, pourtant… je reste optimiste. Le pire est Ă  venir, et comme l’hiver dont vous saisirez la rĂ©fĂ©rence pop dans un moment d’exultation bien mĂ©ritĂ©, ça ne sera pas un moment de bonheur intense. Souvent, avec mes enfants qui supportent mes divagations permanentes, j’abuse de l’image de l’incendie nĂ©cessaire pour que l’homme agisse enfin. Ce matin, chronique de Revel sur Sudradio, cri d’alarme par rapport Ă  la chute de la conso, moins 2,8% quand mĂŞme, dans un pays qui s’est voulu de services et donc hyper consommateur. Jamais je ne rĂ©pĂ©terai assez combien c’est dĂ©jĂ  mortifère et stupide de poursuivre une telle ambition (une Ă©conomie essentiellement basĂ©e sur les services), surtout avec un pays comme la France qui contrairement Ă  ce qui est ressassĂ© par des zĂ©lotes zĂ©lĂ©s, est riche de son peuple et de son territoire. PassionnĂ© par la gĂ©opolitique, je suis toujours Ă  la fois navrĂ© et subjuguĂ© par la puissance du narratif europĂ©ĂŻste. Notez que je n’ai pas Ă©crit « europĂ©en » car comme toute chose, sa rĂ©alitĂ© n’est gĂ©nĂ©ralement que le rĂ©sultat de notre volontĂ©. Il faut cesser d’accuser une Europe fictionnelle d’ĂŞtre coupable de quoi que ce soit, elle n’est que la consĂ©quence d’une ambition dĂ©voyĂ©e pour satisfaire les intĂ©rĂŞts privĂ©s aux dĂ©pens des peuples. Après 40 ans de pillage et de saccages, la France a subi son lot de revirements et, de plus en plus abusivement, brutalement, la machine Ă  broyer continue son sinistre boulot. Quand le peuple français comprendra que son destin est de ne devenir qu’une masse corvĂ©able Ă  merci, en Ă©change d’un peu de plaisir dĂ»ment rĂ©tribuĂ©, il y aura peut-ĂŞtre un dĂ©but de changement… mais Ă  l’instar de la religion vu comme un opium, le consumĂ©risme est une drogue dure qui fait croire, durablement (dur dur, donc), que la jouissance est un but en soi. La fin de l’abondance sera-t-elle l’avènement d’un dĂ©but de clairvoyance ? Mon chez compatriote, quand on t’explique que tu travailles moins longtemps ou moins bien qu’ailleurs, c’est juste parce qu’on veut te faire bosser au mĂŞme tarif et que ton droit au bonheur compte moins que la richesse de certains. Point barre comme disait l’autre.

L’inflation galope, cheval fou symbolique d’un discours Ă©conomique dont l’inanitĂ© fait les beaux jours d’une technocratie soit corrompue soit consumĂ©e par un dĂ©tachement du rĂ©el si stupĂ©fiant qu’il tient effectivement de la toxicitĂ© idĂ©ologique. La spĂ©culation continue d’amasser des fortunes virtuelles que les commentateurs ne cessent d’annoncer avec une admiration contemplative pour que le petit peuple comprenne sa misère tout en acceptant d’adhĂ©rer Ă  la grande croyance de l’argent immatĂ©riel et dĂ©connectĂ© du rĂ©el. Comme le rĂ©pète dans des sĂ©quences hilarantes l’excellent Alexis Poulin, « ça marche ! ». Ce qu’on nomme pratiquement le climat et qui en fait n’est rien de moins que notre Ă©cosystème, continue de subir l’influence destructrice d’une idĂ©ologie dominante qui impose la surconsommation et ce que je nommerai crĂ©ativement (enfin, autant un autre m’aura dĂ©jĂ  prĂ©cĂ©dĂ© dans l’idĂ©e) l’hyper logistique. Pourquoi « hyper » ? Car je n’ai rien contre le transport de marchandises, mais quand on la fait venir du bout du monde pour jouir des bienfaits d’une logique financière totalement inepte et contraire aux intĂ©rĂŞts communs, cet « hyper » symbolise Ă  la fois le problème et la cause.

Je n’ai pas envie de dĂ©velopper davantage, j’ai des choses Ă  faire ce matin, des beaux projets Ă  accomplir, mais je vais avoir l’extrĂŞme plaisir de vous renvoyez Ă  l’excellente vidĂ©o du grenier de l’Ă©co Ă  laquelle j’adhère totalement. Elle reprĂ©sente mon point de vue sur la situation globale, avec en filigrane les bons choix Ă  faire pour notre pays. Une chose : je crois en la possibilitĂ© d’une Ă©nergie alternative marĂ©motrice, en rĂ©sumĂ© non par l’action d’Ă©oliennes visant Ă  capter un vent toujours fluctuant, mais bien des systèmes sous-marins animĂ©s par le mouvement, lui permanent, des marĂ©es. Notre pays est bordĂ© par pas moins de 3 grands espaces marins, la Manche, l’OcĂ©an Atlantique, et la Mer MĂ©diterrannĂ©e ; traversĂ© par 4 fleuves, la Seine, la Loire, le RhĂ´ne et la Garonne. Quand demain, les Ă©nergies carbonifères cesseront d’obsĂ©der les bĂ©nĂ©ficiaires de l’or noir et polluant, notre pays dispose d’un patrimoine naturel qui se rĂ©vĂ©lera alors comme une sublime opportunitĂ©. Enfin, si d’ici lĂ  personne ne nous explique que comme tout le reste ça n’appartient finalement pas Ă  tous et que comme tout le reste, le droit Ă  l’accaparement peut encore s’exercer.

Et pitiĂ©, arrĂŞtez de croire un instant les fadaises de la voiture Ă©lectrique, ça ne pourra, au mieux, qu’ĂŞtre un moyen de transport rĂ©servĂ© Ă  une petite Ă©lite suffisamment riche pour d’une par s’en payer une et d’autre part l’alimenter en « carburant ». Alors qu’on annonce des ruptures d’alimentation cet hiver, la simple idĂ©e de proposer un parc automobile s’appuyant sur la fourniture d’Ă©lectricitĂ© est simplement la dĂ©monstration d’un narratif qui fantasme en permanence le rĂ©el sans tirer les leçons de son hubris.

La vidĂ©o du grenier de l’Ă©co, une chaine Youtube Ă  dĂ©couvrir pour ceux qui aiment l’Ă©conomie :