Et de deux, Dune

Le teaser de Dune est sorti, et après avoir vu les rĂ©actions de certains Youtubeurs, j’ai eu l’envie de revenir sur ce blog abandonnĂ©, pour cause de projets crĂ©atifs un poil accaparants.

Pourquoi l’envie ? Car Dune, pour moi, aura Ă©tĂ©, en premier lieu, une histoire d’amour littĂ©raire, pas que ça parle d’amour, mais parce que j’ai aimĂ© ce putain de cycle en vivant tout ce qu’on peut connaĂ®tre dans une grande histoire d’amour… la passion, l’enivrement des sens, l’intemporalitĂ© d’un attachement, une fidĂ©litĂ© entretenue par la richesse puissante d’une Ĺ“uvre sans pareille (pour moi et ma pauvre culture en la matière).

Dune, j’ai dĂ©vorĂ© les livres et bien entendu, ce qui a Ă©tĂ© le plus fort dans ce moment d’aventure culturelle, est mon admiration, encore intacte, pour un auteur, Frank Herbert, juste puissant, dans son intention comme dans la concrĂ©tisation de celle ci. Dune est avant tout un roman brillant, au pur sens du terme. D’une profondeur incroyable, abyssale, un sommet non de SF mais bien de littĂ©rature, dans son sens le plus noble et le plus beau.

Donc après ça, et depuis toujours, je fais partie de ceux qui pensent que Dune est inadaptable au cinĂ©ma, Ă  la TV, en jeu, en ce que vous voulez, car mĂŞme si un gĂ©nie de la peinture peut crĂ©er une toile magnifique figurant la beautĂ© d’une aurore, l’œuvre ne vaudra jamais l’aurore elle-mĂŞme. Dune est une expĂ©rience dont la richesse, dont la substantifique moelle pour reprendre une expression dĂ©licieusement mĂ©taphorique un brin soutenu (oui chĂ©rie, je te dĂ©dicace ce passage), ne peuvent qu’ĂŞtre trahies ou simplement impossibles Ă  rendre sur un Ă©cran. Les images ne sont que des images, lĂ  oĂą les mots sont des allĂ©gories, des porteurs de symboles, des crĂ©ateurs de monde. Ceci dit et convenu, on peut quand mĂŞme concevoir qu’il y ait de bons films inspirĂ©s de Dune. J’ai aimĂ© le Dune de Lynch, qui apporte en soi, presque de manière dĂ©mentielle ou blasphĂ©matoire d’ailleurs, des concepts nouveaux (alors que la richesse du matĂ©riau originel n’est pas respectĂ©, dans l’idĂ©e de la mission impossible prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©e). Ĺ’uvre bâtarde, rĂ©sultat de ce qu’est la production d’un film oĂą chacun donne son avis lĂ  oĂą le sujet ne pouvait ĂŞtre qu’une vision, celle d’un artiste, celle d’un homme qui devient dieu de l’image pour crĂ©er un univers. Kubrick, Jodorowski Ă©taient de ceux lĂ , on a fait comprendre Ă  Lynch, Ă  l’Ă©vidence, que les thĂ©ocraties n’avaient plus le vent en poupe Ă  Hollywood. Mais j’aime l’esprit du film, cette cĂ©rĂ©bralitĂ© au cĹ“ur du film, celle de ce messie qu’est Paul, cet homme qui devient dieu (autre roman de Herbert qu’il faudrait que je me dĂ©cide Ă  finir d’ailleurs), puis qui chute, dans un cycle dont tout ce que le grand public ne connaĂ®t vraiment n’est qu’un tout petit prĂ©lude.

J’Ă©cris cet article car je suis tombĂ© sur une vidĂ©o putassière sur Youtube, dont l’idĂ©e est juste de profiter de la vague crĂ©Ă©e par l’annonce du teaser. Je dis vidĂ©o, mais non, c’est bien une putasserie, mot bien moche, mais qui pour le coup dĂ©crit bien le principe : un titre et hop, le travail de critique est fait. Enfin une variante du critique, le boucher critique, ou le critique Ă  la sauce 2.0 spĂ© 280 caractères. Donc, je vois « Dune, Ă  la croisĂ©e de Starwars et de GOT ». Et sincèrement, j’en ai marre, mais marre, mais marre, qu’on dise que Starwars a tout inventĂ©, lĂ  oĂą si j’Ă©tais mĂ©chant (je ne le suis pas, sinon ce serait bien pire), je dirai que la saga avec les Jedi n’est rien d’autre que Starwars pour les nuls. Oui, je pourrais ĂŞtre mĂ©chant si j’Ă©tais un youtubeur enragĂ© souhaitant vĂ©hiculĂ©e sa sainte parole, rien qu’en mettant en exergue l’abomination d’une saga en 9 Ă©pisodes qui est la quintessence de l’incohĂ©rence scĂ©naristique… le premier SW donc le quatrième (tiens, encore un argument dĂ©montrant que c’est construit n’importe comment), dĂ©jĂ , pille Dune. J’ai pas envie d’aller faire de l’archĂ©ologie culturelle pour voir les idĂ©es et les talents qui ont Ă©tĂ© dĂ©bauchĂ©s Ă  l’Ă©poque du projet de Jodorowski pour atterrir sur le SW de Lucas. Je vois juste que ça se passe sur une planète dĂ©sertique, que le hĂ©ros a un Ă©norme potentiel cachĂ©, que son mentor utilise la voix, qu’il y a une princesse plus intelligente que la cruche attendant qu’on vienne la sauver, un empereur et un empire, et j’en passe… SW emprunte Ă  Dune, SW est le rĂ©cĂ©pissĂ© d’une influence, d’un phĂ©nomène culturel d’une Ă©poque, celui que fut Dune, dĂ©jĂ . Alors, lire maintenant que c’est l’inverse, parce qu’Ă  la « croisĂ©e » d’une autre Ĺ“uvre, ça me fait mal.

Oui, je sais. On va me dire que c’est parce que le but, c’est chercher Ă  retrouver l’effet SW, maintenant que celui s’est Ă©tiolĂ© dans le dĂ©sastre narratif qu’il a connu au fur et Ă  mesure que les chercheurs d’or ont tentĂ© de prendre une part du butin en tamisant Ă  l’aveugle dans le gros filon devant eux. Oui, le studio veut certainement que le film devienne un objet de vĂ©nĂ©ration, d’adoration, donc source de profit, comme a pu l’ĂŞtre et l’est encore, SW. Après, et c’est juste Ă©lĂ©mentaire, l’oeuvre initiale n’est pas facilement accessible car sèche, froide, philosophique, panoramique, comme son hĂ©ros, très cĂ©rĂ©brale. Paul est un dieu en devenir, mais avant tout c’est un homme qui pense, qui crĂ©e de vertigineux raisonnements sur tout ce qui l’entoure. Pour devenir un Dieu crĂ©ateur, il se met en devoir, dĂ©jĂ , de comprendre le monde qui l’entoure, de rĂ©soudre les Ă©nigmes de cet univers fascinant qu’est Dune. Un univers qui ne tient qu’en quelques volumes, 7 je crois, que j’ai dĂ©vorĂ© jusqu’Ă  dĂ©couvrir avec horreur que l’auteur n’avait pas eu la dĂ©cence de rester en vie pour Ă©crire la suite. Frank Herbert, tu seras toujours pour moi la seule personne sur terre pour laquelle j’aurais tentĂ© de trouver un remède Ă  la mortalitĂ©. Le champion du cliffhanger suprĂŞme. Et en si peu de volume, si on imaginait un truc Ă  la SW, on pourrait imaginer deux trois aventures du mĂŞme tonneau, rondement menĂ©es. Non, en si peu de volumes, le bonhomme dessine une histoire qui se dĂ©roule sur des millĂ©naires, en posant de grandes thĂ©matiques qui sont au delĂ  de l’Ă©rection d’un empire nazi voulant Ă©tendre son dĂ©sir colonialiste sur un univers qui l’air de rien, sera toujours si infini qu’il ne peut en avoir, dans le fond, que rien Ă  foutre.

Concernant GOT, c’est encore pire… S’il y avait l’espoir de voir de la fesse bien tendre et des choses coquines qui excite le bourgeois inhibĂ©, encore… mais non, le roman d’Herbert ne se perd jamais lĂ -dedans. Allez, en pensant Ă  mon favori, le fils et pas le père, LĂ©to, je pourrais imaginer un truc japonais avec un gros ver lubrique. Sauf que son vice Ă  celui lĂ  est juste de cloner, indĂ©finiment, celui qui va le tuer. Saisir l’essence de Dune, c’est Ă  la fin de l’empereur Dieu qu’il est possible d’en saisir un peu la vibration, dans le sacrifice/suicide, dans la dĂ©livrance expiatoire et sacrificielle du monstre qu’est devenu Leto, comme son père, Dieu vivant devant mourir pour que vive l’univers.

Bonne chance pour traduire ça en film. Mais j’ai hâte de voir le film de Villeneuve, sans le comparer Ă  rien, car oui, un cinĂ©aste plus que douĂ©, une histoire magnifique, des bons acteurs, des images qui promettent bien, ça me suffit Ă  me dire que je vais passer un moment de folie.

J’ai donc hâte, mais pitiĂ©, ne me parlez pas de SW ni de GOT.