J’ai parfois le sens du tragique le samedi matin après mon café, et après avoir longuement réfléchi à un titre sublime qui refléterait à la fois l’élégance et à la profondeur de ma pensée, j’ai fini par ployer devant la muse apothéotique. Ce blog est devenu au fil du temps une énième manifestation de la discipline que je m’impose depuis quelques années, en cherchant à organiser et structurer ma pensée avec la pratique de savoirs élémentaires. L’écriture demeure la manifestation profonde d’un soi que nous cherchons perpétuellement à camoufler derrière des couches plus ou moins grasses d’affectation et de comédie. Que tu le veuilles ou non, l’écriture te dévoile. Dans mon cas, il y a certainement de la prétention, de l’arrogance, de la vanité voire de la fatuité. Mais non. Le but c’est suer à aligner des mots pour essayer de donner à une pensée une forme plus ou moins aboutie. Pensée qui elle-même se nourrit en jetant son regard analytique sur les faits du réel. Des faits qui actuellement me mènent donc à ce titre terrible, car nous en sommes bien là, à l’expérience ô combien frustrante de l’impuissance.
Souvent, je déplore la sexualisation abusive qui teinte presque tous les aspects de nos sociétés prétendument modernes. Alors que la Saint Valentin, énième manifestation d’un certain cynisme marchand, s’apprête à nous inviter à la célébration du sentiment amoureux, j’ai été frappé par l’importance des lingeries plus ou moins affriolantes qui sont venues s’imposer à mon regard dans les magasins comme dans ma boite email. Non, je ne suis pas à ce point chaste et prude que l’évocation d’une cuisse jarretellée me pousse ainsi à m’indigner en faisant, peut-être, l’aveu de ma propre impuissance. Mais il y a quelque chose de révélateur à confondre les choses du désirs et celle de l’amour. Pas qu’elles soient antagonistes, elles seraient plutôt complémentaires, mais de là à les confondre crée le genre de chimère, de confusion, qui me grattent le cortex. Si la Saint Valentin est un soir de baise, il y a quelque chose de triste à se dire qu’il faut une intimation commerciale pour passer à l’acte.
Mais ce n’est pas de ce sujet d’importance que je cherche à évoquer par ce titre profond. Non, l’impuissance que j’évoque est celle que nous subissons tous dans cette comédie qu’est devenu la démocratie à la française. De scandales en scandales, d’affaires étouffées en affaires oubliées, de triste capitalisme de connivence en valetteries médiatiques, nous en sommes à subir une tragicomédie qui ressemble de plus en plus à une farce pathétique. Personnellement, je n’arrive plus à trouver de talent à ces comédiens qui nous servent de parterre politique. C’est triste, un tel dévoiement, c’est consternant. A l’image de ces commissions d’enquête qui mettent en scène une sorte de jugement moral sans conséquence pénal, le spectacle des marionnettes nous procurent des petits coups de matraque de chiffon dont les victimes ne parviennent même plus à en feindre une bien aimable contrition. D’indignités en indignations polies, en France tout est comme ça à présent. Le bateau coule et l’orchestre joue… le capitaine se saoule dans sa cabine en jouant négligemment avec l’élastique de la jarretelle de l’infirmière tandis que les bobos (dans tous les sens du terme) non soignés s’accumulent à l’infirmerie. Les pauvres se tassent dans les soutes en espérant que viennent l’espoir, mais ils ne savent pas que Pandore avait déjà, il y a très longtemps, refermé la boîte. Après la dette, l’austérité, deux belles jumelles d’un gros foutage de gueule dont le carburant est bien la bêtise de tous ceux qui ont fait le choix de ne rien comprendre, de tout accepter, petits enfants jamais devenus grands qui croient encore aux idoles faisandées d’un bonheur à présent enterré.
Depuis quelques jours, devant le nouveau budget qu’un fortement démocratique 49.3 va nous carrer bien profondément dans le fondement, certains s’insurgent de ce qui va advenir des quelques survivants qui subsistaient avec le régime de l’auto-entreprise. Eh ! Vous croyez quoi ? Actuellement, ce pays vit son record de faillite d’entreprise, pour cause d’une politique économique totalement délirante, à l’évidence une volonté de défoncer et finir de piller un pays qui fut dynamique et fier. Alors que va-t-il rester à ruiner si ce n’est la strate en dessous ? Le PS et le RN se défendent d’une posture qui invoque encore la belle et grande responsabilité devant ce désastre qui n’a jamais de responsables et encore moins de coupables. Les masques sont tombés, l’attache était certes bien fragile et les oreilles d’âne auraient dû en alerter certains. Quid de l’avenir électoral ? Y en aura-t-il encore pour voter pour ces deux crèmeries sans comprendre que le pis tordu est celui de notre poitrine de moins en moins forte et belle ? Le pari reste encore celui de l’impuissance. Mélenchon s’égosille à dénoncer les impostures diverses mais reste dans cette vision rance d’une France qu’il ne veut finalement changer qu’à la marge. Ce qui me fait tristement sourire, c’est qu’il reste le seul choix un tantinet viable pour une population réduite à l’état de colonie. Edouard Philippe, Gabriel Attal, Jordan Bardella, ou encore la dame Le Pen… La valetterie est prête à la saignée, les français vont-ils encore faire le choix de la maltraitance par la validation volontaire ou par le choix d’une abstention velléitaire ?
Je l’ai écrit tant de fois que j’en suis fatigué… jamais on ne fait sa richesse sur la pauvreté des autres… ou plutôt, les places sont chères, de plus en plus chères. De ce choix méprisable qui fut celui de s’accommoder de la misère des autres en acceptant les réalités et les choix politiques derrière le chômage de masse, le prix à payer, la triste facture, nous arrive enfin. Je ne suis pas de ceux qui vivent inconsciemment des larmes et des souffrances de tous ceux qui ont été plus qu’oubliés, mais bien sacrifiés par un système d’un cynisme absolu. Les peuples sont également des fictions, qui ne deviennent réalité que lorsque une idée, une grande idée, les rend à la fois réels et puissants. Nous n’en sommes plus là, en France. Faire peuple, faire société, au-delà des sordides questions d’identité et d’immigration qui ne traitent les sujets que pour nous perdre encore dans des impasses et des diversions bien utiles, c’est là que ça va se jouer. Ou pas. Liberté, Egalité, Fraternité… Cette trinité est morte en 2025. Pour qu’elle ressuscite, il va falloir agir par étape, car retrouver la première, l’aînée, conditionne le retour des deux cadettes. Mais tant que nous serons invités à réagir comme des bêtes, à aboyer et grogner à chaque nonosse méprisamment envoyé à coup de faits divers et autres scandales bien sélectionnés pour nous diviser encore et encore, il n’y aura pas d’espoir. Tant que nous ne comprendrons pas que nous ne sommes pas coupables de nos misères et que nous devons agir pour le retour d’une justice sociale, nous resterons dans une injustocratie qui sera notre perte.
Après… l’impuissance c’est bien se dire qu’il faut un kratos… Nous en sommes si loin de l’étape de l’éthos, manifestant que nous n’aurions plus besoin d’aristos et autres anax pour agir, individuellement, avec grandeur et justice. De ma propre impuissance je fais aussi le constat, car je sais que ce n’est pas de ce système que j’aurais voulu hériter, dans lequel j’aurais voulu naître. De cette masse, j’en suis à la fois l’atome et la victime. J’ai cru longtemps que j’étais libre, mais je suis également trop domestiqué pour ronger mon collier. Le prix a payé est très cher, avoir les moyens de payer les passeurs compliqué. Je sais le destin caché de ceux qui finissent en haute mer à vouloir atteindre l’autre rive. Si rive il y a encore, soit dit en passant.
J’espère et je souhaite pour les sociétés humaines qui survivront à tout ça, que la justice élémentaire soit leur fondement matriciel. La modernité est illusoire, depuis 12 000 ans, à minima, ce n’est toujours qu’un vieux modèle qui se déguise et se recycle en mettant à la mode des grands mots, toujours dans le but de mettre en place les mêmes jougs tout en cachant ses perpétuelles exactions. Tant que l’exploitation à des fins personnelles demeurera la réelle et seule condition pour une richesse pérenne, et que ça sera à la fois validé et perpétué par ceux qui font peuple, quelles que soient les révolutions et les hymnes sublimes, ça restera des mesures à la marge, au mieux.
Impuissance… Reste l’écriture pour témoigner de tout ça, alors que les imbéciles tombent en révération, en vénération, devant des intelligences artificielles qui dénoncent, toujours avec un certain cynisme, l’artificialité de notre propre intelligence. Qu’attendre d’êtres humains qui craignent que Terminator leur pique un boulot qui de toute manière n’existe plus ?
Bon samedi quand même 😉 !