Good Bye John Cassaday

Je parle un peu trop souvent de politique sur ce blog, comme un expert de la matiĂšre noire, cette chose invisible et intangible qui donne des migraines au monde scientifique, mais je nourris bien des passions dont la BD. Et cette semaine j’ai appris avec une grande tristesse la mort de John Cassaday, un artiste que j’ai appris Ă  aimer notamment sur ce que je considĂšre comme un chef d’oeuvre du genre, Planetary avec Warren Ellis au scĂ©nario.

Je n’ai pas beaucoup de choses Ă  dire sur l’artiste, je ne suis pas du genre Ă  farfouiller dans la vie des gens, j’ai dĂ©jĂ  trop de mal Ă  vivre la mienne, donc je n’ai pas suivi le cours de la carriĂšre de l’artiste autrement que par ses collaborations et ses oeuvres. J’ai lu un peu de sa contribution sur la sĂ©rie X-Men, j’ai adorĂ© l’Ă©volution de son style, sobre et dĂ©licat, anti-spectaculaire et en mĂȘme temps d’une Ă©tonnante puissance dans la simplicitĂ©. En faisant une rapide recherche avant d’attaquer ce billet, j’ai vu une clichĂ© de lui, apparemment jeune, et j’ai Ă©tĂ© surpris de constater Ă  quel point il ressemblait au personnage du Batteur de Planetary. Je ne pourrais jamais signifier l’admiration que je porte Ă  tous les artistes qui oeuvrent, c’est le juste verbe, pour nous apporter la beautĂ© de la crĂ©ativitĂ© et de l’imagination dans un monde qui se complaĂźt dans la trivialitĂ© et une volontĂ© farouche de ne jamais sortir de l’orniĂšre, de l’impasse, d’un monde ancien. A chaque fois que j’apprends la mort d’un artiste, notamment dans la BD, c’est toujours avec le sentiment qu’un chaman de la Bulle nous quitte en nous laissant tous un peu orphelins.

Bye Bye John Cassaday, je ne te connaissais pas autrement que par les ĂȘtres que tu imaginais et dessinais, que par ton trait particulier qui au tout dĂ©but m’avait rebutĂ© avant que tu m’apprivoises et que tu me fasses comprendre que c’est ça aussi la beautĂ© : ne pas forcĂ©ment rĂ©pondre Ă  une attente, mais bien proposer quelque chose de nouveau, d’inattendu, pour enrichir nos dĂ©sirs trop souvent rendus conformes par les modes et les lignes Ă©ditoriales qui finalement rĂ©pondent autant aux idĂ©ologies dominantes que le reste.

Il me vient l’image finale de l’Ă©pisode des X-Men qui voit Kitty Pryde prisonniĂšre d’une immense balle qui finalement ne percute pas la Terre mais la voit s’Ă©loigner horriblement, terriblement, loin de tous et de ceux qu’elle aime. La derniĂšre page, sublime, montre la balle et une case de dialogue qui sobrement finit la phrase entamĂ©e la page prĂ©cĂ©dente avec l’adjectif « parti ». J’aurais voulu trouver cette image en ligne, je sais qu’elle dort quelque part dans le bordel qu’est ma bibliothĂšque, repaire de petits trĂ©sors. Toi aussi tu as dĂ©cidĂ© de partir et c’est bien triste car trĂšs Ă©goĂŻstement je sais que je ne peux plus que me repaĂźtre de ce que tu as dĂ©jĂ  crĂ©Ă© et qu’en partant si jeune, tu nous as tous privĂ© de ton talent si particulier. C’est pas grave, va, j’espĂšre simplement que pour des gens qui mettent de la magie et du rĂȘve dans le coeur des autres, il y a une petite place, spĂ©ciale et douce, pour eux, Ă  ce qui ressemble au Paradis.

Allez, une image piquĂ©e sur le site (https://them0vieblog.com/2010/04/21/astonishing-x-men-omnibus-by-joss-whedon-john-cassidy/), qui pour le coup illustre Ă  la fois la tristesse de ton dĂ©part et dĂ©montre la rĂ©alitĂ© de mes trop courts compliments. Peut-ĂȘtre qu’un jour je me donnerai le temps de rendre hommage Ă  tous les artistes que j’aime en faisant le travail de critique que j’ai menĂ©, une fois n’est pas coutume, sous un autre pseudonyme.

Le péril jaune ou ce qui reste dans la boite de Pandore

OulĂ … un titre un brin romanesque, entre le jeu de mot et l’allusion fine, je suis en forme. Ou plutĂŽt non. Fin de semaine, j’ai bossĂ© comme un dingo, il reste aujourd’hui, mais bon, l’actu, les rĂ©actions, moi, le monde, mon cerveau, le chaos, l’entropie et ce blog pour vidordurer tout ce qui m’emboutit.

Barnier donc. J’ai explosĂ© de rire, tant le choix est Ă  la fois Ă©vident, rĂ©vĂ©lateur, dramatique.

Evident parce qu’il n’y avait finalement pas de choix plus europĂ©iste que celui-ci, du technocrate biberonnĂ© aux couloirs et recoins des univers dĂ©mocratiques, qui aura Ă©tĂ© dĂ»ment dĂ©fendu par un Asselineau qui reste un homme de droite, ce que sa position souverainiste pourrait parfois faire oublier. Je conseille par ailleurs d’aller voir l’analyse trĂšs fine et pertinente de Georges Renard Kuzmanovic sur Tocsin (mĂ©dia prĂ©sent sur Youtube) – tout est dit et bien dit. Tout ça pour dire que le souverainisme n’est pas forcĂ©ment Ă  droite, mais la gauche ayant fait du nationalisme une manifestation du fascisme, c’est encore un prĂ©jugĂ© qu’il sera difficile de commuer.

RĂ©vĂ©lateur car au moins, on sait que le travail d’huissier va pouvoir dĂ»ment commencer. Avec la logique, avalisĂ©e par le mĂ©dias et peut-ĂȘtre mĂȘme par vous, petit citoyen hypnotisĂ© par la rengaine du dĂ©terminisme financier, qu’il faut rĂ©gler ses dettes, fussent-elles contractĂ©es par d’autres en votre nom, le temps est venu de cĂ©der le mobilier Ă  dĂ©faut de billets joliment imprimĂ©s (car le digital, ça reste du vent, et seul les dieux dĂ©cident si ce vent est tangible ou gazeux).

Dramatique, car avec ce choix, c’est un nouveau coup d’Ă©tat, un abus de pouvoir, une manifestation d’une tyrannie « dĂ©mocratique » qui s’accomplit. Psychologiquement, symboliquement, c’est bien dire au citoyen qu’il doit s’y faire, que tout ça n’est qu’illusion, que tout ça, la dĂ©mocratie, les droit(e)s de l’Homme, la LibertĂ©, ne sont que du dĂ©corum pour faire croire, pour faciliter la coloscopie en la rendant un peu moins douloureuse. Tu y es en dĂ©mocratie ? Tu en es sĂ»r ? Oui, peut-ĂȘtre. Si tu concĂšdes que ton seul pouvoir c’est accepter ou ne pas accepter, sachant qu’Ă  l’arrivĂ©e ça n’a absolument aucune importance pour ceux qui sont tes maĂźtres. As-tu vraiment le droit de te plaindre ? Tu y crois, tu y participes, tu fais de ton immarcescible candeur le carburant de leur manipulation vulgaire. Comme disait l’autre prĂ©sidentiable, « et ça passe ». Attention Ă  ce que la coloscopie ne s’achĂšve pas en lobotomie.

La gauche s’insurge. Poliment presque. MĂ©lenchon, grave et dans une contention qui est peut-ĂȘtre motivĂ©e par la volontĂ© de dĂ©montrer qu’il n’est pas le minotaure Ă©ructant du labyrinthe politique. Allez, on manifeste, Ă  Paris et pour les ploucs de province, un peu oĂč vous voulez… De toute maniĂšre, qui s’intĂ©resse Ă  la banlieue et au No man’s land dans ce pays oĂč la centralisation incarne le dĂ©faut majeur, le pĂ©chĂ© capital (sans jeu de mot) ? Au pire, cramez deux trois voitures histoire qu’on puisse dire que vous ĂȘtes Ă  la fois dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s, impolis et indĂ©crottables. Et Ă  nouveau, entre analystes, ça invoque, ça espĂšre, ou ça dĂ©sespĂšre, ça incante, ça prophĂ©tise, ça apocalyptise, le retour des gilets jaunes. SĂ©rieusement… Je suis souvent Ă©tonnĂ© qu’aucun analyste ne se penche un peu sur la raison de ce soulĂšvement qui repose, pour moi, sur le profil d’individu qui en Ă©tait la sĂšve. Qui Ă©taient les gilets jaunes, ceux des rond-points, les purs, les durs ? Pour l’essentiel, des travailleurs ou de simples citoyens qui venaient du monde bien rĂ©el. Des gens qui ne sont pas en train de s’abrutir entre les 12 000 possibilitĂ©s d’Ă©vasion, de distraction, de fuite, que leur offre leurs Ă©crans, qui ne voient pas le monde par le prisme dĂ©formant des mĂ©dias et des mĂ©diums qui nous rĂ©gurgitent la rĂ©alitĂ© pour nous la faire percevoir comme toute une idĂ©ologie veut que nous la percevions. Plus tard, de leurs rangs viendront les hĂ©ros du Covid, Ă  la premiĂšre heure. Encore plus tard, une partie d’entre eux seront encore « punis » pour dĂ©faut d’obĂ©issance, pour rĂ©sistance. Quid de tous ceux qui ont Ă©tĂ© privĂ©s de salaire, qui ont Ă©tĂ© harcelĂ©s au travail ou en famille, qui ont vu leurs droits simplement niĂ©s avec l’accord tacite de leur suprĂȘme leader qui ne rĂȘvait que de les emmerder ?

Ce matin j’Ă©coutais une matinale de France Culture sur la droitisation de la France… J’ai Ă©tĂ© un peu Ă©berluĂ©, Ă  la fin, par le consensus des participants… Tous les rĂ©acs sont donc des français qui croient en une France en noir et blanc qui n’aura donc jamais existĂ© (je caricature un peu) ? SĂ©rieusement ? Car vous ne croyez pas que la start-up nation c’est pas encore plus con comme illusion ? Nous sommes TOUS victimes de notre perception tronquĂ©e de ce qui fait le monde. La seule maniĂšre d’essayer de s’extirper un tant soi peu, et sans perdre la sagace conscience que nous serons toujours piĂ©gĂ©s par notre subjectivitĂ©, notre Ă©thos et notre habitus, de ce moi qui nous tyrannise, c’est en croisant un maximum les donnĂ©es, les sources, c’est en Ă©coutant tous les bords, tous les discours, toutes les visions, toutes les narrations, toutes les fictions. C’est pas Ă©vident, mais il n’y a que ça qui permet de distinguer l’absurde comĂ©die humaine qui fait notre sociĂ©tĂ©. Si la vĂ©ritĂ© n’est qu’un consensus, si la vĂ©ritĂ© n’est que l’interprĂ©tation sĂ©lective des faits que tu hiĂ©rarchises, valides ou invalides, tout n’est que fiction. Si l’idĂ©e est de vouloir prouver que sa fiction est meilleure donc s’impose Ă  celle des autres, c’est Ă  la fois une folie et une tragĂ©die. Ah, nous y sommes. Je suis donc rĂ©ac. Dur, au petit matin.

Qui furent donc les gilets jaunes pour ces bobos trĂšs satisfaits de leurs certitudes ? Ces fameux rĂ©acs, ces français dĂ©classĂ©s mais donc, selon les experts de France Culture, victimes d’un dĂ©ni somme toute condamnable (ils sont cons, pour faire court). Des français qui n’ont pas pris le train du monde, qui n’avait pas les jambes assez fortes pour courir et saisir l’opportunitĂ©, le kairos implacable d’un monde moderne, serviteur implacable d’un darwinisme cruel mais Ă©rigĂ©, reconnu, en loi immanente (sinon ces imbĂ©ciles de dinosaures auraient fini par inventer la dĂ©mocratie bien avant nous).

C’est pour ça qu’il a Ă©tĂ© facile de passer sur les mutilations, sur le harcĂšlement, sur le tabassage en rĂšgle que ces citoyens ont subi, qu’ils ont vĂ©cu dans leur chair et leur tĂȘte. Finalement, ils l’avaient bien mĂ©ritĂ© Ă  nous bloquer pour nous empĂȘcher de prendre nos vacances bien mĂ©ritĂ©es. Et ils Ă©taient d’extrĂȘme droite. Ah, cet anathĂšme qu’il suffit de citer pour forclore tout dĂ©bat. Toi qui est contre l’immigration, tu es donc mĂ©caniquement raciste. Tout part de ça et tout est restĂ© Ă  ça. Mais j’ai de plus en plus de mal Ă  Ă©coutes les analyses qui dĂ©crivent les votants du RN et tout ce qui n’est pas Ă  gauche comme des « fachos ». Nous allons crever de cette discorde, nous sommes tous inutilement divisĂ©s et opposĂ©s avec l’impossibilitĂ© d’un dialogue.

Dans cette logique absolutiste et intransigeante, les gilets jaunes ont Ă©tĂ© victimes d’une rĂ©pression, d’une sauvagerie systĂ©mique, qui ne peut laisser que des traumatismes et de l’amertume. RĂȘver leur retour, c’est encore se dire que cet autre, qu’on mĂ©prise et qu’on moque, dont la plouquerie nous arrache un long soupir d’atermoiement, va venir, Ă  notre place, se taper le sale boulot. C’est aussi ne pas avoir compris que cette strate d’individus, qui venaient du rĂ©el, une rĂ©alitĂ© sale et matĂ©rielle, ont Ă©tĂ© brisĂ©s, hachĂ©s menus, et totalement refroidis par le manque de soutien populaire. Il y a eu une grande victoire du « pouvoir » fin 2019, juste avant le Covid. L’exemple avait Ă©tĂ© fait, le principe avait Ă©tĂ© acceptĂ©, celui que le « pouvoir » puisse dĂ©foncer le peuple avec une totale tranquillitĂ© d’esprit. La glorieuse manifestation du « kratos », cette logique qui induit que nous perdurons dans une pensĂ©e ancienne et rance, qui finit toujours par l’expression et la victoire de la violence.

Les sĂ©ditieux ayant Ă©tĂ© matĂ©s, peu de temps aprĂšs il Ă©tait judicieux de voir si les autres seraient obĂ©issants, de mesurer le niveau de complaisance. Nous fĂ»mes du bĂ©tail stoĂŻque et appliquĂ© Ă  paĂźtre lĂ , oĂč et quand nous devions le faire. De par mon signe zodiacal, je suis une bĂȘte Ă  cornes, donc c’est un peu mon destin d’ĂȘtre cocu. Je ne me considĂšre donc pas ĂȘtre meilleur que les autres. J’ai signĂ© moi aussi mes propres attestations de sortie. J’y ai cru, j’avais le nez sur les stats, je constatais une partie de l’escroquerie, je restais constructif. J’avais surtout peur de causer du tort. Je ne pouvais pas envisager qu’il puisse y avoir derriĂšre tout ça un dessein autre que protĂ©ger la population Ă  prĂ©venir le pire. Puis j’ai dĂ©couvert Saint Just.

« Tout le monde veut gouverner, personne ne veut ĂȘtre citoyen. OĂč est donc la citĂ© ? » / « Un peuple n’a qu’un ennemi dangereux, c’est son gouvernement » / « Pas de libertĂ© pour les ennemis de la libertĂ©. »

Depuis, je continue de contracter mais trĂšs prudemment.

Que sera demain ? Sur ce blog, j’ai annoncĂ© il y a quelques mois, en dĂ©but d’annĂ©e si mes souvenirs sont bons, que la rentrĂ©e serait terrible. Nous y sommes. Un bras de fer peut s’engager… ou alors ça sera l’accomplissement de ce grand plan qui vise Ă  dĂ©faire la France, Ă  la dĂ©truire. 50 ans que nous subissons une guerre Ă©conomique souterraine, avec la complaisance de ceux qui ont fait de l’argent leur Graal et leur but. Ce pays, son peuple, auront Ă©tĂ© sacrifiĂ©s. Tout ça me rappelle l’incipit de Philip K Dick dans Substance mort (de mĂ©moire, je l’ai lu il y a 30 ans maintenant). Il Ă©voquait le destin de ses amis, tous rattrapĂ©s par les abus de substances illicites. Il rĂ©clamait de la clĂ©mence, il manifestait de la compassion pour leur lĂ©gĂšretĂ©, pour leur insouciance. J’ai l’impression que ce sera ça le bilan, plus tard, quand les historiens reviendront sur cette pĂ©riode. Un peuple qui profitait d’un bonheur, certes imparfait, il ne faut pas non plus cĂ©der Ă  cette idĂ©e qu’hier c’Ă©tait le paradis, mais merde, nous n’Ă©tions pas dans cette mouise abominable qui fait que le systĂšme n’est devenu qu’un repaire de parasites tout Ă  fait prĂȘts Ă  dĂ©truire un peuple, une nation et ses institutions Ă  seules fins de pillage et d’une cupiditĂ© sans fin. L’inconsĂ©quence de notre Ă©lite politique est une insigne preuve d’une trahison organisĂ©e.

Donc, nous allons voir, rapidement, comment les choses vont se passer. De grands soulĂšvements ? Il en faudra plus. Du chaos ? Oui, Ă  minima. Du changement ? Pour du bon, il faudrait casser la baraque, renverser la table. Entre la droite mortifĂšre et la gauche rĂ©trograde, quel espoir rĂ©el peut survenir ? L’Europe va nous dĂ©truire, mĂ©thodiquement, lĂ©galement, la mithridatisation fatale. La grande menace c’est qu’il n’y ait plus de français, juste des individus qui pourront attester ĂȘtre nĂ©s dans une certaine partie du monde, se remĂ©morant vaguement les paroles agressives d’un hymne, le chant d’un monde ancien et barbare, avant l’apogĂ©e dĂ©mocratique.

Il y a ceux qui pensent que la rĂ©volution française ne s’est jamais vraiment achevĂ©e. Il est possible que nous assistions Ă  sa conclusion, peu glorieuse, avec le retour Ă  toutes les inĂ©galitĂ©s passĂ©s. D’une dĂ©mocratie de libertĂ©s nous sommes passĂ©s Ă  une dĂ©mocratie de privilĂšges. L’agora est redevenue la Cour, avec son petit roi soleil qui dĂ©trousse la constitution pour l’incliner dans la position qu’il souhaite et qui lui permet d’en avoir le contrĂŽle.

L’aristocratie qui Ă©tait l’idĂ©e d’un pouvoir exercĂ© par la manifestation de l’excellence a Ă©tĂ© pervertie en devenant une caste d’individus qui accaparent la richesse par le truchement de rĂšgles et de lois aussi iniques qu’injustes. C’est ce qui avait motivĂ© la rĂ©volte et la colĂšre en 1789. La faim oui, mais aussi le sentiment d’injustice. C’est ce que nous vivons Ă  nouveau aujourd’hui. Mais le peuple n’est plus le mĂȘme. Il n’a pas encore vraiment faim, mĂȘme si les banques alimentaires voient les cohortes de demandeurs exploser.

Tout ce qui composait le Tiers-Ă©tat Ă©tait solidaire, en 1789, de sa rĂ©alitĂ© terrible. Nous, nous sommes atomisĂ©s, individualisĂ©s, nous sommes entretenus dans des oppositions autant factices qu’illusoires (il faudrait dĂ©jĂ  parvenir Ă  s’affranchir de cette maudite comparaison sociale, de ce rĂ©flexe Ă  rejeter cet autre qui ne nous ressemble pas). Quand ĂȘtre de la classe « moyenne » ne sera pas un vague moment de fiertĂ©, mais la conscience que cela induit qu’il y ait une strate en dessous mais aussi au dessus. Quand l’idĂ©e mĂȘme que la pauvretĂ© s’impose comme une abomination et non plus une simple banalitĂ©, alors il y a la possibilitĂ© d’un changement car ce sera nous obliger Ă  comprendre qu’il n’est absolument pas possible de crĂ©er un bonheur durable, mais Ă©galement moral, sur le malheur des autres.

A suivre, donc… L’automne sera Sioux ou Apache, en espĂ©rant que l’hiver ne tourne pas Ă  Fort Alamo (et oui, j’aime la culture ricaine, le destin des autochtones devrait un peu nous alerter).

Une rentrĂ©e 2024 dans la rĂ©alitĂ© d’une dĂ©mostasis

OulĂ , qu’il est beau mon titre de billet ! Qu’il est beau mon nĂ©ologisme, qu’il est grec ! Donc, « dĂ©mo », je ne vous ferai pas l’affront de vous soupçonner d’en ignorer le sens, mais « stasis », dixit WikipĂ©dia :

La stasis (du grec ancienÂ ÏƒÏ„ÎŹÏƒÎčς / stĂĄsis, plurielÂ ÏƒÏ„ÎŹÏƒÎ”Îčς / stĂĄseis, « faction, discorde, sĂ©dition »1) dĂ©signe dans la GrĂšce antique une crise politique d’origine sociale et morale procĂ©dant d’un conflit interne Ă  une citĂ©-État sur le fondement d’un dĂ©sĂ©quilibre ressenti dans la rĂ©partition du pouvoir, pouvant mener Ă  la guerre civile.

Nous vivons donc une belle et totale dĂ©mostasis, soit la faillite de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative qui en soi est de toute maniĂšre une belle escroquerie, et ce depuis son Ă©laboration quelque peu opportuniste Ă  un moment crucial qui a vu un changement de paradigme durable et difficilement rĂ©versible. Quand des ĂȘtres humains se mettent Ă  croire en la libertĂ©, c’est difficile de les remettre en cage en leur faisant avaler les couleuvres du droit divin et toutes ces sacralisations bien pratiques pour fixer les choses comme on veut qu’elles le restent. Faire croire Ă  un peuple qu’il aurait le pouvoir en faisant confiance Ă  des reprĂ©sentants qui, naturellement, seraient immunisĂ©s Ă  la corruption du pouvoir et Ă  la tentation d’une mercenaire duplicitĂ©, reste un coup magistral. Mais nous en sommes Ă  un point de tension, Ă  un point de surtension mĂȘme, qui est le prĂ©ambule Ă  une crise systĂ©mique et peut-ĂȘtre mĂȘme idĂ©ologique.

Jamais nous n’aurons autant discutĂ© sur la Constitution, ce texte sacrĂ©, sur le totalitarisme, jamais il n’y aura eu cette interrogation sur la rĂ©alitĂ© d’une dictature, affirmĂ©e ou cachĂ©e. Jamais nous n’aurons senti le retour du harnais autour de nos dĂ©licats coups de bĂȘtes de somme. Recentrons le dĂ©bat sur l’espace de notre hexagone. Le peuple français aura Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© Ă  peu prĂšs tout depuis un demi siĂšcle : rĂąleurs, fainĂ©ants, profiteurs, mĂ©diocres, et mĂȘme carrĂ©ment soupçonnĂ© de dĂ©gĂ©nĂ©rescence. Jamais nous n’avons Ă©tĂ© aussi divisĂ©s, contrariĂ©s, opposĂ©s, flattĂ©s ou mĂ©prisĂ©s qu’Ă  l’heure actuelle. La preuve, nous avons un Parlement reflĂ©tant 3 blocs Ă  l’impossible mixitĂ©. 3 huiles diffĂ©rentes qui refusent de se mĂ©langer et qui surtout, ne le veulent pas. Ainsi, nous arrivons Ă  la terrible vĂ©ritĂ© d’une dĂ©ficience, d’une impossibilitĂ© de gestion par le mouvement politique. Ne reste donc que le salut apportĂ© par la sacrosainte loi, presque naturelle elle-aussi, du marchĂ©. Ah, le marchĂ©… Ce dieu, n’ayons pas peur des mots, qui auto-rĂ©gule tout par les voies sacrĂ©es (elles-aussi) de l’offre et de la demande, les deux archanges de cette pas si nouvelle religion.

J’exagĂšre, mais finalement c’est bien Ă  ça que certains rĂȘvent d’arriver. Un pays ingouvernable devenant une simple rĂ©gion, d’irrĂ©ductibles gaulois, qui ne pouvant trouver le salut dans ses illusions dĂ©mocratiques, va devoir se soumettre Ă  la toute puissance d’une technocratie qui elle ne subit pas toutes ces errances quelque peu improductives.

La volontĂ© politique en France aura Ă©tĂ©, consciencieusement, de dĂ©truire ce qui fait un citoyen pour ne produire que des individus consumĂ©ristes et individualistes. Nous y sommes. Alors, comme l’a si bien Ă©crit Gainsbourg, « quoi ? ». Ce matin, j’Ă©coutais un obscure Ă©ditorialiste vanter un sondage qui veut faire croire que les « français » sont moins dĂ©primĂ©s en cette rentrĂ©e 2024. Sans dĂ©conner ? Donc, que va-t-il se passer ? Depuis deux semaines, je mise sur Cazeneuve, mais il y a un tel feedback nĂ©gatif que ça peut influencer la mascarade Ă  venir. Se foutre de la gueule du peuple, oui, mais avec un peu les formes, le but Ă©tant de faire tenir le petit Ă©difice branlant qu’est devenu notre systĂšme politico-administratif. J’ai entendu les noms de Sarkozy et de Hollande… que dire sinon que j’ai explosĂ© de rire… Hollande, l’ennemi de la finance, ayant intronisĂ© notre suprĂȘme monarque issu du monde de l’adversaire, sans nul doute par dĂ©sir de combattre le mal par le mal (c’est pas vraiment gagnĂ©), pourrait devenir le premier majordome de l’ancien ? Nous vivons une farce, et sincĂšrement, je n’arrive pas Ă  imaginer ce qui va suivre.

Ce qui est dĂ©plorable, c’est bien le vide de l’offre politique actuelle. Nous payons des dĂ©cennies de libĂ©ralisme Ă©chevelĂ©. Des individus sans consistance intellectuelle, des arrivistes qui rĂ©duisent la chose politique Ă  l’application scolaire d’un sophisme de bon ton. MĂ©lenchon, le seul Ă  avoir un peu d’Ă©paules, jouent son ultime coup de Jarnac avec les prochaines prĂ©sidentielles, anticipĂ©es ou non. Le pays est mal, tous les signaux sont au rouge, et personne n’en parle, Ă  part dans les petits mĂ©dias alternatifs qui ne participent pas au narratif qui camoufle le dĂ©sastre. Des diversions sont tentĂ©es, qui ressemblent toutes Ă  des blagues : l’Ă©pidĂ©mie Monkeypox, les faits divers les plus tristes et sordides qui s’alignent jour aprĂšs jour pour nous maintenir dans une fiĂ©vreuse Ă©motivitĂ©, les manifestations sportives et leurs petits shoots d’adrĂ©naline, l’immigration par ci par lĂ … Absolument tout y passe, et pourtant, pourtant, le malaise est lĂ , la colĂšre est froide, les yeux un peu trop cernĂ©s par des nuits qui n’ont pas Ă©tĂ© de fĂȘte mais bien d’angoisse.

J’attends la blague de notre leader suprĂȘme. J’ai peur d’ĂȘtre déçu quand mĂȘme. Il aura toujours Ă©tĂ© surprenant dans sa maniĂšre de foutre le bordel. Pas imprĂ©visible. Quand tu as compris que le but c’est la dĂ©vastation en profitant de l’effet de stupĂ©faction, tu te prĂ©pares. J’aimerais crĂ©er un compteur de roublardise en mettant, Ă  chaque degrĂ© atteint, les points forts de ce dĂ©sastre bi-quinquĂ©nal.

Ah oui, il pourrait y avoir une destitution. SĂ©rieusement, comme si les agents zĂ©lĂ©s d’un systĂšme allaient faire quoi que ce soit pour le changer vraiment. Car c’est ça la terrible vĂ©ritĂ© dans tout ça : il n’y a pas d’opposants et d’adversaires, il y a des bactĂ©ries vivaces qui se disputent les organes d’un mĂȘme systĂšme, le but n’Ă©tant pas qu’il guĂ©risse mais bien d’en sucer la substantifique moelle. AprĂšs, je ne sais pas pourquoi Castet n’aura pas Ă©tĂ© dĂ©signĂ©e, elle n’aurait pas fait long feu. J’ai l’impression que le but c’est jouer la montre un maximum, et dans cette logique lĂ , il n’y a pas de petites Ă©conomies, plus maintenant quand le torchon brĂ»le et menace d’enflammer la cuisine.

Bonne rentrée en Démostasie !

AbracadabrIA

VoilĂ … Vous ĂȘtes plein d’une bonne volontĂ© combative et positive, et paf, alors que vous vous ĂȘtes mis Ă  bosser au petit matin, vous entendez encore un propos admiratif, bourrĂ© de superlatifs, pour nous annoncer, encore, la menace des IA concernant l’avenir de l’Homme. Non, je dĂ©conne. Concernant l’employabilitĂ© de l’homme (avec un petit h qui inclue la Femme) ou plutĂŽt son utilitĂ© dans un monde oĂč il y a des droits mais aussi et surtout des devoirs. Le devoir d’obĂ©ir et de rapporter de la thune car faut pas dĂ©conner, tous ces droits ça coĂ»te cher, comme si vous Ă©tiez nĂ©s pour vous tourner les pouces sur le dos de la glorieuse collectivitĂ© et ses hĂ©ros producteurs et anonymes.

J’y ai cru au(x) IA(s). Je sais, j’aurais toujours ce cotĂ© un peu naĂŻf, cette volontĂ© de croire Ă  fond au tour de magie sans me dire qu’il y a un truc, mais plutĂŽt que j’assiste peut-ĂȘtre Ă  un phĂ©nomĂšne Ă©chappant Ă  la platitude des injonctions de la physique Ă©lĂ©mentaire (aprĂšs, Ă  mes yeux, la physique Ă©lĂ©mentaire c’est de la magie ordinaire, mais je ne m’Ă©garerai pas aujourd’hui Ă  ce sujet – j’ai du boulot !). Donc, au dĂ©but, j’y ai cru. En bref, et pour faire clair, pour ne pas faire comme tous les observateurs qui cĂšdent ainsi aux injonctions de croire sans vouloir comprendre, j’ai cru que des gĂ©nies du dĂ©veloppement informatique avaient rĂ©ussi Ă  coder la crĂ©ativitĂ©, l’inventivitĂ©, que des schĂ©mas d’Ă©laboration intellectuelle et/ou artistique avaient Ă©tĂ© algorithmĂ©s, Ă  coups de grandes Ă©quations complexes Ă©chappant enfin Ă  la tyrannie du fonctionnement binaire.

Il faut dire que me concernant, ça faisait rĂȘver. J’ai littĂ©ralement des dizaines de concepts, d’idĂ©es, de scĂ©narios qui attendent et que je ne pourrais sans nul doute jamais concrĂ©tiser parce que je suis d’une part individualiste et d’autre part car je suis rĂ©aliste. Mais les IA, durant un temps, furent une promesse qui engendra des petites Ă©toiles dans mes yeux gris fatiguĂ©s, qui crĂ©a en moi ces papillons dans le ventre qui font la joie des rĂ©cits Ă©rotiques quand Madame dĂ©voile ses pulsions matinales avec la subtile lĂ©gĂšretĂ© de la mĂ©taphore coprophile. Alors je m’y suis mis, j’ai promptĂ©, j’ai testĂ©, j’ai essayĂ©, j’ai benchmarkĂ© pour reprendre des termes qui maintenant me font sourire plus qu’ils ne m’inspirent. Et au fil du temps, ce sont surtout les limites, les contraintes, allez, osons le mot terrible, les frustrations, qui se sont imposĂ©s Ă  moi, balayant les papillons comme le fait consciencieusement mon chat noir adorĂ© (infatigable machine Ă  gober).

Une fois encore, dans ce monde de mensonges et d’escroqueries, oĂč tacitement les acteurs majeurs d’un systĂšme s’entendent imposer un narratif en lieu et place de la rĂ©alitĂ©, tout ça n’est qu’un tour de magie, la fraĂźcheur de la crĂ©dulitĂ© essorĂ©e. Pillage de droits intellectuels, pillage d’Ɠuvres, processus de confection qui tiennent davantage du bricolage mĂ©thodique que de la confection hĂ©roĂŻque, les IA ne sont qu’un trompe-l’Ɠil de plus dans ce panorama de grugeurs et de petits profiteurs. Oui, si vous n’avez aucune culture gĂ©nĂ©rale, si vous souhaitez juste aligner des mots pour aligner des mots sans chercher, Ă  mon exemple, Ă  jouer un peu avec les possibilitĂ©s de la sĂ©mantique et surtout l’ingĂ©niositĂ© Ă  crĂ©er quelque chose qui dĂ©passe l’Ă©nonciation basique d’une idĂ©e, alors oui, oui, oui, les IA c’est gĂ©nial. Enfin, ça ne reste que de la mise bout Ă  bout de mots rĂ©pondant Ă  une thĂ©matique, mais l’amoncellement de caractĂšres, des petites fulgurances piochĂ©es de ci de lĂ , peuvent vous Ă©baudir et vous troubler durablement. J’avais accompli un test avec ChatGPT (ce que mon esprit retors me force Ă  lire comme LHOOQ) qui avait Ă©tĂ© accablant. Des conneries, des lieux communs, des absurditĂ©s, en bref un niveau d’information, une qualitĂ© d’information totalement nulle. Oui, la syntaxe Ă©tait lĂ , j’avais les yeux moins abĂźmĂ©s qu’Ă  l’accoutumĂ©e en lisant de la prose de rĂ©seau social, mais dans le fond c’Ă©tait faux et surtout dĂ©lirant. DĂ©jĂ , j’ai senti la roublardise de l’outil, qui n’hĂ©site pas Ă  dĂ©clarer avec conviction la plus Ă©norme des conneries. Je me suis dit, alors, victime de ma propre propension Ă  imaginer le meilleur, que ce cerveau mĂ©canique allait grandir et mĂ»rir, oubliant que tout ça ne reste qu’une lutte entre le O et le 1, condamnant cette fameuse intelligence Ă  ne jamais pouvoir sortir de l’orniĂšre fatale de la binaritĂ© crasse (ou manichĂ©isme). Qu’elle pouvait apprendre. De cet instinct paternel qui me colle au karma durablement.

Ensuite, je me suis attelĂ© aux IA de crĂ©ation artistique… encore une fois, avec les meilleures intentions. Je me suis dit que pour mes projets, avoir un petit assistant me ferait du bien, mais j’ai encore bien dĂ©chantĂ©. RĂ©sultats hasardeux, maĂźtrise nulle du processus, et surtout l’obligation de devenir rapido un ingĂ©nieur du prompt (dire que certains imbĂ©ciles se sont gaussĂ© un jour de ma volontĂ© Ă  devenir directeur artistique tandis que tout ce que je crĂ©ais Ă©tait bassement rĂ©munĂ©rĂ© et totalement rĂ©cupĂ©rĂ© par l’entreprise qui se faisait un pognon de fou sur mon dos). Il faut le dire : il y a encore, dans le domaine de l’informatique, cette fascination un peu dĂ©bile en considĂ©rant la plomberie digitale pour autre chose que ce qu’elle est. AprĂšs, quand on voit constamment les mĂȘmes commentaires subjuguĂ©s clamant que l’IA est lĂ  et pouf, plus besoin d’humains, pourquoi se gĂȘner ?

AprĂšs deux ans d’observation, aprĂšs deux ans Ă  tester, je le dis : les IA sont du bluff, de la grosse machine Ă  stocker et traiter de la donnĂ©e. Un savant dosage entre une masse de patern et une masse de lego. L’individu sans crĂ©ativitĂ©, le pur consommateur, y trouvera son compte, car sans fatigue, sans effort, sans rĂ©flexion, sans l’Ă©tincelle qui fait que vous n’ĂȘtes pas qu’une bouche physique et mentale qui ingĂšre sans cesse, il pourra crĂąnement se dire qu’il faut aussi bien que l’individu qui aura suĂ© (mais quel crĂ©tin) pour produire ce que quelques mots savamment ordonnĂ©s auront rĂ©alisĂ©. Les IA, en cela, sont encore une fois la dĂ©monstration patente d’une dĂ©gĂ©nĂ©rescence Ă  la fois morale et intellectuelle, pour ne pas dire existentielle. Car ces IA ne sont, Ă  l’arrivĂ©e, qu’un mĂ©canisme d’exploitation supplĂ©mentaire.

Un processus de protection des droits Ă  la propriĂ©tĂ© intellectuelle va se renforcer. Et il sera salutaire pour beaucoup de redescendre sur terre. Il faut arrĂȘter d’utiliser le terme « intelligence » lorsque le processus moteur est celui d’un assemblage vulgaire. Il n’y a pas une once de rĂ©flexion, pas une once d’autonomie, de crĂ©ation, dans le processus. Juste une base de donnĂ©es avec la colonne « Ɠil » et une zone d’assemblage avec une dĂ©limitation prĂ©cise oĂč placer la fameuse donnĂ©e, de part d’autre de la zone « nez ». AprĂšs, du croisement dynamique, du filtre, un petit script pour les transitions, une variable pour l’homogĂ©nĂ©itĂ©. Ok, c’est quand mĂȘme du boulot, Ă  concevoir, Ă  coder, Ă  rendre viable. Mais ce n’est pas de l’intelligence. C’est encore une fois de la plomberie, ni plus ni moins. Et un tuyau c’est beau, mais ça reste qu’un putain de tuyau, et une plomberie une putain de plomberie. Il vous est tout de mĂȘme permis de vous Ă©berluez devant la beautĂ© sobre et pur d’un bidet finement stylisĂ©, ce n’est pas Ă  moi de tyranniser vos goĂ»ts.

Allez, je retourne Ă  mon boulot… et dire que durant un temps j’ai eu l’illusion de croire que ces outils pouvaient me faire gagner du temps. LĂ , dans le processus de crĂ©ation artistique, ces IA pourraient s’avĂ©rer utiles… non pas en pillant les artistes mais bien en les aidant Ă  crĂ©er, en facilitant tous les processus souvent astreignants qui demandent du temps. Mais il y a tellement moins de pognons Ă  se faire, que je n’imagine mĂȘme pas que ce petit miracle ait lieu. Attention, je ne dis pas que ces outils ne sont pas utiles. Je dis juste qu’il faut faire la part des choses. Comme l’a si bien dit le Christ, rendre Ă  CĂ©sar ce qui appartient Ă  CĂ©sar… et s’il faut commencer Ă  rĂ©munĂ©rer les artistes qui abondent les bases de donnĂ©es actuelles, c’est clair que l’opĂ©ration sera d’un coup beaucoup moins rentable et donc immĂ©diatement sabordĂ©e.

Sick of themselves

Un titre un peu malicieux mais j’Ă©voque en filigrane mon Ă©tat maladif du jour, renvoyant vers le malaise, sensible, dans notre bonne vieille sociĂ©tĂ© française. J’aurais passĂ© un Ă©tĂ© particuliĂšrement intense, avec une hyperactivitĂ© encore davantage accrue par une santĂ© qui ce jour, exceptionnellement, me fait donc dĂ©faut. Impotent, affalĂ© sur mon canapĂ©, les poumons irritĂ©s par je ne sais quel mal qui m’aura chopĂ© au dĂ©tour d’une inspiration fatale, je me suis donc dit que l’occasion Ă©tait belle d’Ă©crire pour Ă©crire.

La pĂ©riode reste fascinante bien que profondĂ©ment tragique. Je ne sais mĂȘme pas par quoi commencer le diagnostic du jour. Un prĂ©sident en roue libre, Ă  la roublardise flirtant avec le trouble psychiatrique, une Ă©conomie en Ă©tat de mort cĂ©rĂ©brale dont le corps peu Ă  peu pourrit par la tĂȘte, tout donne l’impression d’ĂȘtre embarquĂ© sur un version moderne du Titanic, avec une belle vision de l’iceberg se profilant Ă  l’horizon.

Quitte Ă  faire un peu de philosophie de boudoir (je ne vais jamais au bar, je ne peux donc m’acquitter de celle de comptoir), tout donne l’impression que l’immense fiction qui nous sert de rĂ©alitĂ© est en train de se dĂ©liter doucement, mais sĂ»rement. Cet Ă©tĂ© aura donc Ă©tĂ© une sorte de rĂȘve Ă©veillĂ©, une euphorie malsaine, avec des Ă©tats orgasmiques commentĂ©s autour du sport, avec des moments colĂ©riques en voyant des idĂ©ologies d’une prĂ©tendue modernitĂ© s’imposer au petit et toujours fasciste peuple qui ne veut pas s’embarquer pour un monde de demain qui ressemble cyniquement aux tristes dĂ©cadences antiques. Personnellement, j’aurais Ă©normĂ©ment travaillĂ© et du coup je dois avouer que j’ai assistĂ© Ă  tout ça avec une nonchalance presque surprenante vu ma continuelle propension Ă  l’indignation. Je pense surtout que j’ai enfin admis que je ne pouvais pas influer sur tout ça, je me suis rĂ©signĂ© Ă  regarder les ĂȘtres autour de moi se prendre des murs, trop occupĂ© Ă  encaisser les miens.

Souvent, je plaisante avec mes enfants sur cette idĂ©e que depuis ma naissance j’essaie de survivre au milieu des zombies. Tout me semble lent, tout m’a toujours semblĂ© lent, et pour dĂ©fouler cette immense Ă©nergie qui est ma nature, j’aurais passĂ© l’essentiel de mon existence Ă  m’agiter, Ă  agir, Ă  bosser, Ă  crĂ©er, Ă  dĂ©truire et reconstruire, sans m’arrĂȘter, sans me dire un jour que tout ça finalement ne servait Ă  rien. Mais cet Ă©tĂ© j’ai appris Ă  ralentir, Ă  me poser, Ă  attendre, Ă  rester dans le silence ou le noir. Non, je ne me contredis pas, j’ai bien passĂ© un Ă©tĂ© Ă  bosser comme un dingue. Mais sans m’Ă©puiser, sans chercher le harassement pour trouver le repos dans l’Ă©tourdissement de la fatigue. J’ai mesurĂ© l’effort, j’ai veillĂ© Ă  ne pas trop m’en demander, j’ai gĂ©rĂ© l’Ă©nergie pour ne pas la subir comme une oppression mais en cherchant Ă  la canaliser. Du coup, alors que je suis dans une sorte d’Ă©lan constructif et positif, tout ce qui se passe Ă  l’extĂ©rieur me semble comme une entropie sur laquelle je sais n’avoir aucune prise. Me reste le commentaire, l’honnĂȘtetĂ© de reconnaĂźtre ma totale impuissance et la solitude de ma posture.

Comment s’intĂ©resser Ă  la politique quand l’offre actuelle est d’une nullitĂ© navrante ? Entre une gauche championne de la vertu autosatisfaite et la droite dĂ©fenderesse d’un ordre qui se rĂȘve idĂ©al, il n’y a rien que de la posture, de l’imposture et de la forfaiture. Petite pensĂ©e pour Aubry et son accolade avec Ursula. Petite pensĂ©e pour les souverainistes qui se renvoient la balle dans une sorte de partie de ping-pong puĂ©ril qui ne crĂ©e rien qu’une chimĂšre de plus dont il ne sortira qu’un murmure lĂ  oĂč il faudrait un cri puissant. Que dire de Macron ? Il incarne l’absurditĂ© d’un systĂšme qui se ment Ă  lui-mĂȘme, et bien plus grave, qui ment Ă  son peuple. Un peuple coupable de se laisser traiter comme du bĂ©tail, et bien que de plus en plus de personnes comprennent et voient vers quoi nous allons, nous sommes pris et captĂ©s par la masse immense des complaisants, des passifs, des pensifs, des complices, des soumis, des lĂąches, qui vont voter comme de bons petits robots pour des sophistes qui bombent le torse en invoquant la grande idĂ©e rĂ©publicaine, chose aussi informe et floue que le brouillard le plus spectral (jouez Ă  Enshrouded !).

Peut-ĂȘtre que ces mots peuvent induire, de ma part, une forme de mĂ©contentement, une sorte d’irritation, une trace d’amertume. Je suis davantage dans la rĂ©signation. A force de lire de la sagesse chinoise au dĂ©tour d’une friandise emballĂ©e, je consens Ă  lĂącher prise. Les poings fermĂ©s et tendus, j’ai fini par m’apercevoir que la corde n’y Ă©tait plus, et depuis longtemps. Il fallait donc que j’arrĂȘte de tirer sur la mienne. J’attends, donc, j’observe et je m’informe, je ne me mĂȘle pas, je reste silencieux, ce qui, pour ceux qui me connaissent, est en soi un exploit de taille.

Comme une ironie que seule l’Ă©criture peut crĂ©er comme l’araignĂ©e tissant une toile fatale, j’en reviens, je boucle, avec mon titre. Il Ă©voque un film rĂ©cent que j’invite Ă  dĂ©couvrir, avec une jeune femme qui se dĂ©truit par un terrible dĂ©sir d’attirer l’attention, jusqu’Ă  la folie, jusqu’Ă  la destruction de sa chair et de son esprit. Je n’ai pas envie d’en arriver lĂ . Je ne veux pas que les zombies finissent par me choper et me bouffent le cerveau. Il aura fallu un jour de maladie pour que j’Ă©crive tout ça, mais paradoxalement je me sens en paix avec moi-mĂȘme.

Bonne rentrée (sinon) !

La tension de l’implosion

Bon… j’ai beaucoup trop de boulot mais l’actualitĂ© politique est tellement dense et explosive que je ne peux pas venir m’Ă©pancher sur mon blog pour analyser, de mon petit point de vue, ce qui se passe… Quelle pĂ©riode folle que nous vivons ! Il y a un basculement, au niveau national mais aussi mondial, et notre pays symbolise parfaitement cette tension, palpable, sensible, que les Ă©vĂ©nements, que les manigances politiques, accompagnent autant qu’elles engendrent.

DĂ©jĂ , la rĂ©alitĂ© du Parlement… J’ai essayĂ© d’expliquer Ă  ma fille, qui commence Ă  s’intĂ©resser Ă  la chose politique, l’erreur de ne mesurer les forces qu’avec le filtre bipolaire gauche/droite. Le recours permanent Ă  l’analogie historique contribue pour beaucoup Ă  maintenir une illusion idĂ©ologique alors que le vĂ©ritable moteur des intĂ©rĂȘts est Ă  prĂ©sent purement Ă©conomique, voire prosaĂŻquement financier. Il faut arrĂȘter cet aveuglement qui consiste Ă  imaginer nos animaux politiques poursuivre un quelconque idĂ©al sociĂ©tal… Tout repose sur la maniĂšre dont est partagĂ©e, rĂ©partie pour ĂȘtre plus prĂ©cis, la richesse. Et lĂ , le Parlement actuel rĂ©vĂšle des logiques qui ne laissent pas trop de place Ă  un quelconque espoir pour ceux qui sont le plus dĂ©munis, les plus oubliĂ©s… et je pense notamment aux Ă©lecteurs du RN qui ne sont pas majoritairement des fascistes mais bien des ĂȘtres humains faillibles, dĂ©sespĂ©rĂ©s, en colĂšre, perdus et enfumĂ©s par des mĂ©dias trĂšs complaisants qui abusent de leur capacitĂ© de manipulation. Donc, ce Parlement ne compte qu’une centaine d’insoumis, face Ă  tout le reste qui veut et va entretenir le systĂšme actuel. Ce n’est pas pour rien si notre monarque suprĂȘme vient de dĂ©clarer qu’il nommerait un Premier tyran, pardon, ministre, aprĂšs le vote pour le prĂ©sident de l’AssemblĂ©e. Ce qui sortira de tout ça sera Ă  l’Ă©vidence un compromis, donc au pire la sortante (mais trĂšs bon symbole de la tĂ©tanie systĂ©mique) au mieux De Courson qui serait tout du moins un arbitre un peu habitĂ© par ses responsabilitĂ©s (mais ne soyons pas trop naĂŻf quant Ă  sa capacitĂ© Ă  enfreindre la rĂšgle pour le bien du peuple, un tout petit peu le fond de tout ce fatras ludico-rĂ©glementaire). Mais Ă  la fin, quoi qu’il en soit, entre la venue trop retardĂ©e de la proposition d’un premier ministrable du NFP qui rĂ©vĂšle de la faille, de la rupture, entre deux idĂ©es de ce que doit ĂȘtre la Gauche, et les manƓuvres pathĂ©tiques d’un prĂ©sident qui s’adresse par l’entremise de « lettres » Ă  son peuple, rĂ©vĂ©lant le recours Ă  la manigance (mais pas que ça : il y a de la peur, il y a de la fuite, il y a cette sensation de pousser le bouchon Ă  un point qui effraie un peu), ce Parlement est dans sa grande majoritĂ© Ă  droite. Et par cela je ne dis pas qu’il y ait une quelconque idĂ©ologie qui unissent tous les partis, mais bien une idĂ©e de la rĂ©partition de la richesse produite par le peuple. Une richesse qui veut que les capitaux soient abondĂ©s sur le dos d’un peuple destinĂ© Ă  turbiner pour ce noble but.

L’implosion est inĂ©vitable. Que ce soit avec l’Europe qui veut nous dresser Ă  coups d’amendes alors que c’est la France qui abonde magistralement ses caisses, ou les rĂ©sultats calamiteux de la politique Ă©conomique de ce qui apparaĂźt avec le temps comme un incompĂ©tent ou un illuminĂ© (je n’ose Ă©voquer la traĂźtrise volontaire), la situation est terrible. La France est dĂ©vastĂ©e, gĂ©rĂ©e par un centralisme et tout un poulailler culturel qui avec une insouciance coupable, ont bĂąti leur bonheur sur la misĂšre de leurs concitoyens en province. Que dire quand on regarde chaque rĂ©gion de notre pays Ă  la loupe ? Que dire quand l’horizon est aussi sombre que la politique actuelle nous donne Ă  constater ?

A l’Ă©vidence, le choix aura Ă©tĂ© fait de dĂ©truire ce qui faisait un peuple. Nous avons Ă©tĂ© atomisĂ©s, consciencieusement, nous avons Ă©tĂ© rĂ©duits Ă  n’ĂȘtre que des individus isolĂ©s et incapables de nous unir vers et pour un but commun. Nous avons Ă©tĂ© encouragĂ©s Ă  poursuivre un individualisme prĂ©dateur qui fait que l’autre est soit un ennemi soit une chose Ă  exploiter. Il y a une rĂ©elle faillite morale dans tout ça, avec en principale responsable la tĂȘte de pont politique. Quand Jean-Luc MĂ©lenchon est indĂ©niablement la seule figure politique qui conserve des Ă©paules et une rĂ©elle valeur (je n’ai pas osĂ© parlĂ© d’un « capital ») culturelle, c’est Ă  la fois dĂ©concertant et dĂ©primant. Dans le fond des choses, il n’y a aucune proposition novatrice qui ressorte de tout ce bordel politique. PrĂ©senter la France Insoumise comme une force du chaos ou, avec un peu de vernis, de la rĂ©volution, est une farce. Nous n’avons qu’une horde de rĂ©formistes qui veulent ajuster le systĂšme Ă  la marge. Sauf que c’est bien une page qui se tourne, alors la marge elle se fout bien de notre gueule.

De cette inconscience, de ce narratif entretenu, soigneusement maintenu comme seule stratĂ©gie de gouvernance d’un systĂšme qui vit aux dĂ©pens d’un peuple comme des parasites n’ayant comme seule ambition de se nourrir jusqu’Ă  ce que la bĂȘte soit exsangue, il ne sortira rien de bon. Ce futur Parlement, qui va dĂ©cevoir tellement de gens, de droite ou de gauche, qui espĂšrent sincĂšrement (ou dĂ©sespĂšrent, Ă  mon instar) un changement positif, va incarner pleinement la faillite de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative. Macron a annoncĂ©, avec des termes feutrĂ©s, doucement introduits comme tout ce qui pĂ©nĂštrent les zones sensibles, qu’il allait se pencher sur ces questions constitutionnelles. C’est la derniĂšre Ă©tape d’un implacable retour Ă  la fĂ©odalisation soit le dĂ©sĂ©quilibre institutionnalisĂ© des forces par une hiĂ©rarchie sociale acceptĂ©e. Que reste-t-il de notre peuple, de ce conte pour enfants qu’est la France ?

La rentrĂ©e va ĂȘtre terrible, mais cet Ă©tĂ© ne le sera pas moins. 600 dĂ©crets passĂ©s en lousdĂ©, un Parlement qui va commencer un sophisme industriel pour nous expliquer que « nous n’avons pas le choix ». La marmite qui commence Ă  chauffer comme il faut, faisant que les grenouilles clamsent peu Ă  peu mais sĂ»rement. ClĂ©ment Viktorovitch qui invite Ă  la crĂ©ation d’une nouvelle Constituante, projet autant fantasque que cette idĂ©e de parler Ă  un peuple via le mĂ©dium fourni par un GAFAM… Tant que le constat liminaire ne sera pas de comprendre que la dĂ©mocratie reprĂ©sentative repose sur la rĂ©alitĂ© d’une ploutocratie, nous continuerons Ă  nous comporter comme des enfants turbulents auxquels il suffit de raconter une belle histoire pour taire toute vellĂ©itĂ© de changement.

Tant que nous estimerons que nous y sommes, Ă  l’acmĂ© de ce qui peut se faire en terme de gouvernance, tant que nous continuerons Ă  adorer cette fameuse dĂ©mocratie reprĂ©sentative comme une chose irrĂ©futable, comme un processus fonctionnel et salvateur, nous serons piĂ©gĂ©s dans cette logique sisyphienne qui veut que nous attendions un espoir avec autant de chance qu’arrive un messie cosmique. Ce n’est pas impossible, mais c’est vraiment faire reposer son destin sur un coup de dĂ© Ă  mille faces.

Certains commencent Ă  dĂ©noncer la rĂ©volution de 1789 comme une rĂ©volution bourgeoise. Soit. Mais comme toujours, il faut aussi ne pas se perdre dans le manichĂ©isme coupable. C’est bien des ĂȘtres Ă©duquĂ©s, des ĂȘtres cultivĂ©s, des ĂȘtres idĂ©alistes qui ont aussi insufflĂ© ce qui fait la beautĂ© des valeurs, d’une volontĂ© humaniste inscrite encore sur certains frontons de nos monuments. La seule rĂ©volution qui peut changer les choses doit ĂȘtre culturelle et philosophique. Refuser le destin d’ĂȘtre rĂ©duits Ă  des animaux dont on attend que d’ĂȘtre dominĂ©s, et donc manipulĂ©s, par nos bas instincts, nos humeurs et nos Ă©motions. Sortir de l’enclos du narratif Ă©crit pas des intĂ©rĂȘts privĂ©s pour Ă©crire celui d’une sociĂ©tĂ© qui se voudrait Ă  nouveau unie et solidaire. Hier, ma fille me disait, suite aux Ă©vĂ©nements de ce WE, que les ricains Ă©taient un peuple de tarĂ©s. Je lui ai rĂ©pondu que c’est le systĂšme et son idĂ©ologie qui engendre les nĂ©vroses dans un peuple… et qu’il fallait arrĂȘter de considĂ©rer que nous puissions ĂȘtre diffĂ©rents vu l’amĂ©ricanisation de notre pays, en nette accĂ©lĂ©ration Ă  la chute du mur de Berlin. En bref, et pour faire dans le brutal et le violent (soyons un peu redneck), sommes-nous encore français, ou sommes-nous devenus des amĂ©ricains ? Qu’est-ce que l’AmĂ©rique (un terme en soi qui nĂ©cessiterait tout un dĂ©veloppement tant il porte en lui-mĂȘme une histoire et une escroquerie), les Etats-Unis pour ĂȘtre plus prĂ©cis ? Un ensemble de petits pays dirigĂ©s par une Ă©lite ploutocratique qui fait croire Ă  un destin commun, Ă  l’idĂ©e d’une compĂ©tition civilisationnelle. Si tu remplaces l’AmĂ©rique par l’Europe, tout s’Ă©claire et tout est simple.

Par ailleurs les restaurants Ă  base de burgers ont vu exploser leurs bĂ©nĂ©fices l’annĂ©e derniĂšre. S’il est possible de dĂ©finir l’idĂ©ologie dominante d’un peuple par ses choix alimentaires, nous y sommes aussi. Est-il possible de se dĂ©gager de l’Ă©treinte fatale de la sirĂšne burger, symbole alimentaire de l’artificialitĂ© de nos sociĂ©tĂ©s ? Difficile Ă  dire, mais entre une blanquette de veau et un machin tri-protĂ©inĂ© (bacon/poulet/fromage), mes gosses ont depuis longtemps fait leur choix. Qu’y puis-je ? Rien, c’est Ă  eux de vouloir autre chose et pour leur dĂ©fense on ne leur propose que ça Ă  la carte du menu.

Allez, une grosse demi-heure à écrire (mais ça défoule), retour au boulot, surtout que ça va pas tarder à chauffer sec.

L’impasse idĂ©ologique

Bon… ce matin j’essaie de bosser mais il y a des fois oĂč je suis dans des phases d’intenses turbinages intĂ©rieurs et c’est pas Ă©vident d’ĂȘtre bassement, mais pragmatiquement, productif. Avant de venir ici, j’ai rĂ©alisĂ© un petit boulot de planification… mais Ă  force d’Ă©couter les analyses et les commentaires de la chose politique (ne pas mettre les mĂ©dias en marche en bossant), une fois encore je viens me perdre dans ces horizons arctiques car voilĂ , crĂ©ature de Frankenstein oblige.

J’Ă©coute tout, comme toujours. La gauche, la droite, le centre mou, et tous ceux qui ne sont pas dans ces polaritĂ©s mais bien dans le navire qui tangue, tangue, tangue, et qui n’a pas du tout fini de tanguer (ça va mĂȘme trĂšs trĂšs secouer dans trĂšs peu de temps).

Nous en sommes Ă  la phase des espoirs et des promesses, de la digestion des dĂ©ceptions et des amertumes prophĂštes d’un avenir sombre. Mon petit point de vue c’est que de toute maniĂšre nous sommes dans une impasse, et plus profondĂ©ment que simplement choisir un camp, nous nous retrouvons dans une impasse idĂ©ologique. Que ce soit Ă  gauche ou ailleurs, tout repose sur des schĂ©mas archaĂŻques oĂč germent en eux-mĂȘmes les semences du problĂšme. Ce que tout un systĂšme promeut, le seul point du consensus qui nourrit la validation mĂ©diatique, c’est la nĂ©cessitĂ© d’un productivisme qui transforme l’individu honteux en travailleur glorieux. Il y a lĂ  la base d’une errance oĂč il est facile, si tentant, de se perdre. Oui, il est si bon de participer Ă  cette synergie collective, il est si bon de faire partie du corps avec la sensation d’en ĂȘtre un organe vibrant et actif. Oui, je sais, j’ai nourris mes propres chimĂšres avec cette passion que je nourris pour le travail qui me pousse par ailleurs Ă  Ă©crire ces lignes plutĂŽt que me distraire ou m’Ă©vader dans des activitĂ© ludico-productive (ça y est, j’ai dĂ©cidĂ© de me lancer dans l’Ă©criture d’un ouvrage dont j’ai achevĂ© le plan). Mais lĂ , le (bon) vouloir ne va pas suffire. Nous nous Ă©croulons sur nous-mĂȘmes, nous nous agitons et nous remuons du vide pour le vide. Jamais nous n’aurons Ă©tĂ© dans une sorte de bavardage intense dans une tentation lancinante de l’obsession stĂ©rile. Y en a des obsessions qui reviennent dans les dĂ©bats, par ailleurs : le mĂ©chant MĂ©lenchon, la dette menaçante, le machiavĂ©liste prĂ©sident, l’impuissance politique et Ă©conomique, le reste du monde qui nous rappelle constamment Ă  quel point nous sommes petits et si nĂ©gligeables. Tout nous rappelle constamment que l’apocalypse arrive et que ça va ĂȘtre dur comme la pointe d’un diamant qui pĂšte celui qui rutilait avant.

Il y a un petit bruit derriĂšre tout ça, il y a un petit bruissement d’Ă©nergie et d’envie qui circule dans des petits canaux isolĂ©s mais qui commencent Ă  s’irriguer entre eux. Dans ces corridors souterrains qualifiĂ©s souvent de complotistes par une bonne pensance trĂšs installĂ©e, il y a de l’ambition et quoi qu’on en dise une saine volontĂ©. Des gens qui rĂȘvent de leur pays, qui veulent retrouver le bonheur collectif comme but sociĂ©tal et politique. Des gens qui rĂȘvent de justice et d’un mouvement qui tendrait non Ă  tenir les meubles d’une baraque qui s’effondre, mais bien proposer un retour Ă  l’ambition d’un pays qui se veut pays et non petit atome d’un tout qui le rend infime et dĂ©risoire, qui le pille tout en le dĂ©nigrant consciencieusement. Hier soir j’Ă©coutais donc la rencontre jubilatoire de Pierre-Yves Rougeyron du Cercle Aristote et Yohan du Canard rĂ©fractaire, arbitrĂ© par un Idriss Aberkane jovial. Bonheur de voir des bords se rejoindre non pour s’invectiver dans une logique binaire mais bien s’Ă©couter pour se rejoindre dans une idĂ©e commune d’un avenir commun. Je sors, personnellement, rincĂ© de ses Ă©lections lĂ©gislatives. Je parle Ă  mes voisins, certains votant RN. Ce ne sont pas des fascistes, ce ne sont pas des salauds ou des racistes. Oui, je sais, ne sombrons pas dans l’angĂ©lisme, mon travers par ailleurs, il y en a car la haine pathologique est aussi rĂ©elle que la candeur coupable. Mais une fois encore rĂ©duire le dĂ©bat Ă  un combat manichĂ©en avec la crĂ©ation trĂšs opportune d’un Front RĂ©publicain qui demeure en lui-mĂȘme l’incarnation de la fracturation d’un peuple, est une errance insupportable. Cet abus de la rĂ©fĂ©rence historique pour asseoir une pensĂ©e vide, pour camoufler le manque d’inspiration, le besoin d’en trouver dans un passĂ© qui nous a fait connaĂźtre l’hubrys ultime d’un conflit mondial particuliĂšrement destructeur, est consternant.

Ce matin, un commentateur (sur Tocsin) Ă©voquait la mĂ©diocritĂ© du personnel politique. Soit. Qu’attendre dans une sociĂ©tĂ© de la jouissance qu’une succession d’apparatchiks qui jonglent avec le lexique de la sophistique Ă©lĂ©mentaire ? Il y a quelque chose de fascinant Ă  voir ce combat pour la dĂ©mocratie menacĂ©e par la bĂȘte immonde. Ils y croient les bougres, ils s’enfiĂšvrent et s’angoissent en imaginant des dĂ©filĂ©s d’uniformes bruns dans des champs ElysĂ©es relayant l’imagerie d’une sociĂ©tĂ© napolĂ©onienne croisĂ©e avec un fascisme du dĂ©but XXĂšme. Nous sommes dans un ancien monde qui meurt et nous emporte avec lui, comme l’Ă©cume prise dans un siphon implacable.

Outre Atlantique, un vieux monarque dĂ©voile sa triste obsolescence, symbole involontaire et tragique d’un systĂšme incapable de lĂącher prise. LĂ -bas aussi, il y a une stratĂ©gie du pourrissement. C’est sans nul doute la seule qui reste une fois tous les abus consommĂ©s. Quand tout est construit sur la base mouvante et mourante de l’exploitation d’autrui, les recours ne sont pas nombreux. J’ai abordĂ© ici, Ă  maintes reprises, la tentation de la verticalisation. Pour le coup, l’Histoire regorge de rĂ©vĂ©lations quant Ă  l’avenir de ce type de construction sociale… une tĂȘte malade ne rend jamais un corps sain qui comme une hydre pragmatique choisit un jour d’en changer. Dans l’espoir d’avoir enfin la bonne tĂȘte qui le guide et le nourrit au lieu de s’enfler Ă  ses dĂ©pens. Il y a quelque chose de rĂ©solument pathĂ©tique, et il faut le dire, mĂ©prisable, que ce dĂ©sir de jouir de ce que l’on extorque Ă  l’autre. Il y a de la psychopathie et de la sociopathie a prendre tout en prĂ©textant que celui d’en dessous, quoi qu’il en soit, ne le mĂ©rite pas. Comme le disait Georges Kusmanovic suite au rĂ©sultat de ces Ă©lections, il y a de la fable de La Fontaine dans tout ça. La grenouille qui se veut plus grosse que le boeuf et tout ça.

Nous nous dĂ©battons dans des vieux schĂ©mas, nous nous suffisons des vieilles, si vieilles, modĂ©lisations. Le marxisme Ă©tait une analyse brillante, il est vrai… mĂȘme si elle Ă©tait le suc d’un systĂšme qu’elle croyait dĂ©noncer. Je sais, vous me direz que nous sommes de toute maniĂšre pris comme dans une toile d’araignĂ©e par le train aliĂ©nant de la globalisation. Ce n’est pas que la France qui subit tout ça, c’est bien le monde entier. Absolument tous les peuples sur le globe sont en train de subir un destin commun, une logique commune. Et quand un pays comme le notre, qui a pourtant tous les moyens d’une rĂ©elle autonomie, se met dans la triste position de la pure dĂ©pendance, que faire et que dire ? Que penser, que vouloir, que dĂ©sirer, qu’espĂ©rer, sinon trembloter dans son coin en priant pour que les demains ne soient pas aussi terribles qu’on les annonce.

Ils le seront. Une fois la farce actuelle Ă©ventĂ©e, une fois les illusions des lendemains de cuite dissipĂ©es, le rĂ©veil sera brutal et dur. Pour beaucoup, c’est dĂ©jĂ  le cas. Ce n’est pourtant pas une fatalitĂ©. Mais ça demande Ă  chacun d’entre nous de rĂ©sister, de ne plus accepter des rĂšgles et des visions du monde, et de nous-mĂȘmes, qui nous aliĂšnent et nous empĂȘchent. De ne plus ĂȘtres des petits hommes (et femmes) rĂ©duits Ă  une animalitĂ© consommĂ©e. Quand les peuples comprendront qu’ils sont traitĂ©s comme du bĂ©tail, quand arrivera cette prise de conscience, les choses pourront changer. Mais pour cela, il est vrai que nous devons aussi ne plus endosser le rĂŽle avec une docilitĂ© dĂ©concertante. Une pensĂ©e pour tous ceux qui sont pris dans l’inertie implacable de l’apathie ou de l’inconscience. Je repense encore Ă  cet argument d’une injustice parfaite dĂ©livrĂ© par ce qui est sacralisĂ© dans nos sociĂ©tĂ©s comme le symbole de Justice (ce qui en soi est trĂšs rĂ©vĂ©lateur) : la turpitude. Tout ce cirque est permis voire bĂąti sur cette idĂ©e, sur cette volontĂ©, sur cette attitude. Que de passivitĂ©, que d’acceptation, que d’allant Ă  valider les raisonnements toujours rĂ©ducteurs des Ă©lites condescendantes, si coupables d’ĂȘtre indigne de leur position, de leur prĂ©tendu surplomb tant moral qu’intellectuel. Qu’attendre d’une sociĂ©tĂ© oĂč la vanitĂ© n’est plus une honte mais une mĂ©daille ? Qu’attendre d’un systĂšme oĂč l’indignitĂ© est dans la faiblesse et non dans l’expression d’une domination Ă  la fois brutale et perverse ?

Vraiment, essentiellement, il faut remplacer le kratos par l’ethos. Nous devons vouloir ce changement, nous devons refuser cette sacralisation qui installe un monde figĂ©, dĂ©lĂ©tĂšre et sans issu. Oui, il y a une rĂ©volution Ă  faire, pas dans les rues, pas en surface, mais intĂ©rieure, profonde. Il faut repenser les bases, ne pas se contenter d’un but contraint Ă  un systĂšme prĂ©-existant, mais bien vouloir tendre vers une aspiration Ă  la fois collective et ambitieuse. Une premiĂšre brique Ă  la grande et nouvelle bĂątisse : la nĂ©cessitĂ© premiĂšre de la Justice Ă©lĂ©mentaire et de la solidaritĂ© glorieuse. Ne pas limiter la philanthropie Ă  un don financier dĂ©ductible des impĂŽts. Comprendre que toute richesse excessive ne se permet et ne se crĂ©e que dans la spoliation et l’acceptation d’une inĂ©galitĂ© systĂ©mique.

Oui, je sais, c’est chiant, ça fait de la soupasse philosophique, mais c’est ça qu’il faut pour penser un monde meilleur. Les commentaires et les convictions personnelles ne feront que de la tuile de paille qui n’empĂȘchera pas la grĂȘle de tout casser. Le vrai dĂ©fi repose peut-ĂȘtre entre la bestialitĂ© d’une sociĂ©tĂ© des Ă©motions aussi fragiles et manipulable et celle d’une peuple rationnel qui ne s’interdit jamais d’interroger la moindre certitude qui crĂ©e les profondes inĂ©galitĂ©s qui le torture ? Quoi qu’il en soit, et en conclusion, les idĂ©ologies actuelles ne sont que des impasses : pour en sortir il faut peut-ĂȘtre aller au bout de la pente, il faut la dĂ©valer pour en constater l’angle perfide. La France demeure le pays possĂ©dant symboliquement le capital nĂ©cessaire Ă  l’Ă©laboration d’un nouvel idĂ©al. Mais il ne se fera pas en recyclant sans fin les modĂ©lisations d’un passĂ© rĂ©volu, en se figeant dans une vision archaĂŻque des sociĂ©tĂ©s humaines, condamnĂ©es Ă  l’injustice et Ă  la seule condition d’un « kratos » qui suppose implicitement un maĂźtre… et un soumis.

Un point de bascule

Quelques jours avant le second tour des législatives et dans les médias les projections et les Cassandre(s) se disputent toutes les théories et les analyses concernant la suite des événements.

J’ai Ă©crit moult billets depuis quelques semaines qui pourrissent dans la section des brouillons de ce site. Dans l’un d’entre eux je me risquais Ă  la mĂ©taphore en disant simplement que pour retrouver la santĂ© tous les rĂ©gimes possibles ne sont guĂšre utiles lorsque vous vous trouvez dans un bolide dont vous n’avez pas le volant. Mais Ă  vrai dire, je pense que le problĂšme politique, dĂ©mocratique, Ă©conomique que nous traversons est, dans la configuration systĂ©mique qui est la notre, insoluble.

Ce matin, j’Ă©coutais un fervent dĂ©fenseur de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative… D’ordinaire, je suis davantage habituĂ© Ă  ceux qui la souhaiteraient davantage participative. Nous sommes dans un moment de tumulte pendant lequel chacun donne son opinion, sa vision des choses, sa solution, son remĂšde, son expĂ©dient. Quoi qu’il se passe dimanche, nous serons dans la continuitĂ© d’une phase de rĂ©vĂ©lation qui s’est entamĂ©e Ă  l’issue des Ă©lections prĂ©sidentielles en 2022. Il n’y a pas de mouvement rĂ©volutionnaire en marche, il n’y a, de gauche comme de droite, en exceptant de traiter chacun d’extrĂȘme, qu’une molle intention rĂ©formiste.

Quelle chose merveilleuse que la rĂ©forme. Allez, perdons quelques secondes prĂ©cieuses Ă  analyser le mot. Re-former, en rĂ©sumĂ©, donner une nouvelle forme Ă  une chose qui nĂ©cessitait d’en changer. Ce qui m’amuse toujours avec la rĂ©forme, c’est qu’elle contient en elle, par un abus dogmatique, l’idĂ©e qu’elle est toujours un progrĂšs. SĂ©rieusement. Et dans notre systĂšme au sophisme triomphant, la rĂ©forme devient un levier puissant pour valider une idĂ©e sans vraiment faire la dĂ©monstration des arguments. C’est comme ça que depuis des annĂ©es ont Ă©tĂ© dĂ©tricotĂ©es de trĂšs belles choses pour d’excellentes raisons, en donnant les rĂ©coltes minables ou les pires consĂ©quences, sans que jamais ne soit remis en cause l’abus de la rĂ©forme pour la rĂ©forme. De la malĂ©diction de la conviction qui en politique fait qu’on puisse endetter un pays pour 30 gĂ©nĂ©rations en prĂ©tendant l’avoir messianiquement sauvĂ©.

Quoi qu’il arrive, qu’il y ait un pourrissement ou des ajustements Ă  la marge, rien ne va changer. Le signe qui dĂ©termine mon pessimisme ? La stabilitĂ© de la bourse qui aprĂšs une pĂ©riode d’angoisse s’est vite rassĂ©rĂ©nĂ©e.

Certains veulent y croire, un peu comme si nous nous trouvions Ă  la veille d’un grand matin. Vous ĂȘtes sommĂ©s de choisir votre camp. Mais plus que jamais, Ă  mes yeux, il n’y a pas de salut dans ce que j’entends. Le piĂšge de nos sociĂ©tĂ©s libĂ©rales, c’est que la solidaritĂ©, la volontĂ© mĂȘme de construire une sociĂ©tĂ© humaine fonctionnelle visant le bonheur collectif, arrive en queue de peloton derriĂšre les intĂ©rĂȘts personnels. Les intĂ©rĂȘts de classe, les intĂ©rĂȘts Ă©lectoralistes, les intĂ©rĂȘts Ă  la bourse, en bref des agios comptables, trĂšs personnels.

Donc j’irais voter, marionnette de plus dans un thĂ©Ăątre bien organisĂ©. AprĂšs, il sera intĂ©ressant de voir les postures et les impostures que vont rĂ©vĂ©ler les votes, les projets de loi, les discussions. La politique française s’est totalement dĂ©crĂ©dibilisĂ©e depuis un demi-siĂšcle, dans l’indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale. Il reste Ă  espĂ©rer que cette fois le peuple, cet entitĂ© trĂšs fictive, prenne conscience de l’Ă©normitĂ© du propos dĂ©mocratique. Il y en a encore, beaucoup trop, qui sont dans l’euphorie d’une apothĂ©ose civilisationnelle. Et tous ceux qui douteront seront classĂ©s impitoyablement dans une catĂ©gorie spĂ©cifique qui suffira Ă  balayer tout moment de rĂ©flexion, voire de conscience. Il n’y a pas de bons et de mĂ©chants. Ils s’insultent tous entre eux, ils se traitent tous d’une maniĂšre ou d’une autre, en bref le dĂ©bat n’est permis qu’avec les pratiquants d’une mĂȘme chapelle ou ça tourne Ă  l’ordalie. Dans cette maniĂšre de faire, il n’y a d’ailleurs plus d’Ă©lĂ©gance Ă©lĂ©mentaire ; taper Ă  plusieurs est encouragĂ© voire souhaitĂ©, car ça permet de satisfaire la foule romaine qui se presse au colisĂ©e mĂ©diatique. L’important c’est vaincre, la faim justifiant les moyens.

Que restera-t-il de toute cette incandescence ? Des cendres grises et froides ou des braises qui attendent de faire de grands brasiers ? Dans la chaleur d’un Ă©tĂ© qui commence, il y a fort Ă  croire et Ă  craindre que tout sombre, avant la rentrĂ©e qui promet d’ĂȘtre trĂšs tumultueuse, dans une mollesse de saison. AprĂšs, la Bastille est tombĂ©e en juillet, tout est possible, mais je crains encore qu’Ă  autre Ă©poque, autres mƓurs. Le point de bascule est encore loin, loin Ă  l’horizon. Personne n’y est vraiment prĂȘt, et je me demande mĂȘme si la majoritĂ© le veut. Nostalgique des annĂ©es oĂč la France suivait les rails d’une autonomie qu’une Ă©lite humaniste avait voulu, certains voudraient revivre les mĂȘmes heures en conservant les avantages de la libĂ©ralitĂ©. Penser pour tous ou penser pour soi, nous en sommes lĂ , et entre les dialogues de sourds et les monologues enfiĂ©vrĂ©s, bien que je passe pas mal de temps Ă  Ă©couter attentivement les logorrhĂ©es diverses et variĂ©es, rien qui me fasse annoncer aujourd’hui qu’il est reviendu le temps des cerises (ou alors sur le nez du clown – celui qui fait peur, pas l’autre !).

La fĂȘte des pĂšres

En ce moment j’Ă©cris pas mal sur ce blog, mais jamais je n’avais autant eu envie d’Ă©criture. De lecture aussi, je m’y suis remis aprĂšs des annĂ©es sans avoir le besoin de compulser un bouquin. Cette hygiĂšne correspond Ă  une sorte d’Ă©quilibre que j’ai rĂ©ussi Ă  trouver, avec une ambition qui s’est suivie d’une discipline prĂ©cise. Celle (l’ambition) de retrouver une saine et vive conscience des choses, sans ĂȘtre entraĂźnĂ©, bien malgrĂ© moi, par le cours d’une sociĂ©tĂ© humaine qui ne cesse de se perdre dans des entreprises de plus en plus folles. En (discipline) en multipliant les sources d’informations tout en faisant que professionnellement je poursuive mes propres buts sans sacrifier Ă  mes prĂ©tentions Ă©thiques et morales. Il y a quelques annĂ©es, j’ai dĂ©couvert le noble chemin octuple, et j’ai Ă©tĂ© surpris de constater que ça rejoignait mes propres conclusions… pas Ă©vident en cette sociĂ©tĂ© humaine qui sacrifie tout Ă  un productivisme pragmatique, pour cause d’un mode de vie qui exige de consommer le monde et par extension exploiter les autres. Pourtant, j’essaie Ă  prĂ©sent de multiplier les activitĂ©s intellectuelles et ludiques, tout en m’adonnant Ă  des choses bien pratiques… ce qui rend mes journĂ©es bien chargĂ©es mais trĂšs satisfaisantes.

Comme je l’ai dit Ă  mon fils il y a quelques jours, avec une conviction exaltĂ©e qui l’a dĂ©rangĂ©, il faut toujours regarder le mal en face. A mon sens, en tant que citoyen, il faut oser s’informer sur des choses rĂ©voltantes et horribles, simplement parce qu’il ne faut pas se perdre dans un angĂ©lisme sĂ©lectif qui en lui-mĂȘme serait un acte de collaboration, dans le sens minable du terme. J’ai donc achetĂ© le magazine Omerta, avec la petite Lola en couverture, qui traite de nombreux sujets qui vont de la pĂ©docriminalitĂ© Ă  l’addiction des Ă©crans par notre jeunesse perdue dans ce perpĂ©tuel espace de tentation. Pour ĂȘtre honnĂȘte, la lecture du magazine est douloureuse, tant les faits rapportĂ©s sont Ă  la fois communs et abominables. Hier soir, je matais les deux premiers Ă©pisodes de la sĂ©rie The Boys qui voit la fine Ă©quipe Ă©chouer dans une convention « complotiste », dĂ©peinte comme le rassemblement de gens dĂ©sespĂ©rĂ©s, un peu dĂ©biles, avec Ă  un moment donnĂ© cette sĂ©quence un poil idĂ©ologique qui montre une des hĂ©roĂŻnes s’en prendre Ă  un pauvre type accusĂ© d’exploiter le sujet sans vraiment chercher Ă  en dĂ©terminer, et Ă  donc lutter vraiment contre, la cause. Ce matin, j’ai matĂ© une vidĂ©o de Sud Radio qui revenait hier sur l’affaire des accusations de propos pĂ©dophiles par Depardieu rĂ©vĂ©lĂ©s dans le cadre d’une Ă©mission de ComplĂ©ment d’enquĂȘte ; en bref, ce serait un montage, avec en tĂ©moin Yann Moix qui explique que les rushs lui ont Ă©tĂ© dĂ©robĂ©s et tĂ©moignant que ce qui est montrĂ© n’Ă©tait que mis en scĂšne dans le cadre d’un film comique mettant en scĂšne un personnage aussi dĂ©cadent et excessif que le rĂŽle savoureux de Poelvoorde dans « C’est arrivĂ© prĂšs de chez vous ». N’oublions pas, malgrĂ© tout, que l’acteur est poursuivi pour des agressions d’ordre sexuel par de nombreuses femmes. Dans cette mĂȘme Ă©mission, les intervenants reviennent sur l’affaire de rĂ©seaux pĂ©dophiles dans des cĂ©nacles parisiens qui ont ƓuvrĂ© il y a quelques dĂ©cennies. Pour m’achever, j’ai matĂ© cette semaine la vieille interview de RĂ©gina Louf qu’a mis en ligne Karl Zero sur sa chaĂźne dans le cadre de la sinistre affaire Dutroux…

Regarder le mal en face. En ce jour de fĂȘte des pĂšres, je savoure l’attention et l’amour de mes enfants, devenus adultes, avec lesquels j’ai la chance d’avoir une relation privilĂ©giĂ©e. Pour l’anecdote, j’ai donnĂ© la douche Ă  mes deux gosses, durant les premiĂšres annĂ©es de leur vie. Nous allions dans la douche, et je leur ai appris Ă  se laver, tout en jouant avec eux. Des chouettes moments, des moments innocents qui font des bons souvenirs, avec la volontĂ© Ă  l’Ă©poque de leur montrer que la nuditĂ© est quelque chose de naturel, notamment et surtout dans le cadre familial. Ma mĂšre revenait souvent sur une anecdote de mon enfance, d’un Ă©vĂ©nement que j’ai pour ma part complĂštement oubliĂ©. Le mĂ©decin m’ausculte, puis jugeant mon appendice, me dit que la nature m’a bien obligĂ©. Ce Ă  quoi je lui rĂ©pond un laconique « bah celui de mon papa il est encore plus gros ! » – et lĂ , inspiration du mĂ©decin qui rend l’anecdote savoureuse, se tournant vers ma mĂšre « c’est comme ça que naissent les lĂ©gendes ». Pourtant, mes parents Ă©taient d’une pruderie presque maladive : je n’ai jamais reçu l’esquisse d’une Ă©ducation sexuelle et le sujet ne venait absolument jamais dans la discussion familiale. Pour m’amuser, et parce que je suis provocateur dans l’Ăąme, je l’ai fait quelques fois pour crĂ©er le malaise chez mes parents. Merci aux parents de mes potes qui avaient eu la dĂ©licate attention de leur fournir des bouquins d’Ă©ducation sexuelle qui m’ont stratĂ©giquement Ă©clairĂ©. Une petite pensĂ©e Ă  Madame BĂ©rille (en fait c’est la seule qui avait eu cette indiscutable bonne idĂ©e) qui Ă©tait (enfin j’espĂšre qu’elle l’est encore – le temps passant je sais qu’il fait sa moisson) une femme admirable et qui m’a profondĂ©ment marquĂ© par sa gentillesse et sa noblesse de cƓur.

Pour moi, un enfant c’est sacrĂ©. Je ne comprends mĂȘme pas, je ne veux pas comprendre en fait, ce qui motive un adulte Ă  nourrir la moindre pensĂ©e perverse quand il s’agit d’un gosse. Parmi tous les sujets qui me dĂ©sespĂšrent et qui me mettent en colĂšre, la pĂ©docriminalitĂ© est sans doute celui qui me fait le plus de mal. A chaque fois que je m’intĂ©resse Ă  un fait divers de ce triste domaine, je n’en sors jamais indemne. Ça m’abĂźme, ça m’effleure le karma et ça bouleverse mes chakras. Je me dis que je fais partie de la mĂȘme espĂšce, « humaine », que tous ces salauds qui se cachent et qui dissimulent leur ignominie et ça me blesse. Il y a quelques annĂ©es, un matin de rĂ©volte plus violent que les autres, j’ai dĂ©clarĂ© Ă  mes gosses que je ne faisais pas partie de cette humanitĂ©. Je la refusais, comme on refuse une nationalitĂ© ou l’enrĂŽlement forcĂ©. Je refusais d’ĂȘtre englobĂ© avec tous les apathiques et les complaisants, avec tous les collabos et les compromis, avec toutes les brutes et les sadiques. Mais c’Ă©tait encore une fois un caprice, de la dĂ©sinvolture exaltĂ©e. Je vis toujours au mĂȘme endroit, j’ai toujours les mĂȘmes conventions sociales, je n’ai ni changĂ© de nom ni changĂ© de face. Je suis condamnĂ© Ă  n’ĂȘtre qu’un individu parmi les autres, un petit atome de cette masse qu’on appelle « peuple », un rĂ©sidu organique de cette biomasse qui s’appelle sociĂ©tĂ©. Je n’ai ni les moyens ni vraiment l’envie de partir comme Alceste loin de tout, dans un dĂ©sert sans homme, et pas de pulsions suicidaires qui feraient que le nihilisme l’emporte sur l’amour passionnel, sur l’Ă©treinte cognitive, que le Monde m’inspire et motive. Je vis donc le dĂ©sespoir tranquille, la dĂ©sespĂ©rance un brin surjouĂ©e du gars qui regarde le mal en face, s’interroge sur sa propre part d’ombre, constate son impuissance ou sa lĂąchetĂ©, puis finalement pense Ă  autre chose. Pendant que ça continue, quelque part. Un autre gosse.

Alors aujourd’hui c’est la fĂȘte des pĂšres… pourtant il faut toujours se rappeler que c’est encore une inversion des choses. Ce sont nos enfants qu’il faut chaque jour cĂ©lĂ©brer et aimer. Et il faut traquer le moindre enfoirĂ© qui abuse de sa position, de son statut, du pouvoir que lui confĂšre un simple mot, un simple titre, pour faire du mal Ă  un enfant. Depardieu est peut-ĂȘtre victime d’un montage, la diffamation reste vraiment l’oeuvre la plus dĂ©gueulasse qui soit, et ce n’est pas participer Ă  la lutte contre la pĂ©docriminalitĂ© que d’agir ainsi. Ça participe Ă  invisibiliser ce qui se passe vraiment, ça participe Ă  rendre des gens comme moi, naĂŻfs et candides, qui au dĂ©part imaginent que le monde est aussi beau et bon que les fables nous le racontent. Tout ça c’est du complot, jusqu’Ă  ce que, quelques dĂ©cennies plus tard, les scandales surgissent alors que tous les coupables sont morts et les victimes enterrĂ©es et oubliĂ©es.

Il y a peu, j’ai vu la vidĂ©o d’un Youtubeur cinĂ©phile/phage qui expliquait pourquoi il avait dĂ©cidĂ© de ne pas aller voir « The Zone of Interest ». Il ne voulait pas s’imposer ça, il ne savait pas comment il allait rĂ©agir Ă  ça. « Ça » c’est constater comment il est facile de vivre tranquillement et luxueusement Ă  la proximitĂ© des charniers et des massacres. Comment il est tentant et si facile de se dire un minable « bah, c’est comme ça, qu’y puis-je en vrai ? ». Je m’impose, au contraire, de ne pas dĂ©tourner le regard. Comme le reste, je m’impose de savoir et d’avoir conscience. Mais ça me reste, ça me hante, car quand je regarde le ciel bleu il y a des fois la sensation d’un hurlement d’enfant que je n’entends pas, mais que je devine, en filigrane, comme si tout n’Ă©tait qu’un voile que je refuserai de lever. La derniĂšre phrase de la Chute, de Camus.

Bonne fĂȘte des pĂšres donc. Et courage et soutien Ă  des gens comme Karl Zero qui ont mis Ă  l’index leur carriĂšre et leur fameuse respectabilitĂ© pour se battre contre l’intouchable et l’invisible. Rien de plus odieux, Ă  mes yeux, que ceux qui balaient, d’un revers de la main et d’une petite vindicte mĂ©prisante ces questions lĂ , comme si ça n’Ă©tait, encore une fois, que du complot, de la paranoĂŻa louche, des obsessions Ă©cƓurantes et vicieuses. Il y a toujours et encore quelque chose de pourri au royaume du Danemark. La pilule rouge ou la pilule bleue. Dans mes moments les plus nihilistes, je me dis parfois que vivre c’est subir d’ĂȘtre complice et tĂ©moin de tout ça, sans pouvoir rien faire que d’Ă©crire un billet que personne ne lira et qui pour une fois ne sera mĂȘme pas libĂ©rateur.

Le chaos ou le bordel ?

Je dois m’y mettre, mais comme hier, il y a une telle effervescence politique que de bon matin, ça me passionne un peu trop. Ce qui ressort de ce tumulte analytique (chacun essaie de sonder les pythies ou tente d’analyser les ressorts psychologiques ou moraux du chef de l’Etat), c’est bien la sensation d’un chaos gĂ©nĂ©ral. Et le chaos est bien le mot qui revient le plus souvent (par exemple l’Ă©dito de Françoise Degois sur Sud Radio : « Il y a un chaos gĂ©nĂ©ral dans la vie politique […] », qu’il soit involontaire ou organisĂ©, c’est la dĂ©finition du paysage politique qui depuis l’annonce de la dissolution s’impose Ă  tous les analystes.

Personnellement, vivotant entre tous les flux de gauche comme de droite, je trouve toujours aussi pertinente l’analyse de Pierre-Yves Rougeyron disponible sur le site du Front Populaire qui rappelle une de ses thĂ©matiques prĂ©gnantes, l’influence et la puissance de la xĂ©nocratie sur le destin de notre nation Ă  la dĂ©rive. PYR Ă©voque avec une luciditĂ© qui est sa marque de fabrique la victoire d’un bloc europĂ©iste et surtout ultra-libĂ©ral dans ses Ă©lections europĂ©ennes, faisant de Macron un Ă©missaire du chaos, mais d’un chaos programmĂ©, stratĂ©giquement, pour destabiliser encore davantage le pays Ă  l’intĂ©rieur et par l’intĂ©rieur. Il Ă©voque aussi la stratĂ©gie du champ de ruines, la terre brĂ»lĂ©e laissĂ©e Ă  son futur successeur, ce qui pourrait assez bien dĂ©crire la politique menĂ©e depuis 7 ans qui en plus d’ĂȘtre un jeu de massacre social, pour notre bien (notez), et une dĂ©vastation Ă©conomique encore inĂ©dite (avec une dette abyssale). Aimant la simplicitĂ©, contrairement Ă  ce que ma prose alambiquĂ©e pourrait faire croire, il y a un filtre efficace que j’aime toujours appliquer Ă  toutes choses, soit celui du « Cui bono » (pour une fois que je rends aux latins ce qui appartient aux latins »). Dans notre mythologie sociĂ©tale, le peuple dans son ensemble croit donc toujours que le sommet social est incarnĂ© par les chefs d’Ă©tat, bien que de plus en plus s’immisce l’idĂ©e que la richesse dans un monde ploutocrate dĂ©signe vraiment les titans qui dirigent. Et notre prĂ©sident, Ă  l’Ă©vidence, est un Ă©missaire comme un autre. AprĂšs, je ne rentrerai jamais dans les questions psychologiques, un travers bien français, qui consiste Ă  « profiler » les intentions de quelqu’un en dĂ©voilant voire en devinant le paysage de sa psychĂ© cachĂ©e de tous. Je reste encore en cela trĂšs chrĂ©tien, je reste encore en cela trĂšs pragmatique et simple, en appliquant cette fois le filtre « On reconnaĂźt un arbre Ă  ses fruits », rendant hommage Ă  celui que les mĂȘmes latins auront crucifiĂ© (sans vouloir choquer la masse des sceptiques qui de plus en plus suspecte la crĂ©ation d’une fiction voire d’une mythologie Ă  des fins de manipulations religieuses – oui, je passe beaucoup de temps Ă  brasser de la donnĂ©e, c’est un mal personnel). Macron aura donc vendu une quantitĂ© non nĂ©gligeable de joyaux français, pour reprendre une image trĂšs parlante souvent usitĂ©e pour dĂ©crire le scandale Alsthom, aura ouvert la voie Ă  un ultra-libĂ©ralisme dĂ©complexĂ© (Uber), et surtout aura surendettĂ© la France d’une maniĂšre trĂšs surprenante pour quelqu’un disposant d’une culture financiĂšre voire purement bancaire ne lui dissimulant pas les consĂ©quences dramatiques d’un surendettement (j’ai eu un petit moment la petite sĂ©rĂ©nade d’une mention lĂ©gale venue d’un lointain passĂ© de publiciste dans le registre du rachat de crĂ©dits).

Donc, la France est en train de devenir un vaste bordel politique, ou alors effectivement un véritable chaos, mais alors dans sa pure définition étymologique. Comme il est bien expliqué sur Wikipédia :

Le nom Chaos (en grec ancien Î§ÎŹÎżÏ‚ / KhĂĄos, littĂ©ralement « Faille, BĂ©ance », du verbe Ï‡Î±ÎŻÎœÏ‰ / khaĂ­nĂŽ, « bĂ©er, ĂȘtre grand ouvert ».

Source

Le chaos c’est donc la bĂ©ance, et la bĂ©ance ça ouvre sur le vide. Alors oui, je sais, y a la gauche et la droite, ça brasse des discours trĂšs sĂ©rieux sur le marxisme, sur le capitalisme, sur la libertĂ© d’entreprendre comme de faire des profits. Nous vivons encore une fois la nĂ©vrose des grandes menaces, alors que sont ressuscitĂ©s les grandes peurs de la cohorte brune et autres prĂ©dateurs fascistes aux exactions horribles. L’ancien monde et le nouveau se font encore leur petite guerre dans le dĂ©bat Ă©ternel entre la rĂ©forme et le conservatisme, tandis que le petit peuple s’interroge sur les vertus ou les dĂ©sagrĂ©ments du changement. En bref, et en cela je trouve l’analyse de PYR trĂšs pertinente, nous sommes aveuglĂ©s par des questions presque secondaires qui dissimulent le centre du cyclone.

ImmĂ©diatement, les vertueux les plus admirables, les champions du camp du bien me rĂ©pondront (avant de me punir) que non, le fascisme n’a rien de secondaire. Peut-ĂȘtre qu’il faudrait ouvrir tes yeux nimbĂ©s d’Ă©toiles mon ami(e), nous y sommes depuis longtemps, vu que la mamelle essentielle du fascisme est le totalitarisme. Le dĂ©roulement des derniĂšres Ă©lections europĂ©ennes nous l’a encore dĂ©montrĂ© : une pensĂ©e unique servant une volontĂ© notoire est bien effective. Finalement, ces lĂ©gislatives comme ces derniĂšres Ă©lections ne sont qu’une mascarade Ă  laquelle nous participons.

Peut-ĂȘtre faudrait-il moins considĂ©rer les raisons de la manƓuvre et la personne prĂ©sidentielle que ce qu’il y a derriĂšre cette bĂ©ance. La France est en train de devenir une pure fiction, une sĂ©rie Netflix, certes distrayante mais dans laquelle finalement rien ne se passe de plus qu’une suite de pĂ©ripĂ©ties. Des annĂ©es maintenant que les dysfonctionnements dĂ©mocratiques ont dĂ©montrĂ© la superficialitĂ© du Parlement faisant de notre RĂ©publique le terrain de jeu d’une ploutocratie souvent doublĂ©e d’une cleptocratie. Pourtant, tous les observateurs redoublent de gravitĂ© concernant l’enjeu de ces Ă©lections. En prenant un peu de recul, et simplement en prenant comme exemple le triste destin des agriculteurs qui ont Ă©tĂ© trĂšs rĂ©cemment bien escroquĂ©s, rien ne peut changer tant que nous restons sous la fĂ©rule europĂ©enne. Et comme l’a notoirement et toujours sagacement rappelĂ© PYR, le bloc europĂ©iste et ses maĂźtres ultra-libĂ©raux l’ont magistralement emportĂ©.

Que faire quand un homme libre accepte de porter les fers de l’esclavage ? L’exhorter Ă  un peu d’honnĂȘtetĂ© et de luciditĂ©. Nous en sommes lĂ , c’est le pas Ă  faire avant toute rĂ©volution. Le bruit et la fureur c’est gĂ©nial, ça fait des grands films de cinĂ©ma et bouillir notre sang souvent ralenti par le rythme tranquille des belles et longues nuits d’Ă©tĂ©. Mais cette Ă©motivitĂ© entretenue, cette exaltation encouragĂ©e, nous masquent les enjeux vĂ©ritables. Oui, il y a une tempĂȘte. Et alors ? Nous ne sommes toujours pas Ă  ce chaos qui prĂ©cĂšde la rĂ©volution. Ce n’est juste qu’un chaos bruyant, un bordel, qui la retardera d’autant plus que nous continuerons collectivement Ă  croire en des illusions trĂšs savamment entretenues, dont notre cher leader demeure l’un des plus brillants prestidigitateurs. Un bon bordel a son lot d’entremetteuses et de pĂ©ripatĂ©ticiennes. Il n’est pas non plus recommandĂ© d’en faire consommation, les plaisirs bestiaux et les bas instincts ne visant que l’Ă©phĂ©mĂšre et favorisant le sordide, alors qu’il est possible d’envisager l’humanitĂ© avec une idĂ©e Ă  la fois plus ambitieuse, simplement plus glorieuse, de ce que nous voulons ĂȘtre.

Je regarde autour de moi. Peut-ĂȘtre ne sommes-nous devenus que des individus, des consommateurs, des ĂȘtres dĂ©tachĂ©s des intĂ©rĂȘts tant gĂ©nĂ©raux que supĂ©rieurs. Plus de citoyens, plus de dĂ©mocrates, juste des rĂȘveurs perdus dans un solipsisme aussi dĂ©bile que coupable. Des jouisseurs, des exhibitionnistes dĂ©complexĂ©s de nos petites turpitudes, de nos bas desseins matĂ©rialistes et Ă©goĂŻstes. Peut-ĂȘtre que le destin de nos sociĂ©tĂ©s modernes Ă  l’hĂ©donisme vain n’est que dans une ultime dissolution, et que de ce grand bain primordial naĂźtra alors une nouvelle rĂ©action chimico-sociale qui apportera alors le changement tant souhaitĂ©. Ce qu’on appelle « dĂ©cadence » n’est peut-ĂȘtre que le substrat de cette terre trop exploitĂ©e, trop usĂ©e, pour ne donner rien d’autre que des fleurs fanĂ©es.

Toujours, la mort de Sardanapale.

Sur ces dĂ©sillusions cruelles, je retourne travailler sur mes petites oeuvres, qui du point de vue de mon solipsisme Ă  moi m’apportent bien plus de satisfaction que le charivari des sirĂšnes (auquel, malgrĂ© ma dĂ©fense, je succombe trop souvent – pour preuve ce billet matinal).

Bonne journée !