Encore une semaine de folie douce

Le vendredi, c’est difficile. J’ai toujours ressenti davantage la fatigue le jeudi soir, quand la semaine a déjà bien semé son sillon lent de par mon implication laborieuse voire productive selon le logiciel idéologique. Mais le vendredi matin, c’est le moment où et quand je m’accorde une pause d’hébétude entre existentialisme et désir d’expression écrite. Donc blog, rapido, car écrire demeure un exercice salutaire qui est devenu une part signifiante de la discipline que je me suis doucement imposée.

Alors… Au Liban, une « attaque » inédite, avec le piégeage d’appareils qui ont littéralement explosé à la tête ou dans les mains de leurs utilisateurs. Entre la guerre en Ukraine et le massacre au proche-Orient, difficile de discerner la réalité des enjeux et des motivations dans tout ce bordel dont, à distance et via des médias très sélectifs, nous ne voyons que la crête du coq. J’ai toujours eu un souci avec tous les films américains qui mettent en scène des psychopathes qui finissent par se faire avoir par un héros malin qui retourne contre eux leurs sinistres manipulations, notamment émotionnelles.

Le mal par le mal, j’ai du mal. Je continue de penser, comme je l’ai toujours seriné à mes enfants, qu’il est dangereux d’agir petitement face à un petit. Ce matin, j’ai vu que la population au Liban est entrée, très logiquement, dans une psychose, et c’est compréhensible car pour des questions ou des légitimations tactiques, on évite d’utiliser le mot « terrorisme ». Ce qui m’effraie, c’est qu’à part un seul podcast, toujours Tocsin que je recommande à tous ceux qui veulent de l’info non prédigérée, Jacques Baud a osé le mot, celui qu’on aura voulu extorqué il y a près d’un an à un certain parti politique qui voulait recentrer le débat autour d’un conflit maintenant multi-décénal en ne le proscrivant pas à un acte solitaire et monstrueux.

Je continue de penser, très naïvement sûrement, qu’un civil innocent, quelle que soit son origine, quelle que soit sa nationalité, est un mort de trop. Ah oui, la guerre c’est sale, il faut arrêter la candeur coupable, faut arrêter cette miséricorde de façade, cette empathie facile. Mais bon, je vous emmerde, la guerre c’est la faillite de l’Humanité, et ne pas voir le commerce et les raisons qui la motivent révèlent beaucoup de ce que vous êtes vraiment. Je suis et je resterai toujours un indécrottable pacifiste, même si j’irai faire la guerre contre tous ceux qui oublient les notions élémentaires d’humanité. Hors, ces guerres là n’existent pas.

Ce n’est pas la volonté du bien et de la Justice qui motive les conflits. J’ai adoré, j’adore toujours, Helldivers 2 pour son humour très Starship Troopers avec la défense de la démocratie. Toute oeuvre, même la plus inoffensive, est politique, car elle induit toujours un message, invitant au conformisme ou à la dissidence. Et s’il y a bien un mot qui aura été bien abîmé, qui aura été vidé de son sens, vampirisé par tous ceux qui s’en sont servi pour déguiser leurs réelles motivations, c’est bien le mot « démocratie ». Combien de morts civils pour offrir la démocratie aux barbares qui continuent de vouloir peupler le monde ? Trop. Je ne suis pas expert des conflits au proche-Orient, je suis trop loin pour prendre parti, je suis rétif à adhérer pleinement aux invitations à haïr aveuglément, même des fanatiques ou des salauds misogynes. Quand je regarde certaines images, je vois des gosses mutilés, je vois des femmes éplorées, je vois des hommes hagards, errant dans des décombres ou penchés sur des corps. Participer à ça ou le déplorer ? Une pensée ce matin pour tous ceux, dans tous les camps, qui œuvrent à préserver les solutions les plus pacifistes et les plus constructives. Je sais qu’il y en a dans tous les camps, dans tous les peuples, dans tout ce qui fait qu’un groupe d’humains font société… et ils ont beaucoup à faire pour tenter de ramener un peu d’ordre dans cette folie. Pendant ce temps en France, on vocifère et on nous encourage à baver de fureur ou à jouir d’un sombre contentement. Les mots sont dévoyés, constamment des experts refont les définitions, déterminent le curseur où placer la limite entre le bien et le mal. Petite pensée pour cette éditorialiste qui a voulu expliquer qu’un enfant mort n’en est pas un, ne se considèrant (in fine) qu’avec le filtre de la qualification entre une bonne et une mauvaise victime. Une bonne victime c’est celle qui est sacrifiée pour l’avènement du bien. Une mauvaise victime c’est dans le camp détenteur, monopole précieux, du bien. Ces gens là sont devenus les terrassiers d’un enfer résolument pavé de « très » bonnes intentions. Pas de plage sous ces pavés là.

Cui bono ? Toujours. Certains experts expliquent que la volonté est de pousser au crime, de pousser à la faute, pour justifier, ensuite, la répartie violente. L’air de rien, nous vivons une époque incroyable de tensions larvées. Une guerre économique, mondiale, qu’en France nous continuons de n’en voir qu’un manichéisme facile. Les bons, les méchants, les démocrates et les autres, la fameuse guerre de civilisation. La France est en train de crever de cette hypocrisie qui s’est installée durablement de manière systémique. Comme si tout ça, toute cette gloriole idéologique n’était finalement qu’un vernis qui couvre, qui camoufle, de moins en moins, la réalité du pourrissement. Hier, mon fils est venu défendre Ruffin. Je n’ai absolument rien contre ce héraut de la gauche, mais j’ai tenté d’expliquer que la LFI et donc Ruffin qui n’en est plus, ne sont pas les révolutionnaires qu’ils prétendre être. Oui, ils veulent réformer le système, mais absolument pas le changer. Leur révolution, c’est la continuité de celle de 1789.

Ce qui ne suffira pas, ce qui ne fera que des ajustements à la marge. J’en reste convaincu, la seule révolution qui peut changer les choses, c’est une révolutions des esprits, c’est une évolution de la perception. Sortir de l’impasse des idées reçues, des certitudes et des croyances, pour oser interroger la moindre chose que nos sociétés ont sacralisé pour nous rendre à la fois aveugles, serviles et zélés. Tous ceux qui instrumentalisent la lutte contre l’extrême-droite pour obtenir leur « légitimité » l’ont bien compris. Pour revenir à Ruffin, il faut lui accorder qu’il a bien perçu la scission des « publics » qui définissent la réalité du peuple français. Cette synecdoque qu’on nous rabâche à chaque sondage, avec « les Français », comme si nous étions tous unis, tous pareils, tous semblables, tous égaux. Mais Ruffin est un productiviste basique, il y a dans cette gauche l’acceptation d’une organisation sociale qui induit un assujettissement et une domination. De la continuité, donc. En cela, ces mouvements de gauche ne sont absolument pas révolutionnaires, et il faudrait déjà constater les limites et les compromis de la révolution de 1789. pour initier une nouvelle étape, pour oser vouloir créer, sociétalement, autre chose.

Je sais, je suis un rêveur. Je resterai un anarchiste, au pur sens du terme, « an-arkos », « sans chefs ». Les Hommes (et les Femmes) ont besoin d’ordre, ont besoin de lois, ont besoin de règles et de cadres, pour ne pas finir par s’entre-tuer. C’est dans ce constat que repose toute ma tristesse et ma tranquille désespérance. Ce vendredi matin, j’en fais encore le constat. Ce qui ne m’empêchera pas de bosser, une fois ces quelques mots balancés au vent digital, dans le presque vide numérique, cette matière noire qui remplit nos vies d’un néant confortable car nous procurant l’illusion d’une galaxie remplie d’étoiles… et dont je ne serai toujours qu’une rapide et insignifiante étoile filante ne laissant dans son sillon qu’une lumière diffuse et mourante.

Oui, j’aime Victor Hugo.

Good Bye John Cassaday

Je parle un peu trop souvent de politique sur ce blog, comme un expert de la matière noire, cette chose invisible et intangible qui donne des migraines au monde scientifique, mais je nourris bien des passions dont la BD. Et cette semaine j’ai appris avec une grande tristesse la mort de John Cassaday, un artiste que j’ai appris à aimer notamment sur ce que je considère comme un chef d’oeuvre du genre, Planetary avec Warren Ellis au scénario.

Je n’ai pas beaucoup de choses à dire sur l’artiste, je ne suis pas du genre à farfouiller dans la vie des gens, j’ai déjà trop de mal à vivre la mienne, donc je n’ai pas suivi le cours de la carrière de l’artiste autrement que par ses collaborations et ses oeuvres. J’ai lu un peu de sa contribution sur la série X-Men, j’ai adoré l’évolution de son style, sobre et délicat, anti-spectaculaire et en même temps d’une étonnante puissance dans la simplicité. En faisant une rapide recherche avant d’attaquer ce billet, j’ai vu une cliché de lui, apparemment jeune, et j’ai été surpris de constater à quel point il ressemblait au personnage du Batteur de Planetary. Je ne pourrais jamais signifier l’admiration que je porte à tous les artistes qui oeuvrent, c’est le juste verbe, pour nous apporter la beauté de la créativité et de l’imagination dans un monde qui se complaît dans la trivialité et une volonté farouche de ne jamais sortir de l’ornière, de l’impasse, d’un monde ancien. A chaque fois que j’apprends la mort d’un artiste, notamment dans la BD, c’est toujours avec le sentiment qu’un chaman de la Bulle nous quitte en nous laissant tous un peu orphelins.

Bye Bye John Cassaday, je ne te connaissais pas autrement que par les êtres que tu imaginais et dessinais, que par ton trait particulier qui au tout début m’avait rebuté avant que tu m’apprivoises et que tu me fasses comprendre que c’est ça aussi la beauté : ne pas forcément répondre à une attente, mais bien proposer quelque chose de nouveau, d’inattendu, pour enrichir nos désirs trop souvent rendus conformes par les modes et les lignes éditoriales qui finalement répondent autant aux idéologies dominantes que le reste.

Il me vient l’image finale de l’épisode des X-Men qui voit Kitty Pryde prisonnière d’une immense balle qui finalement ne percute pas la Terre mais la voit s’éloigner horriblement, terriblement, loin de tous et de ceux qu’elle aime. La dernière page, sublime, montre la balle et une case de dialogue qui sobrement finit la phrase entamée la page précédente avec l’adjectif « parti ». J’aurais voulu trouver cette image en ligne, je sais qu’elle dort quelque part dans le bordel qu’est ma bibliothèque, repaire de petits trésors. Toi aussi tu as décidé de partir et c’est bien triste car très égoïstement je sais que je ne peux plus que me repaître de ce que tu as déjà créé et qu’en partant si jeune, tu nous as tous privé de ton talent si particulier. C’est pas grave, va, j’espère simplement que pour des gens qui mettent de la magie et du rêve dans le coeur des autres, il y a une petite place, spéciale et douce, pour eux, à ce qui ressemble au Paradis.

Allez, une image piquée sur le site (https://them0vieblog.com/2010/04/21/astonishing-x-men-omnibus-by-joss-whedon-john-cassidy/), qui pour le coup illustre à la fois la tristesse de ton départ et démontre la réalité de mes trop courts compliments. Peut-être qu’un jour je me donnerai le temps de rendre hommage à tous les artistes que j’aime en faisant le travail de critique que j’ai mené, une fois n’est pas coutume, sous un autre pseudonyme.

Le péril jaune ou ce qui reste dans la boite de Pandore

Oulà… un titre un brin romanesque, entre le jeu de mot et l’allusion fine, je suis en forme. Ou plutôt non. Fin de semaine, j’ai bossé comme un dingo, il reste aujourd’hui, mais bon, l’actu, les réactions, moi, le monde, mon cerveau, le chaos, l’entropie et ce blog pour vidordurer tout ce qui m’emboutit.

Barnier donc. J’ai explosé de rire, tant le choix est à la fois évident, révélateur, dramatique.

Evident parce qu’il n’y avait finalement pas de choix plus européiste que celui-ci, du technocrate biberonné aux couloirs et recoins des univers démocratiques, qui aura été dûment défendu par un Asselineau qui reste un homme de droite, ce que sa position souverainiste pourrait parfois faire oublier. Je conseille par ailleurs d’aller voir l’analyse très fine et pertinente de Georges Renard Kuzmanovic sur Tocsin (média présent sur Youtube) – tout est dit et bien dit. Tout ça pour dire que le souverainisme n’est pas forcément à droite, mais la gauche ayant fait du nationalisme une manifestation du fascisme, c’est encore un préjugé qu’il sera difficile de commuer.

Révélateur car au moins, on sait que le travail d’huissier va pouvoir dûment commencer. Avec la logique, avalisée par le médias et peut-être même par vous, petit citoyen hypnotisé par la rengaine du déterminisme financier, qu’il faut régler ses dettes, fussent-elles contractées par d’autres en votre nom, le temps est venu de céder le mobilier à défaut de billets joliment imprimés (car le digital, ça reste du vent, et seul les dieux décident si ce vent est tangible ou gazeux).

Dramatique, car avec ce choix, c’est un nouveau coup d’état, un abus de pouvoir, une manifestation d’une tyrannie « démocratique » qui s’accomplit. Psychologiquement, symboliquement, c’est bien dire au citoyen qu’il doit s’y faire, que tout ça n’est qu’illusion, que tout ça, la démocratie, les droit(e)s de l’Homme, la Liberté, ne sont que du décorum pour faire croire, pour faciliter la coloscopie en la rendant un peu moins douloureuse. Tu y es en démocratie ? Tu en es sûr ? Oui, peut-être. Si tu concèdes que ton seul pouvoir c’est accepter ou ne pas accepter, sachant qu’à l’arrivée ça n’a absolument aucune importance pour ceux qui sont tes maîtres. As-tu vraiment le droit de te plaindre ? Tu y crois, tu y participes, tu fais de ton immarcescible candeur le carburant de leur manipulation vulgaire. Comme disait l’autre présidentiable, « et ça passe ». Attention à ce que la coloscopie ne s’achève pas en lobotomie.

La gauche s’insurge. Poliment presque. Mélenchon, grave et dans une contention qui est peut-être motivée par la volonté de démontrer qu’il n’est pas le minotaure éructant du labyrinthe politique. Allez, on manifeste, à Paris et pour les ploucs de province, un peu où vous voulez… De toute manière, qui s’intéresse à la banlieue et au No man’s land dans ce pays où la centralisation incarne le défaut majeur, le péché capital (sans jeu de mot) ? Au pire, cramez deux trois voitures histoire qu’on puisse dire que vous êtes à la fois dégénérés, impolis et indécrottables. Et à nouveau, entre analystes, ça invoque, ça espère, ou ça désespère, ça incante, ça prophétise, ça apocalyptise, le retour des gilets jaunes. Sérieusement… Je suis souvent étonné qu’aucun analyste ne se penche un peu sur la raison de ce soulèvement qui repose, pour moi, sur le profil d’individu qui en était la sève. Qui étaient les gilets jaunes, ceux des rond-points, les purs, les durs ? Pour l’essentiel, des travailleurs ou de simples citoyens qui venaient du monde bien réel. Des gens qui ne sont pas en train de s’abrutir entre les 12 000 possibilités d’évasion, de distraction, de fuite, que leur offre leurs écrans, qui ne voient pas le monde par le prisme déformant des médias et des médiums qui nous régurgitent la réalité pour nous la faire percevoir comme toute une idéologie veut que nous la percevions. Plus tard, de leurs rangs viendront les héros du Covid, à la première heure. Encore plus tard, une partie d’entre eux seront encore « punis » pour défaut d’obéissance, pour résistance. Quid de tous ceux qui ont été privés de salaire, qui ont été harcelés au travail ou en famille, qui ont vu leurs droits simplement niés avec l’accord tacite de leur suprême leader qui ne rêvait que de les emmerder ?

Ce matin j’écoutais une matinale de France Culture sur la droitisation de la France… J’ai été un peu éberlué, à la fin, par le consensus des participants… Tous les réacs sont donc des français qui croient en une France en noir et blanc qui n’aura donc jamais existé (je caricature un peu) ? Sérieusement ? Car vous ne croyez pas que la start-up nation c’est pas encore plus con comme illusion ? Nous sommes TOUS victimes de notre perception tronquée de ce qui fait le monde. La seule manière d’essayer de s’extirper un tant soi peu, et sans perdre la sagace conscience que nous serons toujours piégés par notre subjectivité, notre éthos et notre habitus, de ce moi qui nous tyrannise, c’est en croisant un maximum les données, les sources, c’est en écoutant tous les bords, tous les discours, toutes les visions, toutes les narrations, toutes les fictions. C’est pas évident, mais il n’y a que ça qui permet de distinguer l’absurde comédie humaine qui fait notre société. Si la vérité n’est qu’un consensus, si la vérité n’est que l’interprétation sélective des faits que tu hiérarchises, valides ou invalides, tout n’est que fiction. Si l’idée est de vouloir prouver que sa fiction est meilleure donc s’impose à celle des autres, c’est à la fois une folie et une tragédie. Ah, nous y sommes. Je suis donc réac. Dur, au petit matin.

Qui furent donc les gilets jaunes pour ces bobos très satisfaits de leurs certitudes ? Ces fameux réacs, ces français déclassés mais donc, selon les experts de France Culture, victimes d’un déni somme toute condamnable (ils sont cons, pour faire court). Des français qui n’ont pas pris le train du monde, qui n’avait pas les jambes assez fortes pour courir et saisir l’opportunité, le kairos implacable d’un monde moderne, serviteur implacable d’un darwinisme cruel mais érigé, reconnu, en loi immanente (sinon ces imbéciles de dinosaures auraient fini par inventer la démocratie bien avant nous).

C’est pour ça qu’il a été facile de passer sur les mutilations, sur le harcèlement, sur le tabassage en règle que ces citoyens ont subi, qu’ils ont vécu dans leur chair et leur tête. Finalement, ils l’avaient bien mérité à nous bloquer pour nous empêcher de prendre nos vacances bien méritées. Et ils étaient d’extrême droite. Ah, cet anathème qu’il suffit de citer pour forclore tout débat. Toi qui est contre l’immigration, tu es donc mécaniquement raciste. Tout part de ça et tout est resté à ça. Mais j’ai de plus en plus de mal à écoutes les analyses qui décrivent les votants du RN et tout ce qui n’est pas à gauche comme des « fachos ». Nous allons crever de cette discorde, nous sommes tous inutilement divisés et opposés avec l’impossibilité d’un dialogue.

Dans cette logique absolutiste et intransigeante, les gilets jaunes ont été victimes d’une répression, d’une sauvagerie systémique, qui ne peut laisser que des traumatismes et de l’amertume. Rêver leur retour, c’est encore se dire que cet autre, qu’on méprise et qu’on moque, dont la plouquerie nous arrache un long soupir d’atermoiement, va venir, à notre place, se taper le sale boulot. C’est aussi ne pas avoir compris que cette strate d’individus, qui venaient du réel, une réalité sale et matérielle, ont été brisés, hachés menus, et totalement refroidis par le manque de soutien populaire. Il y a eu une grande victoire du « pouvoir » fin 2019, juste avant le Covid. L’exemple avait été fait, le principe avait été accepté, celui que le « pouvoir » puisse défoncer le peuple avec une totale tranquillité d’esprit. La glorieuse manifestation du « kratos », cette logique qui induit que nous perdurons dans une pensée ancienne et rance, qui finit toujours par l’expression et la victoire de la violence.

Les séditieux ayant été matés, peu de temps après il était judicieux de voir si les autres seraient obéissants, de mesurer le niveau de complaisance. Nous fûmes du bétail stoïque et appliqué à paître là, où et quand nous devions le faire. De par mon signe zodiacal, je suis une bête à cornes, donc c’est un peu mon destin d’être cocu. Je ne me considère donc pas être meilleur que les autres. J’ai signé moi aussi mes propres attestations de sortie. J’y ai cru, j’avais le nez sur les stats, je constatais une partie de l’escroquerie, je restais constructif. J’avais surtout peur de causer du tort. Je ne pouvais pas envisager qu’il puisse y avoir derrière tout ça un dessein autre que protéger la population à prévenir le pire. Puis j’ai découvert Saint Just.

« Tout le monde veut gouverner, personne ne veut être citoyen. Où est donc la cité ? » / « Un peuple n’a qu’un ennemi dangereux, c’est son gouvernement » / « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. »

Depuis, je continue de contracter mais très prudemment.

Que sera demain ? Sur ce blog, j’ai annoncé il y a quelques mois, en début d’année si mes souvenirs sont bons, que la rentrée serait terrible. Nous y sommes. Un bras de fer peut s’engager… ou alors ça sera l’accomplissement de ce grand plan qui vise à défaire la France, à la détruire. 50 ans que nous subissons une guerre économique souterraine, avec la complaisance de ceux qui ont fait de l’argent leur Graal et leur but. Ce pays, son peuple, auront été sacrifiés. Tout ça me rappelle l’incipit de Philip K Dick dans Substance mort (de mémoire, je l’ai lu il y a 30 ans maintenant). Il évoquait le destin de ses amis, tous rattrapés par les abus de substances illicites. Il réclamait de la clémence, il manifestait de la compassion pour leur légèreté, pour leur insouciance. J’ai l’impression que ce sera ça le bilan, plus tard, quand les historiens reviendront sur cette période. Un peuple qui profitait d’un bonheur, certes imparfait, il ne faut pas non plus céder à cette idée qu’hier c’était le paradis, mais merde, nous n’étions pas dans cette mouise abominable qui fait que le système n’est devenu qu’un repaire de parasites tout à fait prêts à détruire un peuple, une nation et ses institutions à seules fins de pillage et d’une cupidité sans fin. L’inconséquence de notre élite politique est une insigne preuve d’une trahison organisée.

Donc, nous allons voir, rapidement, comment les choses vont se passer. De grands soulèvements ? Il en faudra plus. Du chaos ? Oui, à minima. Du changement ? Pour du bon, il faudrait casser la baraque, renverser la table. Entre la droite mortifère et la gauche rétrograde, quel espoir réel peut survenir ? L’Europe va nous détruire, méthodiquement, légalement, la mithridatisation fatale. La grande menace c’est qu’il n’y ait plus de français, juste des individus qui pourront attester être nés dans une certaine partie du monde, se remémorant vaguement les paroles agressives d’un hymne, le chant d’un monde ancien et barbare, avant l’apogée démocratique.

Il y a ceux qui pensent que la révolution française ne s’est jamais vraiment achevée. Il est possible que nous assistions à sa conclusion, peu glorieuse, avec le retour à toutes les inégalités passés. D’une démocratie de libertés nous sommes passés à une démocratie de privilèges. L’agora est redevenue la Cour, avec son petit roi soleil qui détrousse la constitution pour l’incliner dans la position qu’il souhaite et qui lui permet d’en avoir le contrôle.

L’aristocratie qui était l’idée d’un pouvoir exercé par la manifestation de l’excellence a été pervertie en devenant une caste d’individus qui accaparent la richesse par le truchement de règles et de lois aussi iniques qu’injustes. C’est ce qui avait motivé la révolte et la colère en 1789. La faim oui, mais aussi le sentiment d’injustice. C’est ce que nous vivons à nouveau aujourd’hui. Mais le peuple n’est plus le même. Il n’a pas encore vraiment faim, même si les banques alimentaires voient les cohortes de demandeurs exploser.

Tout ce qui composait le Tiers-état était solidaire, en 1789, de sa réalité terrible. Nous, nous sommes atomisés, individualisés, nous sommes entretenus dans des oppositions autant factices qu’illusoires (il faudrait déjà parvenir à s’affranchir de cette maudite comparaison sociale, de ce réflexe à rejeter cet autre qui ne nous ressemble pas). Quand être de la classe « moyenne » ne sera pas un vague moment de fierté, mais la conscience que cela induit qu’il y ait une strate en dessous mais aussi au dessus. Quand l’idée même que la pauvreté s’impose comme une abomination et non plus une simple banalité, alors il y a la possibilité d’un changement car ce sera nous obliger à comprendre qu’il n’est absolument pas possible de créer un bonheur durable, mais également moral, sur le malheur des autres.

A suivre, donc… L’automne sera Sioux ou Apache, en espérant que l’hiver ne tourne pas à Fort Alamo (et oui, j’aime la culture ricaine, le destin des autochtones devrait un peu nous alerter).

Une rentrée 2024 dans la réalité d’une démostasis

Oulà, qu’il est beau mon titre de billet ! Qu’il est beau mon néologisme, qu’il est grec ! Donc, « démo », je ne vous ferai pas l’affront de vous soupçonner d’en ignorer le sens, mais « stasis », dixit Wikipédia :

La stasis (du grec ancien στάσις / stásis, pluriel στάσεις / stáseis, « faction, discorde, sédition »1) désigne dans la Grèce antique une crise politique d’origine sociale et morale procédant d’un conflit interne à une cité-État sur le fondement d’un déséquilibre ressenti dans la répartition du pouvoir, pouvant mener à la guerre civile.

Nous vivons donc une belle et totale démostasis, soit la faillite de la démocratie représentative qui en soi est de toute manière une belle escroquerie, et ce depuis son élaboration quelque peu opportuniste à un moment crucial qui a vu un changement de paradigme durable et difficilement réversible. Quand des êtres humains se mettent à croire en la liberté, c’est difficile de les remettre en cage en leur faisant avaler les couleuvres du droit divin et toutes ces sacralisations bien pratiques pour fixer les choses comme on veut qu’elles le restent. Faire croire à un peuple qu’il aurait le pouvoir en faisant confiance à des représentants qui, naturellement, seraient immunisés à la corruption du pouvoir et à la tentation d’une mercenaire duplicité, reste un coup magistral. Mais nous en sommes à un point de tension, à un point de surtension même, qui est le préambule à une crise systémique et peut-être même idéologique.

Jamais nous n’aurons autant discuté sur la Constitution, ce texte sacré, sur le totalitarisme, jamais il n’y aura eu cette interrogation sur la réalité d’une dictature, affirmée ou cachée. Jamais nous n’aurons senti le retour du harnais autour de nos délicats coups de bêtes de somme. Recentrons le débat sur l’espace de notre hexagone. Le peuple français aura été déclaré à peu près tout depuis un demi siècle : râleurs, fainéants, profiteurs, médiocres, et même carrément soupçonné de dégénérescence. Jamais nous n’avons été aussi divisés, contrariés, opposés, flattés ou méprisés qu’à l’heure actuelle. La preuve, nous avons un Parlement reflétant 3 blocs à l’impossible mixité. 3 huiles différentes qui refusent de se mélanger et qui surtout, ne le veulent pas. Ainsi, nous arrivons à la terrible vérité d’une déficience, d’une impossibilité de gestion par le mouvement politique. Ne reste donc que le salut apporté par la sacrosainte loi, presque naturelle elle-aussi, du marché. Ah, le marché… Ce dieu, n’ayons pas peur des mots, qui auto-régule tout par les voies sacrées (elles-aussi) de l’offre et de la demande, les deux archanges de cette pas si nouvelle religion.

J’exagère, mais finalement c’est bien à ça que certains rêvent d’arriver. Un pays ingouvernable devenant une simple région, d’irréductibles gaulois, qui ne pouvant trouver le salut dans ses illusions démocratiques, va devoir se soumettre à la toute puissance d’une technocratie qui elle ne subit pas toutes ces errances quelque peu improductives.

La volonté politique en France aura été, consciencieusement, de détruire ce qui fait un citoyen pour ne produire que des individus consuméristes et individualistes. Nous y sommes. Alors, comme l’a si bien écrit Gainsbourg, « quoi ? ». Ce matin, j’écoutais un obscure éditorialiste vanter un sondage qui veut faire croire que les « français » sont moins déprimés en cette rentrée 2024. Sans déconner ? Donc, que va-t-il se passer ? Depuis deux semaines, je mise sur Cazeneuve, mais il y a un tel feedback négatif que ça peut influencer la mascarade à venir. Se foutre de la gueule du peuple, oui, mais avec un peu les formes, le but étant de faire tenir le petit édifice branlant qu’est devenu notre système politico-administratif. J’ai entendu les noms de Sarkozy et de Hollande… que dire sinon que j’ai explosé de rire… Hollande, l’ennemi de la finance, ayant intronisé notre suprême monarque issu du monde de l’adversaire, sans nul doute par désir de combattre le mal par le mal (c’est pas vraiment gagné), pourrait devenir le premier majordome de l’ancien ? Nous vivons une farce, et sincèrement, je n’arrive pas à imaginer ce qui va suivre.

Ce qui est déplorable, c’est bien le vide de l’offre politique actuelle. Nous payons des décennies de libéralisme échevelé. Des individus sans consistance intellectuelle, des arrivistes qui réduisent la chose politique à l’application scolaire d’un sophisme de bon ton. Mélenchon, le seul à avoir un peu d’épaules, jouent son ultime coup de Jarnac avec les prochaines présidentielles, anticipées ou non. Le pays est mal, tous les signaux sont au rouge, et personne n’en parle, à part dans les petits médias alternatifs qui ne participent pas au narratif qui camoufle le désastre. Des diversions sont tentées, qui ressemblent toutes à des blagues : l’épidémie Monkeypox, les faits divers les plus tristes et sordides qui s’alignent jour après jour pour nous maintenir dans une fiévreuse émotivité, les manifestations sportives et leurs petits shoots d’adrénaline, l’immigration par ci par là… Absolument tout y passe, et pourtant, pourtant, le malaise est là, la colère est froide, les yeux un peu trop cernés par des nuits qui n’ont pas été de fête mais bien d’angoisse.

J’attends la blague de notre leader suprême. J’ai peur d’être déçu quand même. Il aura toujours été surprenant dans sa manière de foutre le bordel. Pas imprévisible. Quand tu as compris que le but c’est la dévastation en profitant de l’effet de stupéfaction, tu te prépares. J’aimerais créer un compteur de roublardise en mettant, à chaque degré atteint, les points forts de ce désastre bi-quinquénal.

Ah oui, il pourrait y avoir une destitution. Sérieusement, comme si les agents zélés d’un système allaient faire quoi que ce soit pour le changer vraiment. Car c’est ça la terrible vérité dans tout ça : il n’y a pas d’opposants et d’adversaires, il y a des bactéries vivaces qui se disputent les organes d’un même système, le but n’étant pas qu’il guérisse mais bien d’en sucer la substantifique moelle. Après, je ne sais pas pourquoi Castet n’aura pas été désignée, elle n’aurait pas fait long feu. J’ai l’impression que le but c’est jouer la montre un maximum, et dans cette logique là, il n’y a pas de petites économies, plus maintenant quand le torchon brûle et menace d’enflammer la cuisine.

Bonne rentrée en Démostasie !

AbracadabrIA

Voilà… Vous êtes plein d’une bonne volonté combative et positive, et paf, alors que vous vous êtes mis à bosser au petit matin, vous entendez encore un propos admiratif, bourré de superlatifs, pour nous annoncer, encore, la menace des IA concernant l’avenir de l’Homme. Non, je déconne. Concernant l’employabilité de l’homme (avec un petit h qui inclue la Femme) ou plutôt son utilité dans un monde où il y a des droits mais aussi et surtout des devoirs. Le devoir d’obéir et de rapporter de la thune car faut pas déconner, tous ces droits ça coûte cher, comme si vous étiez nés pour vous tourner les pouces sur le dos de la glorieuse collectivité et ses héros producteurs et anonymes.

J’y ai cru au(x) IA(s). Je sais, j’aurais toujours ce coté un peu naïf, cette volonté de croire à fond au tour de magie sans me dire qu’il y a un truc, mais plutôt que j’assiste peut-être à un phénomène échappant à la platitude des injonctions de la physique élémentaire (après, à mes yeux, la physique élémentaire c’est de la magie ordinaire, mais je ne m’égarerai pas aujourd’hui à ce sujet – j’ai du boulot !). Donc, au début, j’y ai cru. En bref, et pour faire clair, pour ne pas faire comme tous les observateurs qui cèdent ainsi aux injonctions de croire sans vouloir comprendre, j’ai cru que des génies du développement informatique avaient réussi à coder la créativité, l’inventivité, que des schémas d’élaboration intellectuelle et/ou artistique avaient été algorithmés, à coups de grandes équations complexes échappant enfin à la tyrannie du fonctionnement binaire.

Il faut dire que me concernant, ça faisait rêver. J’ai littéralement des dizaines de concepts, d’idées, de scénarios qui attendent et que je ne pourrais sans nul doute jamais concrétiser parce que je suis d’une part individualiste et d’autre part car je suis réaliste. Mais les IA, durant un temps, furent une promesse qui engendra des petites étoiles dans mes yeux gris fatigués, qui créa en moi ces papillons dans le ventre qui font la joie des récits érotiques quand Madame dévoile ses pulsions matinales avec la subtile légèreté de la métaphore coprophile. Alors je m’y suis mis, j’ai prompté, j’ai testé, j’ai essayé, j’ai benchmarké pour reprendre des termes qui maintenant me font sourire plus qu’ils ne m’inspirent. Et au fil du temps, ce sont surtout les limites, les contraintes, allez, osons le mot terrible, les frustrations, qui se sont imposés à moi, balayant les papillons comme le fait consciencieusement mon chat noir adoré (infatigable machine à gober).

Une fois encore, dans ce monde de mensonges et d’escroqueries, où tacitement les acteurs majeurs d’un système s’entendent imposer un narratif en lieu et place de la réalité, tout ça n’est qu’un tour de magie, la fraîcheur de la crédulité essorée. Pillage de droits intellectuels, pillage d’œuvres, processus de confection qui tiennent davantage du bricolage méthodique que de la confection héroïque, les IA ne sont qu’un trompe-l’œil de plus dans ce panorama de grugeurs et de petits profiteurs. Oui, si vous n’avez aucune culture générale, si vous souhaitez juste aligner des mots pour aligner des mots sans chercher, à mon exemple, à jouer un peu avec les possibilités de la sémantique et surtout l’ingéniosité à créer quelque chose qui dépasse l’énonciation basique d’une idée, alors oui, oui, oui, les IA c’est génial. Enfin, ça ne reste que de la mise bout à bout de mots répondant à une thématique, mais l’amoncellement de caractères, des petites fulgurances piochées de ci de là, peuvent vous ébaudir et vous troubler durablement. J’avais accompli un test avec ChatGPT (ce que mon esprit retors me force à lire comme LHOOQ) qui avait été accablant. Des conneries, des lieux communs, des absurdités, en bref un niveau d’information, une qualité d’information totalement nulle. Oui, la syntaxe était là, j’avais les yeux moins abîmés qu’à l’accoutumée en lisant de la prose de réseau social, mais dans le fond c’était faux et surtout délirant. Déjà, j’ai senti la roublardise de l’outil, qui n’hésite pas à déclarer avec conviction la plus énorme des conneries. Je me suis dit, alors, victime de ma propre propension à imaginer le meilleur, que ce cerveau mécanique allait grandir et mûrir, oubliant que tout ça ne reste qu’une lutte entre le O et le 1, condamnant cette fameuse intelligence à ne jamais pouvoir sortir de l’ornière fatale de la binarité crasse (ou manichéisme). Qu’elle pouvait apprendre. De cet instinct paternel qui me colle au karma durablement.

Ensuite, je me suis attelé aux IA de création artistique… encore une fois, avec les meilleures intentions. Je me suis dit que pour mes projets, avoir un petit assistant me ferait du bien, mais j’ai encore bien déchanté. Résultats hasardeux, maîtrise nulle du processus, et surtout l’obligation de devenir rapido un ingénieur du prompt (dire que certains imbéciles se sont gaussé un jour de ma volonté à devenir directeur artistique tandis que tout ce que je créais était bassement rémunéré et totalement récupéré par l’entreprise qui se faisait un pognon de fou sur mon dos). Il faut le dire : il y a encore, dans le domaine de l’informatique, cette fascination un peu débile en considérant la plomberie digitale pour autre chose que ce qu’elle est. Après, quand on voit constamment les mêmes commentaires subjugués clamant que l’IA est là et pouf, plus besoin d’humains, pourquoi se gêner ?

Après deux ans d’observation, après deux ans à tester, je le dis : les IA sont du bluff, de la grosse machine à stocker et traiter de la donnée. Un savant dosage entre une masse de patern et une masse de lego. L’individu sans créativité, le pur consommateur, y trouvera son compte, car sans fatigue, sans effort, sans réflexion, sans l’étincelle qui fait que vous n’êtes pas qu’une bouche physique et mentale qui ingère sans cesse, il pourra crânement se dire qu’il faut aussi bien que l’individu qui aura sué (mais quel crétin) pour produire ce que quelques mots savamment ordonnés auront réalisé. Les IA, en cela, sont encore une fois la démonstration patente d’une dégénérescence à la fois morale et intellectuelle, pour ne pas dire existentielle. Car ces IA ne sont, à l’arrivée, qu’un mécanisme d’exploitation supplémentaire.

Un processus de protection des droits à la propriété intellectuelle va se renforcer. Et il sera salutaire pour beaucoup de redescendre sur terre. Il faut arrêter d’utiliser le terme « intelligence » lorsque le processus moteur est celui d’un assemblage vulgaire. Il n’y a pas une once de réflexion, pas une once d’autonomie, de création, dans le processus. Juste une base de données avec la colonne « œil » et une zone d’assemblage avec une délimitation précise où placer la fameuse donnée, de part d’autre de la zone « nez ». Après, du croisement dynamique, du filtre, un petit script pour les transitions, une variable pour l’homogénéité. Ok, c’est quand même du boulot, à concevoir, à coder, à rendre viable. Mais ce n’est pas de l’intelligence. C’est encore une fois de la plomberie, ni plus ni moins. Et un tuyau c’est beau, mais ça reste qu’un putain de tuyau, et une plomberie une putain de plomberie. Il vous est tout de même permis de vous éberluez devant la beauté sobre et pur d’un bidet finement stylisé, ce n’est pas à moi de tyranniser vos goûts.

Allez, je retourne à mon boulot… et dire que durant un temps j’ai eu l’illusion de croire que ces outils pouvaient me faire gagner du temps. Là, dans le processus de création artistique, ces IA pourraient s’avérer utiles… non pas en pillant les artistes mais bien en les aidant à créer, en facilitant tous les processus souvent astreignants qui demandent du temps. Mais il y a tellement moins de pognons à se faire, que je n’imagine même pas que ce petit miracle ait lieu. Attention, je ne dis pas que ces outils ne sont pas utiles. Je dis juste qu’il faut faire la part des choses. Comme l’a si bien dit le Christ, rendre à César ce qui appartient à César… et s’il faut commencer à rémunérer les artistes qui abondent les bases de données actuelles, c’est clair que l’opération sera d’un coup beaucoup moins rentable et donc immédiatement sabordée.

Sick of themselves

Un titre un peu malicieux mais j’évoque en filigrane mon état maladif du jour, renvoyant vers le malaise, sensible, dans notre bonne vieille société française. J’aurais passé un été particulièrement intense, avec une hyperactivité encore davantage accrue par une santé qui ce jour, exceptionnellement, me fait donc défaut. Impotent, affalé sur mon canapé, les poumons irrités par je ne sais quel mal qui m’aura chopé au détour d’une inspiration fatale, je me suis donc dit que l’occasion était belle d’écrire pour écrire.

La période reste fascinante bien que profondément tragique. Je ne sais même pas par quoi commencer le diagnostic du jour. Un président en roue libre, à la roublardise flirtant avec le trouble psychiatrique, une économie en état de mort cérébrale dont le corps peu à peu pourrit par la tête, tout donne l’impression d’être embarqué sur un version moderne du Titanic, avec une belle vision de l’iceberg se profilant à l’horizon.

Quitte à faire un peu de philosophie de boudoir (je ne vais jamais au bar, je ne peux donc m’acquitter de celle de comptoir), tout donne l’impression que l’immense fiction qui nous sert de réalité est en train de se déliter doucement, mais sûrement. Cet été aura donc été une sorte de rêve éveillé, une euphorie malsaine, avec des états orgasmiques commentés autour du sport, avec des moments colériques en voyant des idéologies d’une prétendue modernité s’imposer au petit et toujours fasciste peuple qui ne veut pas s’embarquer pour un monde de demain qui ressemble cyniquement aux tristes décadences antiques. Personnellement, j’aurais énormément travaillé et du coup je dois avouer que j’ai assisté à tout ça avec une nonchalance presque surprenante vu ma continuelle propension à l’indignation. Je pense surtout que j’ai enfin admis que je ne pouvais pas influer sur tout ça, je me suis résigné à regarder les êtres autour de moi se prendre des murs, trop occupé à encaisser les miens.

Souvent, je plaisante avec mes enfants sur cette idée que depuis ma naissance j’essaie de survivre au milieu des zombies. Tout me semble lent, tout m’a toujours semblé lent, et pour défouler cette immense énergie qui est ma nature, j’aurais passé l’essentiel de mon existence à m’agiter, à agir, à bosser, à créer, à détruire et reconstruire, sans m’arrêter, sans me dire un jour que tout ça finalement ne servait à rien. Mais cet été j’ai appris à ralentir, à me poser, à attendre, à rester dans le silence ou le noir. Non, je ne me contredis pas, j’ai bien passé un été à bosser comme un dingue. Mais sans m’épuiser, sans chercher le harassement pour trouver le repos dans l’étourdissement de la fatigue. J’ai mesuré l’effort, j’ai veillé à ne pas trop m’en demander, j’ai géré l’énergie pour ne pas la subir comme une oppression mais en cherchant à la canaliser. Du coup, alors que je suis dans une sorte d’élan constructif et positif, tout ce qui se passe à l’extérieur me semble comme une entropie sur laquelle je sais n’avoir aucune prise. Me reste le commentaire, l’honnêteté de reconnaître ma totale impuissance et la solitude de ma posture.

Comment s’intéresser à la politique quand l’offre actuelle est d’une nullité navrante ? Entre une gauche championne de la vertu autosatisfaite et la droite défenderesse d’un ordre qui se rêve idéal, il n’y a rien que de la posture, de l’imposture et de la forfaiture. Petite pensée pour Aubry et son accolade avec Ursula. Petite pensée pour les souverainistes qui se renvoient la balle dans une sorte de partie de ping-pong puéril qui ne crée rien qu’une chimère de plus dont il ne sortira qu’un murmure là où il faudrait un cri puissant. Que dire de Macron ? Il incarne l’absurdité d’un système qui se ment à lui-même, et bien plus grave, qui ment à son peuple. Un peuple coupable de se laisser traiter comme du bétail, et bien que de plus en plus de personnes comprennent et voient vers quoi nous allons, nous sommes pris et captés par la masse immense des complaisants, des passifs, des pensifs, des complices, des soumis, des lâches, qui vont voter comme de bons petits robots pour des sophistes qui bombent le torse en invoquant la grande idée républicaine, chose aussi informe et floue que le brouillard le plus spectral (jouez à Enshrouded !).

Peut-être que ces mots peuvent induire, de ma part, une forme de mécontentement, une sorte d’irritation, une trace d’amertume. Je suis davantage dans la résignation. A force de lire de la sagesse chinoise au détour d’une friandise emballée, je consens à lâcher prise. Les poings fermés et tendus, j’ai fini par m’apercevoir que la corde n’y était plus, et depuis longtemps. Il fallait donc que j’arrête de tirer sur la mienne. J’attends, donc, j’observe et je m’informe, je ne me mêle pas, je reste silencieux, ce qui, pour ceux qui me connaissent, est en soi un exploit de taille.

Comme une ironie que seule l’écriture peut créer comme l’araignée tissant une toile fatale, j’en reviens, je boucle, avec mon titre. Il évoque un film récent que j’invite à découvrir, avec une jeune femme qui se détruit par un terrible désir d’attirer l’attention, jusqu’à la folie, jusqu’à la destruction de sa chair et de son esprit. Je n’ai pas envie d’en arriver là. Je ne veux pas que les zombies finissent par me choper et me bouffent le cerveau. Il aura fallu un jour de maladie pour que j’écrive tout ça, mais paradoxalement je me sens en paix avec moi-même.

Bonne rentrée (sinon) !

La tension de l’implosion

Bon… j’ai beaucoup trop de boulot mais l’actualité politique est tellement dense et explosive que je ne peux pas venir m’épancher sur mon blog pour analyser, de mon petit point de vue, ce qui se passe… Quelle période folle que nous vivons ! Il y a un basculement, au niveau national mais aussi mondial, et notre pays symbolise parfaitement cette tension, palpable, sensible, que les événements, que les manigances politiques, accompagnent autant qu’elles engendrent.

Déjà, la réalité du Parlement… J’ai essayé d’expliquer à ma fille, qui commence à s’intéresser à la chose politique, l’erreur de ne mesurer les forces qu’avec le filtre bipolaire gauche/droite. Le recours permanent à l’analogie historique contribue pour beaucoup à maintenir une illusion idéologique alors que le véritable moteur des intérêts est à présent purement économique, voire prosaïquement financier. Il faut arrêter cet aveuglement qui consiste à imaginer nos animaux politiques poursuivre un quelconque idéal sociétal… Tout repose sur la manière dont est partagée, répartie pour être plus précis, la richesse. Et là, le Parlement actuel révèle des logiques qui ne laissent pas trop de place à un quelconque espoir pour ceux qui sont le plus démunis, les plus oubliés… et je pense notamment aux électeurs du RN qui ne sont pas majoritairement des fascistes mais bien des êtres humains faillibles, désespérés, en colère, perdus et enfumés par des médias très complaisants qui abusent de leur capacité de manipulation. Donc, ce Parlement ne compte qu’une centaine d’insoumis, face à tout le reste qui veut et va entretenir le système actuel. Ce n’est pas pour rien si notre monarque suprême vient de déclarer qu’il nommerait un Premier tyran, pardon, ministre, après le vote pour le président de l’Assemblée. Ce qui sortira de tout ça sera à l’évidence un compromis, donc au pire la sortante (mais très bon symbole de la tétanie systémique) au mieux De Courson qui serait tout du moins un arbitre un peu habité par ses responsabilités (mais ne soyons pas trop naïf quant à sa capacité à enfreindre la règle pour le bien du peuple, un tout petit peu le fond de tout ce fatras ludico-réglementaire). Mais à la fin, quoi qu’il en soit, entre la venue trop retardée de la proposition d’un premier ministrable du NFP qui révèle de la faille, de la rupture, entre deux idées de ce que doit être la Gauche, et les manœuvres pathétiques d’un président qui s’adresse par l’entremise de « lettres » à son peuple, révélant le recours à la manigance (mais pas que ça : il y a de la peur, il y a de la fuite, il y a cette sensation de pousser le bouchon à un point qui effraie un peu), ce Parlement est dans sa grande majorité à droite. Et par cela je ne dis pas qu’il y ait une quelconque idéologie qui unissent tous les partis, mais bien une idée de la répartition de la richesse produite par le peuple. Une richesse qui veut que les capitaux soient abondés sur le dos d’un peuple destiné à turbiner pour ce noble but.

L’implosion est inévitable. Que ce soit avec l’Europe qui veut nous dresser à coups d’amendes alors que c’est la France qui abonde magistralement ses caisses, ou les résultats calamiteux de la politique économique de ce qui apparaît avec le temps comme un incompétent ou un illuminé (je n’ose évoquer la traîtrise volontaire), la situation est terrible. La France est dévastée, gérée par un centralisme et tout un poulailler culturel qui avec une insouciance coupable, ont bâti leur bonheur sur la misère de leurs concitoyens en province. Que dire quand on regarde chaque région de notre pays à la loupe ? Que dire quand l’horizon est aussi sombre que la politique actuelle nous donne à constater ?

A l’évidence, le choix aura été fait de détruire ce qui faisait un peuple. Nous avons été atomisés, consciencieusement, nous avons été réduits à n’être que des individus isolés et incapables de nous unir vers et pour un but commun. Nous avons été encouragés à poursuivre un individualisme prédateur qui fait que l’autre est soit un ennemi soit une chose à exploiter. Il y a une réelle faillite morale dans tout ça, avec en principale responsable la tête de pont politique. Quand Jean-Luc Mélenchon est indéniablement la seule figure politique qui conserve des épaules et une réelle valeur (je n’ai pas osé parlé d’un « capital ») culturelle, c’est à la fois déconcertant et déprimant. Dans le fond des choses, il n’y a aucune proposition novatrice qui ressorte de tout ce bordel politique. Présenter la France Insoumise comme une force du chaos ou, avec un peu de vernis, de la révolution, est une farce. Nous n’avons qu’une horde de réformistes qui veulent ajuster le système à la marge. Sauf que c’est bien une page qui se tourne, alors la marge elle se fout bien de notre gueule.

De cette inconscience, de ce narratif entretenu, soigneusement maintenu comme seule stratégie de gouvernance d’un système qui vit aux dépens d’un peuple comme des parasites n’ayant comme seule ambition de se nourrir jusqu’à ce que la bête soit exsangue, il ne sortira rien de bon. Ce futur Parlement, qui va décevoir tellement de gens, de droite ou de gauche, qui espèrent sincèrement (ou désespèrent, à mon instar) un changement positif, va incarner pleinement la faillite de la démocratie représentative. Macron a annoncé, avec des termes feutrés, doucement introduits comme tout ce qui pénètrent les zones sensibles, qu’il allait se pencher sur ces questions constitutionnelles. C’est la dernière étape d’un implacable retour à la féodalisation soit le déséquilibre institutionnalisé des forces par une hiérarchie sociale acceptée. Que reste-t-il de notre peuple, de ce conte pour enfants qu’est la France ?

La rentrée va être terrible, mais cet été ne le sera pas moins. 600 décrets passés en lousdé, un Parlement qui va commencer un sophisme industriel pour nous expliquer que « nous n’avons pas le choix ». La marmite qui commence à chauffer comme il faut, faisant que les grenouilles clamsent peu à peu mais sûrement. Clément Viktorovitch qui invite à la création d’une nouvelle Constituante, projet autant fantasque que cette idée de parler à un peuple via le médium fourni par un GAFAM… Tant que le constat liminaire ne sera pas de comprendre que la démocratie représentative repose sur la réalité d’une ploutocratie, nous continuerons à nous comporter comme des enfants turbulents auxquels il suffit de raconter une belle histoire pour taire toute velléité de changement.

Tant que nous estimerons que nous y sommes, à l’acmé de ce qui peut se faire en terme de gouvernance, tant que nous continuerons à adorer cette fameuse démocratie représentative comme une chose irréfutable, comme un processus fonctionnel et salvateur, nous serons piégés dans cette logique sisyphienne qui veut que nous attendions un espoir avec autant de chance qu’arrive un messie cosmique. Ce n’est pas impossible, mais c’est vraiment faire reposer son destin sur un coup de dé à mille faces.

Certains commencent à dénoncer la révolution de 1789 comme une révolution bourgeoise. Soit. Mais comme toujours, il faut aussi ne pas se perdre dans le manichéisme coupable. C’est bien des êtres éduqués, des êtres cultivés, des êtres idéalistes qui ont aussi insufflé ce qui fait la beauté des valeurs, d’une volonté humaniste inscrite encore sur certains frontons de nos monuments. La seule révolution qui peut changer les choses doit être culturelle et philosophique. Refuser le destin d’être réduits à des animaux dont on attend que d’être dominés, et donc manipulés, par nos bas instincts, nos humeurs et nos émotions. Sortir de l’enclos du narratif écrit pas des intérêts privés pour écrire celui d’une société qui se voudrait à nouveau unie et solidaire. Hier, ma fille me disait, suite aux événements de ce WE, que les ricains étaient un peuple de tarés. Je lui ai répondu que c’est le système et son idéologie qui engendre les névroses dans un peuple… et qu’il fallait arrêter de considérer que nous puissions être différents vu l’américanisation de notre pays, en nette accélération à la chute du mur de Berlin. En bref, et pour faire dans le brutal et le violent (soyons un peu redneck), sommes-nous encore français, ou sommes-nous devenus des américains ? Qu’est-ce que l’Amérique (un terme en soi qui nécessiterait tout un développement tant il porte en lui-même une histoire et une escroquerie), les Etats-Unis pour être plus précis ? Un ensemble de petits pays dirigés par une élite ploutocratique qui fait croire à un destin commun, à l’idée d’une compétition civilisationnelle. Si tu remplaces l’Amérique par l’Europe, tout s’éclaire et tout est simple.

Par ailleurs les restaurants à base de burgers ont vu exploser leurs bénéfices l’année dernière. S’il est possible de définir l’idéologie dominante d’un peuple par ses choix alimentaires, nous y sommes aussi. Est-il possible de se dégager de l’étreinte fatale de la sirène burger, symbole alimentaire de l’artificialité de nos sociétés ? Difficile à dire, mais entre une blanquette de veau et un machin tri-protéiné (bacon/poulet/fromage), mes gosses ont depuis longtemps fait leur choix. Qu’y puis-je ? Rien, c’est à eux de vouloir autre chose et pour leur défense on ne leur propose que ça à la carte du menu.

Allez, une grosse demi-heure à écrire (mais ça défoule), retour au boulot, surtout que ça va pas tarder à chauffer sec.

L’impasse idéologique

Bon… ce matin j’essaie de bosser mais il y a des fois où je suis dans des phases d’intenses turbinages intérieurs et c’est pas évident d’être bassement, mais pragmatiquement, productif. Avant de venir ici, j’ai réalisé un petit boulot de planification… mais à force d’écouter les analyses et les commentaires de la chose politique (ne pas mettre les médias en marche en bossant), une fois encore je viens me perdre dans ces horizons arctiques car voilà, créature de Frankenstein oblige.

J’écoute tout, comme toujours. La gauche, la droite, le centre mou, et tous ceux qui ne sont pas dans ces polarités mais bien dans le navire qui tangue, tangue, tangue, et qui n’a pas du tout fini de tanguer (ça va même très très secouer dans très peu de temps).

Nous en sommes à la phase des espoirs et des promesses, de la digestion des déceptions et des amertumes prophètes d’un avenir sombre. Mon petit point de vue c’est que de toute manière nous sommes dans une impasse, et plus profondément que simplement choisir un camp, nous nous retrouvons dans une impasse idéologique. Que ce soit à gauche ou ailleurs, tout repose sur des schémas archaïques où germent en eux-mêmes les semences du problème. Ce que tout un système promeut, le seul point du consensus qui nourrit la validation médiatique, c’est la nécessité d’un productivisme qui transforme l’individu honteux en travailleur glorieux. Il y a là la base d’une errance où il est facile, si tentant, de se perdre. Oui, il est si bon de participer à cette synergie collective, il est si bon de faire partie du corps avec la sensation d’en être un organe vibrant et actif. Oui, je sais, j’ai nourris mes propres chimères avec cette passion que je nourris pour le travail qui me pousse par ailleurs à écrire ces lignes plutôt que me distraire ou m’évader dans des activité ludico-productive (ça y est, j’ai décidé de me lancer dans l’écriture d’un ouvrage dont j’ai achevé le plan). Mais là, le (bon) vouloir ne va pas suffire. Nous nous écroulons sur nous-mêmes, nous nous agitons et nous remuons du vide pour le vide. Jamais nous n’aurons été dans une sorte de bavardage intense dans une tentation lancinante de l’obsession stérile. Y en a des obsessions qui reviennent dans les débats, par ailleurs : le méchant Mélenchon, la dette menaçante, le machiavéliste président, l’impuissance politique et économique, le reste du monde qui nous rappelle constamment à quel point nous sommes petits et si négligeables. Tout nous rappelle constamment que l’apocalypse arrive et que ça va être dur comme la pointe d’un diamant qui pète celui qui rutilait avant.

Il y a un petit bruit derrière tout ça, il y a un petit bruissement d’énergie et d’envie qui circule dans des petits canaux isolés mais qui commencent à s’irriguer entre eux. Dans ces corridors souterrains qualifiés souvent de complotistes par une bonne pensance très installée, il y a de l’ambition et quoi qu’on en dise une saine volonté. Des gens qui rêvent de leur pays, qui veulent retrouver le bonheur collectif comme but sociétal et politique. Des gens qui rêvent de justice et d’un mouvement qui tendrait non à tenir les meubles d’une baraque qui s’effondre, mais bien proposer un retour à l’ambition d’un pays qui se veut pays et non petit atome d’un tout qui le rend infime et dérisoire, qui le pille tout en le dénigrant consciencieusement. Hier soir j’écoutais donc la rencontre jubilatoire de Pierre-Yves Rougeyron du Cercle Aristote et Yohan du Canard réfractaire, arbitré par un Idriss Aberkane jovial. Bonheur de voir des bords se rejoindre non pour s’invectiver dans une logique binaire mais bien s’écouter pour se rejoindre dans une idée commune d’un avenir commun. Je sors, personnellement, rincé de ses élections législatives. Je parle à mes voisins, certains votant RN. Ce ne sont pas des fascistes, ce ne sont pas des salauds ou des racistes. Oui, je sais, ne sombrons pas dans l’angélisme, mon travers par ailleurs, il y en a car la haine pathologique est aussi réelle que la candeur coupable. Mais une fois encore réduire le débat à un combat manichéen avec la création très opportune d’un Front Républicain qui demeure en lui-même l’incarnation de la fracturation d’un peuple, est une errance insupportable. Cet abus de la référence historique pour asseoir une pensée vide, pour camoufler le manque d’inspiration, le besoin d’en trouver dans un passé qui nous a fait connaître l’hubrys ultime d’un conflit mondial particulièrement destructeur, est consternant.

Ce matin, un commentateur (sur Tocsin) évoquait la médiocrité du personnel politique. Soit. Qu’attendre dans une société de la jouissance qu’une succession d’apparatchiks qui jonglent avec le lexique de la sophistique élémentaire ? Il y a quelque chose de fascinant à voir ce combat pour la démocratie menacée par la bête immonde. Ils y croient les bougres, ils s’enfièvrent et s’angoissent en imaginant des défilés d’uniformes bruns dans des champs Elysées relayant l’imagerie d’une société napoléonienne croisée avec un fascisme du début XXème. Nous sommes dans un ancien monde qui meurt et nous emporte avec lui, comme l’écume prise dans un siphon implacable.

Outre Atlantique, un vieux monarque dévoile sa triste obsolescence, symbole involontaire et tragique d’un système incapable de lâcher prise. Là-bas aussi, il y a une stratégie du pourrissement. C’est sans nul doute la seule qui reste une fois tous les abus consommés. Quand tout est construit sur la base mouvante et mourante de l’exploitation d’autrui, les recours ne sont pas nombreux. J’ai abordé ici, à maintes reprises, la tentation de la verticalisation. Pour le coup, l’Histoire regorge de révélations quant à l’avenir de ce type de construction sociale… une tête malade ne rend jamais un corps sain qui comme une hydre pragmatique choisit un jour d’en changer. Dans l’espoir d’avoir enfin la bonne tête qui le guide et le nourrit au lieu de s’enfler à ses dépens. Il y a quelque chose de résolument pathétique, et il faut le dire, méprisable, que ce désir de jouir de ce que l’on extorque à l’autre. Il y a de la psychopathie et de la sociopathie a prendre tout en prétextant que celui d’en dessous, quoi qu’il en soit, ne le mérite pas. Comme le disait Georges Kusmanovic suite au résultat de ces élections, il y a de la fable de La Fontaine dans tout ça. La grenouille qui se veut plus grosse que le boeuf et tout ça.

Nous nous débattons dans des vieux schémas, nous nous suffisons des vieilles, si vieilles, modélisations. Le marxisme était une analyse brillante, il est vrai… même si elle était le suc d’un système qu’elle croyait dénoncer. Je sais, vous me direz que nous sommes de toute manière pris comme dans une toile d’araignée par le train aliénant de la globalisation. Ce n’est pas que la France qui subit tout ça, c’est bien le monde entier. Absolument tous les peuples sur le globe sont en train de subir un destin commun, une logique commune. Et quand un pays comme le notre, qui a pourtant tous les moyens d’une réelle autonomie, se met dans la triste position de la pure dépendance, que faire et que dire ? Que penser, que vouloir, que désirer, qu’espérer, sinon trembloter dans son coin en priant pour que les demains ne soient pas aussi terribles qu’on les annonce.

Ils le seront. Une fois la farce actuelle éventée, une fois les illusions des lendemains de cuite dissipées, le réveil sera brutal et dur. Pour beaucoup, c’est déjà le cas. Ce n’est pourtant pas une fatalité. Mais ça demande à chacun d’entre nous de résister, de ne plus accepter des règles et des visions du monde, et de nous-mêmes, qui nous aliènent et nous empêchent. De ne plus êtres des petits hommes (et femmes) réduits à une animalité consommée. Quand les peuples comprendront qu’ils sont traités comme du bétail, quand arrivera cette prise de conscience, les choses pourront changer. Mais pour cela, il est vrai que nous devons aussi ne plus endosser le rôle avec une docilité déconcertante. Une pensée pour tous ceux qui sont pris dans l’inertie implacable de l’apathie ou de l’inconscience. Je repense encore à cet argument d’une injustice parfaite délivré par ce qui est sacralisé dans nos sociétés comme le symbole de Justice (ce qui en soi est très révélateur) : la turpitude. Tout ce cirque est permis voire bâti sur cette idée, sur cette volonté, sur cette attitude. Que de passivité, que d’acceptation, que d’allant à valider les raisonnements toujours réducteurs des élites condescendantes, si coupables d’être indigne de leur position, de leur prétendu surplomb tant moral qu’intellectuel. Qu’attendre d’une société où la vanité n’est plus une honte mais une médaille ? Qu’attendre d’un système où l’indignité est dans la faiblesse et non dans l’expression d’une domination à la fois brutale et perverse ?

Vraiment, essentiellement, il faut remplacer le kratos par l’ethos. Nous devons vouloir ce changement, nous devons refuser cette sacralisation qui installe un monde figé, délétère et sans issu. Oui, il y a une révolution à faire, pas dans les rues, pas en surface, mais intérieure, profonde. Il faut repenser les bases, ne pas se contenter d’un but contraint à un système pré-existant, mais bien vouloir tendre vers une aspiration à la fois collective et ambitieuse. Une première brique à la grande et nouvelle bâtisse : la nécessité première de la Justice élémentaire et de la solidarité glorieuse. Ne pas limiter la philanthropie à un don financier déductible des impôts. Comprendre que toute richesse excessive ne se permet et ne se crée que dans la spoliation et l’acceptation d’une inégalité systémique.

Oui, je sais, c’est chiant, ça fait de la soupasse philosophique, mais c’est ça qu’il faut pour penser un monde meilleur. Les commentaires et les convictions personnelles ne feront que de la tuile de paille qui n’empêchera pas la grêle de tout casser. Le vrai défi repose peut-être entre la bestialité d’une société des émotions aussi fragiles et manipulable et celle d’une peuple rationnel qui ne s’interdit jamais d’interroger la moindre certitude qui crée les profondes inégalités qui le torture ? Quoi qu’il en soit, et en conclusion, les idéologies actuelles ne sont que des impasses : pour en sortir il faut peut-être aller au bout de la pente, il faut la dévaler pour en constater l’angle perfide. La France demeure le pays possédant symboliquement le capital nécessaire à l’élaboration d’un nouvel idéal. Mais il ne se fera pas en recyclant sans fin les modélisations d’un passé révolu, en se figeant dans une vision archaïque des sociétés humaines, condamnées à l’injustice et à la seule condition d’un « kratos » qui suppose implicitement un maître… et un soumis.

Un point de bascule

Quelques jours avant le second tour des législatives et dans les médias les projections et les Cassandre(s) se disputent toutes les théories et les analyses concernant la suite des événements.

J’ai écrit moult billets depuis quelques semaines qui pourrissent dans la section des brouillons de ce site. Dans l’un d’entre eux je me risquais à la métaphore en disant simplement que pour retrouver la santé tous les régimes possibles ne sont guère utiles lorsque vous vous trouvez dans un bolide dont vous n’avez pas le volant. Mais à vrai dire, je pense que le problème politique, démocratique, économique que nous traversons est, dans la configuration systémique qui est la notre, insoluble.

Ce matin, j’écoutais un fervent défenseur de la démocratie représentative… D’ordinaire, je suis davantage habitué à ceux qui la souhaiteraient davantage participative. Nous sommes dans un moment de tumulte pendant lequel chacun donne son opinion, sa vision des choses, sa solution, son remède, son expédient. Quoi qu’il se passe dimanche, nous serons dans la continuité d’une phase de révélation qui s’est entamée à l’issue des élections présidentielles en 2022. Il n’y a pas de mouvement révolutionnaire en marche, il n’y a, de gauche comme de droite, en exceptant de traiter chacun d’extrême, qu’une molle intention réformiste.

Quelle chose merveilleuse que la réforme. Allez, perdons quelques secondes précieuses à analyser le mot. Re-former, en résumé, donner une nouvelle forme à une chose qui nécessitait d’en changer. Ce qui m’amuse toujours avec la réforme, c’est qu’elle contient en elle, par un abus dogmatique, l’idée qu’elle est toujours un progrès. Sérieusement. Et dans notre système au sophisme triomphant, la réforme devient un levier puissant pour valider une idée sans vraiment faire la démonstration des arguments. C’est comme ça que depuis des années ont été détricotées de très belles choses pour d’excellentes raisons, en donnant les récoltes minables ou les pires conséquences, sans que jamais ne soit remis en cause l’abus de la réforme pour la réforme. De la malédiction de la conviction qui en politique fait qu’on puisse endetter un pays pour 30 générations en prétendant l’avoir messianiquement sauvé.

Quoi qu’il arrive, qu’il y ait un pourrissement ou des ajustements à la marge, rien ne va changer. Le signe qui détermine mon pessimisme ? La stabilité de la bourse qui après une période d’angoisse s’est vite rassérénée.

Certains veulent y croire, un peu comme si nous nous trouvions à la veille d’un grand matin. Vous êtes sommés de choisir votre camp. Mais plus que jamais, à mes yeux, il n’y a pas de salut dans ce que j’entends. Le piège de nos sociétés libérales, c’est que la solidarité, la volonté même de construire une société humaine fonctionnelle visant le bonheur collectif, arrive en queue de peloton derrière les intérêts personnels. Les intérêts de classe, les intérêts électoralistes, les intérêts à la bourse, en bref des agios comptables, très personnels.

Donc j’irais voter, marionnette de plus dans un théâtre bien organisé. Après, il sera intéressant de voir les postures et les impostures que vont révéler les votes, les projets de loi, les discussions. La politique française s’est totalement décrédibilisée depuis un demi-siècle, dans l’indifférence générale. Il reste à espérer que cette fois le peuple, cet entité très fictive, prenne conscience de l’énormité du propos démocratique. Il y en a encore, beaucoup trop, qui sont dans l’euphorie d’une apothéose civilisationnelle. Et tous ceux qui douteront seront classés impitoyablement dans une catégorie spécifique qui suffira à balayer tout moment de réflexion, voire de conscience. Il n’y a pas de bons et de méchants. Ils s’insultent tous entre eux, ils se traitent tous d’une manière ou d’une autre, en bref le débat n’est permis qu’avec les pratiquants d’une même chapelle ou ça tourne à l’ordalie. Dans cette manière de faire, il n’y a d’ailleurs plus d’élégance élémentaire ; taper à plusieurs est encouragé voire souhaité, car ça permet de satisfaire la foule romaine qui se presse au colisée médiatique. L’important c’est vaincre, la faim justifiant les moyens.

Que restera-t-il de toute cette incandescence ? Des cendres grises et froides ou des braises qui attendent de faire de grands brasiers ? Dans la chaleur d’un été qui commence, il y a fort à croire et à craindre que tout sombre, avant la rentrée qui promet d’être très tumultueuse, dans une mollesse de saison. Après, la Bastille est tombée en juillet, tout est possible, mais je crains encore qu’à autre époque, autres mœurs. Le point de bascule est encore loin, loin à l’horizon. Personne n’y est vraiment prêt, et je me demande même si la majorité le veut. Nostalgique des années où la France suivait les rails d’une autonomie qu’une élite humaniste avait voulu, certains voudraient revivre les mêmes heures en conservant les avantages de la libéralité. Penser pour tous ou penser pour soi, nous en sommes là, et entre les dialogues de sourds et les monologues enfiévrés, bien que je passe pas mal de temps à écouter attentivement les logorrhées diverses et variées, rien qui me fasse annoncer aujourd’hui qu’il est reviendu le temps des cerises (ou alors sur le nez du clown – celui qui fait peur, pas l’autre !).

La fête des pères

En ce moment j’écris pas mal sur ce blog, mais jamais je n’avais autant eu envie d’écriture. De lecture aussi, je m’y suis remis après des années sans avoir le besoin de compulser un bouquin. Cette hygiène correspond à une sorte d’équilibre que j’ai réussi à trouver, avec une ambition qui s’est suivie d’une discipline précise. Celle (l’ambition) de retrouver une saine et vive conscience des choses, sans être entraîné, bien malgré moi, par le cours d’une société humaine qui ne cesse de se perdre dans des entreprises de plus en plus folles. En (discipline) en multipliant les sources d’informations tout en faisant que professionnellement je poursuive mes propres buts sans sacrifier à mes prétentions éthiques et morales. Il y a quelques années, j’ai découvert le noble chemin octuple, et j’ai été surpris de constater que ça rejoignait mes propres conclusions… pas évident en cette société humaine qui sacrifie tout à un productivisme pragmatique, pour cause d’un mode de vie qui exige de consommer le monde et par extension exploiter les autres. Pourtant, j’essaie à présent de multiplier les activités intellectuelles et ludiques, tout en m’adonnant à des choses bien pratiques… ce qui rend mes journées bien chargées mais très satisfaisantes.

Comme je l’ai dit à mon fils il y a quelques jours, avec une conviction exaltée qui l’a dérangé, il faut toujours regarder le mal en face. A mon sens, en tant que citoyen, il faut oser s’informer sur des choses révoltantes et horribles, simplement parce qu’il ne faut pas se perdre dans un angélisme sélectif qui en lui-même serait un acte de collaboration, dans le sens minable du terme. J’ai donc acheté le magazine Omerta, avec la petite Lola en couverture, qui traite de nombreux sujets qui vont de la pédocriminalité à l’addiction des écrans par notre jeunesse perdue dans ce perpétuel espace de tentation. Pour être honnête, la lecture du magazine est douloureuse, tant les faits rapportés sont à la fois communs et abominables. Hier soir, je matais les deux premiers épisodes de la série The Boys qui voit la fine équipe échouer dans une convention « complotiste », dépeinte comme le rassemblement de gens désespérés, un peu débiles, avec à un moment donné cette séquence un poil idéologique qui montre une des héroïnes s’en prendre à un pauvre type accusé d’exploiter le sujet sans vraiment chercher à en déterminer, et à donc lutter vraiment contre, la cause. Ce matin, j’ai maté une vidéo de Sud Radio qui revenait hier sur l’affaire des accusations de propos pédophiles par Depardieu révélés dans le cadre d’une émission de Complément d’enquête ; en bref, ce serait un montage, avec en témoin Yann Moix qui explique que les rushs lui ont été dérobés et témoignant que ce qui est montré n’était que mis en scène dans le cadre d’un film comique mettant en scène un personnage aussi décadent et excessif que le rôle savoureux de Poelvoorde dans « C’est arrivé près de chez vous ». N’oublions pas, malgré tout, que l’acteur est poursuivi pour des agressions d’ordre sexuel par de nombreuses femmes. Dans cette même émission, les intervenants reviennent sur l’affaire de réseaux pédophiles dans des cénacles parisiens qui ont œuvré il y a quelques décennies. Pour m’achever, j’ai maté cette semaine la vieille interview de Régina Louf qu’a mis en ligne Karl Zero sur sa chaîne dans le cadre de la sinistre affaire Dutroux…

Regarder le mal en face. En ce jour de fête des pères, je savoure l’attention et l’amour de mes enfants, devenus adultes, avec lesquels j’ai la chance d’avoir une relation privilégiée. Pour l’anecdote, j’ai donné la douche à mes deux gosses, durant les premières années de leur vie. Nous allions dans la douche, et je leur ai appris à se laver, tout en jouant avec eux. Des chouettes moments, des moments innocents qui font des bons souvenirs, avec la volonté à l’époque de leur montrer que la nudité est quelque chose de naturel, notamment et surtout dans le cadre familial. Ma mère revenait souvent sur une anecdote de mon enfance, d’un événement que j’ai pour ma part complètement oublié. Le médecin m’ausculte, puis jugeant mon appendice, me dit que la nature m’a bien obligé. Ce à quoi je lui répond un laconique « bah celui de mon papa il est encore plus gros ! » – et là, inspiration du médecin qui rend l’anecdote savoureuse, se tournant vers ma mère « c’est comme ça que naissent les légendes ». Pourtant, mes parents étaient d’une pruderie presque maladive : je n’ai jamais reçu l’esquisse d’une éducation sexuelle et le sujet ne venait absolument jamais dans la discussion familiale. Pour m’amuser, et parce que je suis provocateur dans l’âme, je l’ai fait quelques fois pour créer le malaise chez mes parents. Merci aux parents de mes potes qui avaient eu la délicate attention de leur fournir des bouquins d’éducation sexuelle qui m’ont stratégiquement éclairé. Une petite pensée à Madame Bérille (en fait c’est la seule qui avait eu cette indiscutable bonne idée) qui était (enfin j’espère qu’elle l’est encore – le temps passant je sais qu’il fait sa moisson) une femme admirable et qui m’a profondément marqué par sa gentillesse et sa noblesse de cœur.

Pour moi, un enfant c’est sacré. Je ne comprends même pas, je ne veux pas comprendre en fait, ce qui motive un adulte à nourrir la moindre pensée perverse quand il s’agit d’un gosse. Parmi tous les sujets qui me désespèrent et qui me mettent en colère, la pédocriminalité est sans doute celui qui me fait le plus de mal. A chaque fois que je m’intéresse à un fait divers de ce triste domaine, je n’en sors jamais indemne. Ça m’abîme, ça m’effleure le karma et ça bouleverse mes chakras. Je me dis que je fais partie de la même espèce, « humaine », que tous ces salauds qui se cachent et qui dissimulent leur ignominie et ça me blesse. Il y a quelques années, un matin de révolte plus violent que les autres, j’ai déclaré à mes gosses que je ne faisais pas partie de cette humanité. Je la refusais, comme on refuse une nationalité ou l’enrôlement forcé. Je refusais d’être englobé avec tous les apathiques et les complaisants, avec tous les collabos et les compromis, avec toutes les brutes et les sadiques. Mais c’était encore une fois un caprice, de la désinvolture exaltée. Je vis toujours au même endroit, j’ai toujours les mêmes conventions sociales, je n’ai ni changé de nom ni changé de face. Je suis condamné à n’être qu’un individu parmi les autres, un petit atome de cette masse qu’on appelle « peuple », un résidu organique de cette biomasse qui s’appelle société. Je n’ai ni les moyens ni vraiment l’envie de partir comme Alceste loin de tout, dans un désert sans homme, et pas de pulsions suicidaires qui feraient que le nihilisme l’emporte sur l’amour passionnel, sur l’étreinte cognitive, que le Monde m’inspire et motive. Je vis donc le désespoir tranquille, la désespérance un brin surjouée du gars qui regarde le mal en face, s’interroge sur sa propre part d’ombre, constate son impuissance ou sa lâcheté, puis finalement pense à autre chose. Pendant que ça continue, quelque part. Un autre gosse.

Alors aujourd’hui c’est la fête des pères… pourtant il faut toujours se rappeler que c’est encore une inversion des choses. Ce sont nos enfants qu’il faut chaque jour célébrer et aimer. Et il faut traquer le moindre enfoiré qui abuse de sa position, de son statut, du pouvoir que lui confère un simple mot, un simple titre, pour faire du mal à un enfant. Depardieu est peut-être victime d’un montage, la diffamation reste vraiment l’oeuvre la plus dégueulasse qui soit, et ce n’est pas participer à la lutte contre la pédocriminalité que d’agir ainsi. Ça participe à invisibiliser ce qui se passe vraiment, ça participe à rendre des gens comme moi, naïfs et candides, qui au départ imaginent que le monde est aussi beau et bon que les fables nous le racontent. Tout ça c’est du complot, jusqu’à ce que, quelques décennies plus tard, les scandales surgissent alors que tous les coupables sont morts et les victimes enterrées et oubliées.

Il y a peu, j’ai vu la vidéo d’un Youtubeur cinéphile/phage qui expliquait pourquoi il avait décidé de ne pas aller voir « The Zone of Interest ». Il ne voulait pas s’imposer ça, il ne savait pas comment il allait réagir à ça. « Ça » c’est constater comment il est facile de vivre tranquillement et luxueusement à la proximité des charniers et des massacres. Comment il est tentant et si facile de se dire un minable « bah, c’est comme ça, qu’y puis-je en vrai ? ». Je m’impose, au contraire, de ne pas détourner le regard. Comme le reste, je m’impose de savoir et d’avoir conscience. Mais ça me reste, ça me hante, car quand je regarde le ciel bleu il y a des fois la sensation d’un hurlement d’enfant que je n’entends pas, mais que je devine, en filigrane, comme si tout n’était qu’un voile que je refuserai de lever. La dernière phrase de la Chute, de Camus.

Bonne fête des pères donc. Et courage et soutien à des gens comme Karl Zero qui ont mis à l’index leur carrière et leur fameuse respectabilité pour se battre contre l’intouchable et l’invisible. Rien de plus odieux, à mes yeux, que ceux qui balaient, d’un revers de la main et d’une petite vindicte méprisante ces questions là, comme si ça n’était, encore une fois, que du complot, de la paranoïa louche, des obsessions écœurantes et vicieuses. Il y a toujours et encore quelque chose de pourri au royaume du Danemark. La pilule rouge ou la pilule bleue. Dans mes moments les plus nihilistes, je me dis parfois que vivre c’est subir d’être complice et témoin de tout ça, sans pouvoir rien faire que d’écrire un billet que personne ne lira et qui pour une fois ne sera même pas libérateur.