Non, je ne suis pas un anti-trump de plus… mais quand vient le moment du titre, et bien je concède que mon cerveau ou une quelconque instance ésotérique gérant ma créativité, ne peut s’empêcher de favoriser la facétie au bon goût. Néanmoins, je ne suis pas non plus dans l’antithèse… il y a actuellement une nouvelle guerre de position, pour ou contre Trump. Le messie ou l’antéchrist, faites votre choix, dans cette période apocalyptique qui est la nôtre (en Occident, ailleurs c’est plutôt épiphanique), il y a un désir de révélation et de réification qui parfois me fascine (ça commence comme fascisme).
J’ai demandé à mon fils, qui se fout de tout ce qui n’est dans le spectre de son consumérisme exacerbé, ce qu’il pensait du résultat des élections américaines. Il m’a surpris en m’annonçant de manière lapidaire (il est avare d’arguments quand ça ne l’intéresse pas) que de toute manière c’était deux pourris et que finalement ça ne changerait pas grand chose. Soit. J’ai concédé qu’en analysant un peu les choses, et en partant du constat liminaire et qui me semble pertinent (personne n’a réussi à me convaincre du contraire) que la plus grande démocratie du monde est avant tout la plus efficiente ploutocratie du monde, avec un candidat qui ne peut émerger qu’avec moult effusions de pognon, l’un ou l’autre sont avant tout les représentants d’une classe sociale (je trouve toujours cette modélisation très vague, trop généraliste) qui elle-même ne représente réellement qu’une petite minorité du peuple américain. Donc, quand j’entends les cris d’extase de tous ceux qui guettent l’être providentiel, comme si la révolution pouvait venir du pays qui en deux siècles a empilé ou initié ou financé les pires massacres, j’ai comme un doute.
J’ai remarqué, en effectuant une brève recherche sur Google, que ce court passage d’un de mes articles apparaît en lieu et place de résumé :
Je n’aimerai pas qu’un quidam puisse imaginer un seul instant que je sois anti-ricain. Je l’inviterai par ailleurs à lire l’intégralité de ce passage dans l’article dédié dans lequel je décrivais brièvement le propos d’une discussion avec ma fille chérie. Après, j’assume ce passage, en reprécisant que j’estime que le peuple américain, fait de braves gens à l’instar de tous les autres peuples du monde, n’en déplaise aux racistes les plus zélés, subit les désidératas des marionnettistes qui façonne le réel à coups de narratifs savamment élaborés. Le concept d’état profond, qui confère une petite touche complotiste à tout discours qui s’en réfère, est à la fois une triste mais surtout banale réalité. Alors que la chose commence à émerger chez nous, le citoyen le moins concerné, frappé de l’absurdité des décisions et stratégies politiques tragiques qui font que notre pays vit un suicide programmé, comprend (enfin) qu’il y a peut-être anguille sous roche (ou aiguille dans poche au choix). Et oui, comme je l’ai ressassé sur certains réseaux sociaux pour ouvrir les yeux des fanatiques de la démocratie auto-proclamée, nous sommes dans des ploutocraties qui dictent à leurs relais la réalité qu’il faut imposer aux autres. Il faut dire que ça marche, et je ne reviendrais pas sur le constat que j’ai maintes et maintes fois en ces lieux arctiques d’une véritable faillite morale. La leur, ok, mais aussi la nôtre. Ce qui m’attriste le plus, c’est la banalisation du mal à la fois dans les propos mais aussi dans les esprits. Comme je le disais avec la témpérance qui me caractérise à ma fille, il y a quelques jours encore, tu ne peux exiger la justice pour toi si tu acceptes l’injustice pour les autres. Pourtant, l’individualisme encouragé par l’idéologie ultra-libérale nous pousse à ça. A vendre nos âmes et nos esprits dans l’espoir de manger du gros gâteau, en abandonnant l’idée d’une solidarité élémentaire. Nous y sommes donc, petits atomes agités, mais incapable de faire molécule. Il y a quelque chose de terrible à constater que la première tactique pour régner demeure la division, et que nous avons été éduqués, c’est le bon adjectif, pour être incapables de nous unir dans une vision, une idée, une volonté, commune.
L’Europe… j’en aurais aussi bavé des propos dénonçant la supercherie de cette fiction qui nous tue, littéralement, et qui participe à piller et détruire notre pays. Avec les mêmes fanatiques qui viennent t’agresser en te disant que l’Europe c’est super, incapables de te fournir un seul argument qui ne soit pas, à l’arrivée et après vérification, une grosse plaisanterie. Revenons à Trump. Si effectivement une petite chasse aux sorcières se réalise outre-atlantique, c’est où que les chevaucheuses de balai vont venir œuvrer ? Hein ? Je suis d’accord avec Pierre-Yves Rougeyron sur la question : l’Europe est devenue une terre d’asile pour beaucoup de ses promoteurs. La fédéralisation, qui de plus en plus s’annonce et se réalise, est bien l’étape finale d’un clonage bâtard mais bien réel.
Alors ? La révolution ? J’ai lu un petit fascicule d’Hannah Arendt sur la liberté, et elle m’a fait prendre conscience d’une chose à la fois toute bête et précieuse. Que le mot révolution est une sorte de blague symbolique (oui, j’interprète à ma sauce, elle est moins dans la caricature) ; en bref, initialement le mot décrit un processus cyclique qui induit un retour à un point de départ… pour devenir le symbole d’un profond changement. Dans cette antinomie intrinsèque, il y a peut-être la réalité d’une mensonge profond, d’une illusion coriace, qui font de nous des pantins solides. Encore une fois, alors que j’écris ces mots, je continue de penser que le salut, à défaut de révolution, ne peut venir que d’un mouvement philosophique qui nous pousserait tous à interroger et disputer ce que j’appelle à présent, des maîtres-mots. J’ai la tentation par ailleurs d’écrire un livre à ce sujet… si je n’était pas sous le boulot en permanence, si je ne m’étais pas lancé dans une aventure à la fois passionnante et mais épuisante, ça serait le temps d’un mois pour écrire ce que j’ai à écrire.
Les agriculteurs sont en colère… ça sera peut-être le début d’un embrasement ou encore une convulsion de plus. Je continue de penser que notre pays peut se relever de tout ça, mais ça demandera du temps et du sang. Beaucoup de larmes et beaucoup de fiel. Notre pays est tellement détruit et paralysé par à la fois un système déficient et un attentisme qui tient maintenant de la pathologie, que le changement fera mal. Enfin, il fera mal à ceux qui ont à perdre. Car pour ceux qui sont, de plus en plus nombreux, dans les failles d’un abîme grandissant, la colère peut devenir à la fois terrible et salvatrice. D’où je suis, je ne peux mesurer la réalité, la potentialité, de ces masses de gens qui souffrent. Je sais simplement que tout mouvement révolutionnaire se distingue par une violence proportionnelle à celle qu’ont subi ceux qui le mettent en oeuvre. Oui, la guillotine c’était violent. Mais pour en arriver à vouloir couper des têtes, il faut quand même que la colère soit suffisamment nourrie pour se transformer en pulsion sanguinaire. De l’injustice naît la volonté de justice… mais aussi les pires instincts, les énergies les plus négatives et les plus sombres. Et si le travail n’est pas fait pour canaliser ces flux pour améliorer la situation et surtout prévenir les abus à venir, tout est voué à ne devenir qu’un nouveau cycle… une révolution, donc ?
Si même les mots sont traîtres, que nous restera-t-il pour donner un peu de (bon) sens à ce monde ? Passer du kratos à l’éthos, passer du pouvoir au vouloir. La chute de l’Occident, dans tout ce que ça peut signifier de la décadence inévitable de systèmes, n’est peut-être que l’inévitable conclusion de ce que nous avions jugé comme un accomplissement. Mais comme il est de coutume de le dire à un enfant, l’important après une chute c’est de se relever. Ne plus tomber. Grandir. Vraiment. Ne plus se contenter de pulsions infantiles, déraisonnables, outrancières, pour se motiver à faire monde.
Tout un programme que l’incorrigible moraliste que je suis va mettre derechef, pour son propre compte, à exécution.