Je me suis rĂ©abonnĂ© Ă Netflix. AprĂšs, j’ai Ă©tĂ© un des premiers abonnĂ©s. J’ai tout de mĂȘme 4 chromecast Ă la maison, dont 3 maintenant qui sont stockĂ©s dans la rĂ©serve du matos informatique que je me suis constituĂ© depuis 20 ans. Mais je suis passĂ© il y a un peu plus de deux ans Ă ce petit bijou de Nvidia Shield qui me sert de caster Ă tout faire (Netflix, Prime, Youtube, Steam, etc.).
Bref, je me suis rĂ©abonnĂ© Ă Netflix. J’ai des petits coups de nerf parfois, je suis de ceux qui prennent des mesures radicales et un peu brutales quand ça me gonfle. LĂ c’Ă©tait un film inepte (mais alors Ă un point), oĂč on voyait un jeune couple emmĂ©nager dans une maison pour rĂ©gler des petits problĂšmes d’adultĂšres (sic) provoquĂ©s par des petits comportements dysfontionnels (sic) eux-mĂȘmes causĂ©s par des petits comportements moralement odieux (sic) faisant l’Ă©cho Ă tous les problĂšmes de l’humanitĂ© car dans la dite maison la mĂȘme histoire avait presque dĂ©jĂ eu lieu (sic sic sic). Ecrit comme une suite de clichĂ©s et d’archĂ©types confinant presque Ă la blague lourde (perso j’aurai appelĂ© le film « la valse des Ă©gocentriques »), le coup de grĂące d’Aftermath (c’est le titre du truc : « ConsĂ©quence » en français, donc… oui, il y a un peu de philosophie de comptoir lĂ , aprĂšs c’est juste du fait divers sensationnaliste, ne rĂȘvez pas) rĂ©sidait dans sa conclusion qui se permettait, l’air de rien, une petite dĂ©claration politique bien vacharde. Encore en bref, il y avait cette duretĂ© pragmatique qu’on bouffe actuellement de partout de la part de tous ces gens qui savent comment rĂ©gler les problĂšmes (notamment avec les « intrus » qui violent notre territoire). Qui savent comment traiter tous ceux qui nous empĂȘchent de vivre notre petit bonheur matĂ©rialiste avec leurs drames Ă la con et leurs pathĂ©tiques destins d’inadaptĂ©s sociaux. LĂ , j’ai senti que les auteurs et Netflix me disaient sans prendre de gants que je n’Ă©tais plus la cible. Trop vieux, trop idĂ©aliste, trop humaniste peut-ĂȘtre… ou alors plus jeune, pas assez cynique, pas assez dur peut-ĂȘtre. J’ai trouvĂ© les « hĂ©ros » odieux (mais c’est quoi ces gens qui pensent rĂ©gler des histoires de trahisons en s’achetant une baraque ?!), invraisemblables (« l’hĂ©roĂŻne » immensĂ©ment talentueuse avec son atelier mode) et vertigineusement creux (Ă la fin on vend la baraque, comme ça plus de nĂ©vroses et de soucis). Un film poubelle, un film miroir d’un certain Ă©tat d’esprit, avec un discours Ă la fois antisociale et anxiogĂšne… qui m’a motivĂ© Ă me dĂ©sabonner comme une grosse goutte d’eau splotchant dans un vase dĂ©jĂ trop plein.
Puis, j’ai vu passer les critiques cinĂ© de « Don’t look up » un peu partout. Des bonnes, des qui te poussent Ă remettre en question tes grands serments, qui te font philosopher sur l’extrĂ©misme du mot « jamais », qui te chuchotent Ă l’oreille que y a que les cons qui changent pas d’avis… et mĂȘme si tu sais que es perdu pour la cause car tu n’as plus d’illusions sur toi-mĂȘme, petite chose humaine perdue parmi une plĂ©thore d’autres petites choses humaines, tu finis le dimanche soir Ă repartir pour un tour, histoire de voir un film au prix d’une place de cinĂ© (puis ils m’ont tous saoulĂ© avec Squid Game, et aprĂšs deux ans d’attentes j’ai vu qu’il y avait de nouveaux Ă©pisodes de Jojo’s). Et j’ai vu le film. Et avant de me mettre au boulot (je piaffe d’impatience aprĂšs tous ces mois de labeur incessant), ce matin je me lĂšve et j’Ă©coute la critique sur la chaĂźne Youtube de France Culture. Et donc ça me motive Ă balancer Ă la volĂ©e ma propre impression.
J’ai un cerveau Ă©trange, une sorte d’organisme indĂ©pendant qui vit sa propre vie. Donc, je regardais la critique (avec le son, hein, ne commencez pas Ă dire que je faisais preuve d’inattention), quand une petite musique a commencĂ© Ă rĂ©sonner (j’adore toujours l’homonymie avec « raisonner ») dans mon crĂąne, devenant un petit peu entĂȘtante alors que j’entamais mon deuxiĂšme cafĂ©. M’attardant un instant Ă identifier la mĂ©lodie trublionne, je me rendis compte, effarĂ© (j’ai envie de sortir plein de termes dĂ©calĂ©s ce matin, c’est mon cotĂ© facĂ©tieux qui se dĂ©chaĂźne), qu’il s’agissait de « Land of Confusion » de Genesis.
Petite madeleine de Proust surprise : on est en 1986, et je vais m’acheter le 33 tours du dernier album de Genesis, « Invisible Touch ». J’aime tellement cet album que je n’hĂ©siterai pas Ă l’offrir, quelques mois plus tard, Ă un copain pour son anniversaire. Un petit bijou, il m’arrive encore d’Ă©couter souvent le morceau « In too deep » que je viens par ailleurs de remettre en fond sonore avant d’achever cette phrase . Mais ce matin, c’Ă©tait le morceau prĂ©cĂ©demment citĂ© qui m’Ă©tait venu en « commentaire », « Land of confusion ».
A ce moment prĂ©cis de ce billet intempestif, je suis Ă la croisĂ©e des intentions et des sensations. Je regarde l’heure et je me dis qu’il serait peut-ĂȘtre temps de m’y mettre (au boulot), enfin si je veux accomplir la tĂąche de la journĂ©e (baptisĂ©e pragmatiquement « faire le fond des cases »). Je me dis que j’ai dĂ©jĂ Ă©crit beaucoup, ce qui n’est pas un souci en soi, mais qui ne mĂšne Ă rien dans cette idĂ©e d’un lectorat souffrant d’un dĂ©ficit permanent d’attention et donc d’intĂ©rĂȘt (Ï(k) = At), et que finalement la pirouette stylistique et critique pourrait s’accomplir, non sans brio, en explicitant le titre de ce billet et en expliquant la rĂ©fĂ©rence musicale. Dont acte, je vous ai dĂ©jĂ donnĂ© tous les gages de mon gĂ©nie et la profondeur de mes rĂ©fĂ©rences culturelles. Comme je l’explique rĂ©guliĂšrement Ă ma fille, elle-mĂȘme dans la « com’ », « interroges-toi toujours sur l’intention ! » – et vous, esthĂšte de la forme, contemplez cette savante utilisation des guillemets français et anglais dans une mĂȘme phrase).
Dont acte : Don’t look up est dans la lignĂ©e du titre de Genesis (paroles + clip : souvenir de l’Ă©mission Spitting Images qui Ă©taient la version enragĂ©e des Guignols de l’info outre atlantique) la dĂ©monstration du syndrome de la Tour de Babel. OĂč quand une volontĂ© supĂ©rieure s’ingĂ©nie Ă semer la division par l’entremise de la confusion et de la dissonance, qui s’incarnent dans le chaos politique et sociĂ©tale (que seule la parodie, la caricature, peut synthĂ©tiser dans une oeuvre de fiction). Ne plus parler la mĂȘme langue, c’est ne plus se comprendre, c’est aussi ne plus s’Ă©couter. C’est l’Ă©chec de la synergie sociale, sociĂ©tale, qui signe le dĂ©but de la fin. Sur France Culture ils ont bien tournĂ© dans le bocal mais il manquait, Ă mon sens, cette petite prĂ©cision qui rĂ©sume tout. Le film ne parle pas tant de fin du monde, n’est pas tant la caricature ou la parodie de notre sociĂ©tĂ© ultra mĂ©diatique et corrompue (j’ai un article plus sĂ©rieux en brouillon que j’ai intitulĂ© « la guerre des alĂ©theia » qui sortira peut-ĂȘtre un jour – oui, je sais, vous avez hĂąte), que le constat dĂ©senchantĂ© de cette impossibilitĂ©, de plus en plus nette, d’une concorde. Dans le rĂ©cit biblique, la construction de la tour est interrompue, empĂȘchant l’homme d’Ă©galer Dieu. Et Dieu symbolisant l’Ă©ternitĂ©, il n’y a plus que la mort Ă la fin du rĂ©cit, celle qui emporte tout.
Conclusion vertigineuse, dramatique et un poil Ă©mouvante qui va clore ce billet sur une note heureuse et optimiste.
Et Joyeux Noël (au sens païen ou non, restons insolemment laïc) au passage (mdr).
Note : la chronique de France Culture et le clip de Genesis – oui, citons les sources (et ça fait des illustration habillant de maniĂšre ludique et colorĂ©e ces grandes pages blanches remplis de verbiage).