Bon, étant malade, je suis dans l’obligation de freiner l’activité que j’avais prévue de continuer cet été, même si le besoin ou même la nécessité de vacances commençaient à péniblement peser sur mon enthousiasme naturel. 4ème ou 5ème jour avec le (ou la, comme ça vous va !) Covid, suite à la légèreté coupable de ma chère fille qui l’ayant attrapé depuis plus d’une semaine, est encore en train de dormir au moment où j’écris ces lignes, le soleil étant à son zénith. Personnellement, j’ai accusé conscience de la maladie, je suis allé me faire tester, je me suis mis en quarantaine et je me suis reposé sur ma légendaire résistance pour encaisser le bestiau. Première déception pour moi, c’est qu’au bout d’au moins 4 jours, il n’y a pas vraiment de signes d’amélioration au niveau du mal de gorge. Passe pour la fièvre permanente, passe pour la gêne au niveau des poumons, passe pour la fatigue (qui ne me touche pas plus que ça, à vrai dire), passe pour les douleurs corporelles qui me rappellent constamment que le corps est trop sollicité… mais que ce mal à la gorge est à la fois douloureux et insupportable ! Ce matin, au réveil, après une nuit fiévreuse à me réveiller trempé et un peu hébété, la déception aura été de constater que le mal de gorge est encore là, et bien pire que la veille. Après m’être renseigné un peu (je suis du genre à être extrêmement méfiant par rapport à tout ce qui touche au médical et à la santé sur le web, c’est un parfait condensé de névroses et de récits terrifiants) j’ai donc appris que cette souche durait plus longtemps que les autres, soit 7 jours versus les 4 ou 5 sur lesquels je pariais un peu facilement. De toute manière, entre la maladie, la canicule, et mon patriarche qui semble vouloir tirer sa révérence assez rapidement, cet été ne s’annonçait pas sous les meilleures auspices. Tant pis, il me reste malgré tout l’écriture et l’occasion ludique, morale et vivifiante, d’exprimer une fois encore mon ressenti dans cette période à la fois incroyable, étrange et imprévisible.
Quand j’essaie de modéliser, personnellement, les oppositions idéologiques qui à la fois forgent et déforment notre société, je ne me laisse plus abuser avec les vieux schémas comme la polarisation, manichéenne et trop réductrice, de la droite et la gauche. Simplement, si simplement, la seule opposition qui existe à l’heure actuelle est un conflit, insoluble, entre une vision verticale et horizontale de la société. En réalité, et l’histoire de l’humanité regorge d’exemples, la tentation de cette verticalité aura toujours été la stratégie finale avant la chute, inéluctable. Contrôler, opprimer, oppresser, obliger, avant de réprimer ou de forcer, pour contenir le libre arbitre et la prétention au bonheur de la majorité du peuple. Il n’est pas possible de construire une société pérenne, solide et forte, juste en l’écrasant de devoirs et en la saoulant, littéralement, de grands discours idéologiques qui camouflent de plus en plus difficilement, la réalité de l’escroquerie. Il reste la possibilité de diviser, d’ostraciser, d’encourager les bas instincts, mais là encore il semble que la pilule a de plus en plus de mal à passer.
Je l’ai écrit sur ce blog, il y a quelques mois, nous assistons à un changement de paradigme. Un changement qui était lui aussi inéluctable, déjà car comme les bouddhistes le répètent à l’envi avec l’impermanence, comme les physiciens le ressassent avec l’entropie, rien en ce bas monde ne peut perdurer sans évoluer. Et encore, dans cette idée très philosophique du changement obligatoire, j’omets la réalité des violents dysfonctionnements écologiques, économiques, éthiques que nous subissons de plein fouet en cet été 2022. Tous les jours, quand j’entends des commentateurs gloser sur la question de l’inflation en citant certaines explications complètements délirantes, je me demande jusqu’à quand la bulle va grossir avant d’exploser. Est-il possible de décorréler un pur moyen, comme l’argent, avec la réalité de ce qu’il est censé s’adjoindre, soit l’économie réelle ? La crise de 2008 fut une sorte de boîte de Pandore à retardement, et nous sommes en train de vivre, aussi, l’impossibilité de vivre dans une société humaine harmonieuse qui pour le bénéfice d’une minorité remplace le réel par une pure fiction. Le gros souci de cette fiction, c’est qu’à présent, plus elle dure plus elle détruit, et nous commençons à peine à en recevoir les traites. Qui seront bien plus dures et insupportables, que les taux d’intérêts et le montant de la « dette ».
Alors, faut-il perdre tout espoir et crier au feu en s’agitant de partout, comme je semble le faire en écrivant ces lignes ? A vrai dire, il n’y a pas grand chose à faire quand on assiste à une sorte de névrose généralisée, notre société ne tient encore, par ailleurs, que par la croyance qu’elle promeut… mais qui s’effrite de jour en jour, de mois en mois. Il faut attendre la fin des grandes vérités, la fin des ayatollahs du bon sens, la chute des dogmatiques et des pragmatiques. Nous vivons une période d’intense clarification, où pointe, de manière très grandiloquente, la fin d’une civilisation. Comme si le bilan actuel, à tous les niveaux, pouvaient nous permettre de nous prétendre « civilisés », soit dotés d’une rationalité telle qu’elle impose l’idée irréfutable et intrinsèque d’un accomplissement. Non, s’il y a civilisation, il n’y a pas eu accomplissement, mais décadence. Je ne crois pourtant pas qu’il faille tout rejeter et détruire. Au contraire, nous avons encore le temps de prendre conscience de tout ce qui est juste et bon, de partir sur les bases saines de l’humanisme qui a notamment fait le bonheur de la France après la seconde guerre mondiale. Et faire en sorte, à l’avenir, de ne plus permettre que les mêmes errances reviennent encore polluer et corrompre la belle dynamique de la bienveillance et de la sagesse. Notre civilisation n’est pas en danger à cause de menaces plus ou moins exotiques, névrotiques et fictionnelles, mais bien de l’idée d’une bienveillance accessoire. Notre société ne s’écroulent pas parce qu’elle est attaquée de toute part, mais bien parce que nous la sabordons, foncièrement encouragés par des maîtres d’oeuvre dont les motivations ne sont clairement pas humanistes.
Il n’est pas possible de faire du malheur des autres la miraculeuse variable d’ajustement. Le bonheur sociétale ne peut être qu’un accomplissement collectif. Maintenant, le combat est simple, verticalité contre horizontalité. Si je ne peux, philosophiquement, omettre la possibilité d’une tyrannie éclairée, j’y postule bien moins qu’à celle d’une gestion démocratique et participative du peuple.