Khimairacratie

Ce matin, au réveil, petit vidéo de Marianne très intéressante et stimulante avec une discussion entre Natacha Polony et Antoine Buéno sur la potentialité d’un effondrement (https://youtu.be/XX0GC6_vxGc – je mettrais la vidéo sous ce post au cas où une âme errante viendrait se perdre en ces terres arctiques). J’écoutais tout ça en faisant une petite partie de Loop Hero (hyperactivité, je t’aime), et il y avait énormément de concepts et de notions qui étaient évoquées pour argumenter le raisonnement très intéressant de Monsieur Buéno pour lequel je pencherai aussi, non par aveugle et systématique optimisme, mais par ma foi en la nature humaine et à la capacité de l’homme à affronter et relever les défis. Personnellement, je pense que l’homme pourra toujours foncièrement s’adapter, le souci concernant actuellement l’impact terrifiant sur l’environnement de nos actions et choix économiques, qui vont provoquer l’avènement d’un monde dans lequel bien et bon vivre deviendront certainement des concepts très relatifs. Bref (idéologie de l’écriture web à laquelle je ne peux me résoudre à adhérer ici), dans ce tumulte d’idées la relativité des idéologies politiques est venue rapidement s’imposer en terme d’obstacle majeur aux solutions ou stratégies envisagées pour éviter justement ce fameux effondrement. Et l’impact majeur des politiques étatiques a été naturellement cité comme une des problématiques essentielles. Particulièrement, la question de la démocratie aura été pertinemment présentée avec le constat actuel d’une totale absence de sa substance dans le fonctionnement et la vie même des pays qui s’en prétendent. J’aurais passé beaucoup de temps, ces dernières années, à tenter pédagogiquement d’instruire mes semblables sur la notion de ploutocratie qui est pour moi la réalité de nos systèmes présentés comme démocratiques. En résumé, encore, sous couvert d’une démocratie claironnée, la vérité systémique repose sur la présence d’acteurs, de forces, d’entités, d’individus ou d’organisations, dont les ressources financières leur confèrent une totale domination dans les décisions prises au niveau étatique. La démocratie ne sert plus que de joli vernis pour camoufler les boursouflures d’un système vérolé de l’intérieur pour travestir voire couvrir les faits. C’est ainsi, qu’à mon sens et à mon grand dam, nous sommes perdus dans une période de sophisme perpétuel et volontaire, où réside la cause réelle du naufrage systémique que nous endurons depuis presque, maintenant, un demi siècle. La financiarisation intensive aura bien entendu été la clé de voûte de ce mécanisme de pourrissement, avec une intention initiale dont il reste à déterminer la motivation (plan machiavélique ou juste rapacité névrotique ? Fièvre idéologique ou pure faillite morale ?). Ce qui est certain, et tragique, c’est que l’argent étant devenu davantage un but qu’un moyen, et comme l’avait fièrement énoncé un certain monarque français qui avait bien signifié que l’écologie devait être déclassée pour l’économie (ce qui en soit est juste une abomination – en espérant que l’Histoire n’effacera pas ce genre de scorie politique pour au moins servir d’avertissement pédagogique), tout se résume actuellement à la masse d’argent produite, les populations étant maintenant habituées à écouter paisiblement le montant hallucinant des sommes mises en oeuvre par les états sans que ceux-ci ne veillent à détailler, un peu, la réalité de leur répartition.

Bon, je n’ai pas envie de me perdre dans mes circonvolutions habituelles, il me venait à l’esprit l’intervention d’un économiste sur la chaîne du Média qui expliquait qu’un état comme la France, vassalisée par l’Europe et sa géniale monnaie unique n’avait plus comme levier, en l’absence de l’outil essentiel de la production de sa monnaie), que l’organe social pour un peu camoufler son absence totale de contrôle. En bref, encore, des réformes actuelles, du chômage comme des retraites, les peuples ne sont devenus que des variables d’ajustement des politiques monétaires menées à un niveau mondiale pour entretenir un système et une idéologie libérale dont la réalité destructrice est si sensible à l’heure actuelle qu’elle provoque ce sentiment général d’une apocalypse imminente. Le drame qui fait la substance de mon titre, est que tout ça est permis par les illusions qui nous nourrissent et qui nous font adhérer, qu’on le veuille ou non, à cette absurdité généralisée. En permanence, hier encore, j’écoute des gens gloser sur la démocratie, sur la République, cette bonne vieille thématique qui permet à n’importe quel imbécile de bomber le torse pour feindre une noble et si creuse indignation (de l’imposture de la posture), sur la nécessité de « mettez ce que vous voulez entre les guillemets » dont l’argumentation se cantonne à généralement à un théâtrale « il faut le faire » (coucou la retraite). J’écoutais un VRP des sondages encore prétendre, fièrement et sans une once de recul éthique, savoir ce que veulent et pensent les « français », faisant d’échantillons aux opinions recueillies avec des protocoles maintes fois dénoncés, la substance d’un peuple entier réduit à quelques chiffres si pratiquement vendus à des intérêts façonnant littéralement les opinions d’une masse de moins en moins bien informée. Alors, pensant à tout ça, à cette confusion générale et entretenue, à la difficulté pour chacun d’entre nous de se faire une opinion à la fois de qualité et achevée, il m’est venu ce nouveau néologisme, la khimairacratie, pour illustrer la chose. Encore davantage de la ploutocratie, elle se situe un petit niveau au-dessus, elle conditionne sa pérennité et sa continuité. Pour que toute cette manipulation, cette tragicomédie pseudo démocratique puisse continuer, il faut un système qui pervertisse en permanence les faits pour créer des vérités contextuelles, à la substance souvent proche de l’évanescence la plus totale, pour que le massacre continue. Ah oui, en me relisant je vois que je n’ai pas étymologiquement explicité le terme… de Khimaira, la chimère en grec, cet animal qui symbolise les illusions mais aussi la capacité de l’homme de croire en des choses trompeuses et monstrueuses. La chimère, c’est celle qu’on poursuit, jusqu’à notre perte, parce qu’on ne voit pas la réalité de ce qu’elle est.

Dans la vidéo de Marianne, il est question de la « détestation de la démocratie », mais c’est parce que la confusion fait qu’on se trompe d’ennemi, que le brouillard qui est savamment érigé pour cacher la réalité des coupables empêche de voir ce qu’il en est vraiment, mais il faut rappeler que majoritairement, toute chose en ce bas monde est ambivalente. Il ne sert à rien de diaboliser abusivement comme si l’arbitrage, purement humain, n’était pas la conséquence essentielle. Rien n’est foncièrement mauvais, du capital à la ploutocratie par exemple, car il suffirait que la motivation soit placée dans l’intérêt général et non plus les intérêts particuliers (même si je reste très circonspect sur la possibilité d’une tyrannie éclairée). Mais force est de constater que la philosophie, l’intention profonde, des plus puissants ne résident que dans l’exploitation de la faiblesse humaine, comme un destin ou par le fait d’une nature qui se voudrait aristocratique. Tout ça, à l’arrivée, se révèle assez misérable et méprisable. Dans un monde de marchands où le lustre l’emporte sur la dignité, il faut savoir se positionner clairement sur la question morale, liminaire, sur ce qui est bien et ce qui est mal. Pour le coup, certains prennent comme une démonstration d’intelligence de sans cesse rappeler que les choses ne sont jamais aussi claires et simples. Pourtant si. Deux bombes atomiques envoyées sur des objectifs civils, c’est mal. Œuvrer pour le bien de son peuple et non se servir de ce dernier pour augmenter la caisse à billets des plus nantis, c’est bien.

La vidéo de Marianne à voir (j’en suis à deux visions personnellement, en écrivant cet article) :

L’hubrisphère

Un petit coup de mou, alangui sur mon canapé comme un Sardanapale proprement rasé, je mate une vidéo Youtube concernant un fait divers qui excite les foules au sens très (trop) littérale du terme. Ce matin, tandis que j’oeuvrais méthodiquement, j’ai lancé une vidéo sur un chercheur en archéologie qui a évoqué la réalité des moeurs anthropophages dans les vieilles sociétés humaines qui ont précédé (ou servi de départ, au choix), à la nôtre. De ça plus tout ce que je mange dans les actualités notamment françaises, j’en ai déduis, solennellement et intimement, que plus que jamais, ou bien plus que toujours (au choix encore), nous sommes en pleine hubrisphère. Alors je viens chouiner ici avec une certaine forme de pudeur, car je sais justement que dans l’immense place publique (agora) qu’est le net, mon petit blog perso n’est qu’une sorte d’îlot abandonné, perdu dans un immense océan, ne suscitant aucun intérêt ni aucun élan d’enthousiasme. Je viens juste écrire que ma métaphore avec Sardanapale en début d’exercice n’est pas si mal trouvé que cela. Comme ce sultan nihiliste je dois bien constater que tout fout le camp, comme on l’argotait si bien dans mon enfance. Comment conserver cette illusion d’un monde abouti, construction glorieuse née de tous les ratages systémiques et idéologiques du passé ? Comment croire que nous sommes une apogée, alors que de toute part l’échec de la grande aventure humaine semble encore devoir être le triste constat ?

J’adore la mythologie grecque, et en cherchant un mot pour titrer ce billet, inévitablement j’ai songé à l’hubris, ce concept que les mythographes ont aimé rappeler tout au long de mes lectures profanes. Le crime suprême, celui de la démesure. Au vu du désastre économique, écologique, humain, sociétal, que nous vivons actuellement, et eu égard à l’impasse d’une mondialisation qui n’est définitivement pensée que comme une stratégie d’exploitation, le néologisme « hubrisphère » me semble pour le coup très approprié. Alors, une rapide recherche google m’a naturellement fait comprendre que cet éclat de génie avait déjà ionisé le cortex d’autres individus plus ou moins bien intentionnés. Soit, je ne viserai pas ici à la prétention d’une pensée originale et marginale. Je commenterai juste l’instant présent en constatant la cavale de ces quatre cavaliers de l’apocalypse que sont la déliquescence, la décadence, la dégénérescence et l’indécence.

Très naïvement, je continue de rêver d’une société humaine qui recherche avant le bonheur de chacun comme suprême intérêt général, et qui ne pourrait s’imaginer, pour cela, que comme l’établissement d’une parfaite égalité entre les êtres. Je rêve d’une société où l’intérêt particulier ne serait pas érigé comme une fatalité pour justifier tout ce qui fait et provoque la malfaisance dans nos sociétés prétendument modernes. Je répète souvent que la source de tous les problèmes réside dans la corruption intrinsèque voire inévitable des systèmes qui sont engendrés par les sociétés humaines. Je constate à quel point les hommes deviennent les esclaves de ces labyrinthes qu’ils ont eux-mêmes créés et dans lesquels ils se perdent et s’oublient.

Comment parvenir à faire comprendre à mes congénères que la solution n’est pas forcément de trouver la sortie, si elle existe, mais bien de détruire ces murs qui dissimulent l’espoir ? Nous sommes tous des minotaures oubliés dans ce dédale terrible qu’est devenu ce monde, véritable hubrisphère, pleine de bruits et de fureur, pleine d’illusions et de fausses idoles. La confusion, la division, la frustration, nous fragmentent et nous isolent, entre complaisance et apathie.

Plus que jamais, il faut vivifier tous les liens qui nous unissent les uns et les autres. Il est si facile de haïr, si simple de détester et d’exprimer la souffrance intérieure que toutes les incertitudes de nos sociétés cruelles font peser sur chacun d’entre nous en trouvant un coupable et un responsable dans une vision toujours trop binaire, trop manichéenne, des choses. Alors qu’en réalité, il n’y a jamais d’autre responsable que nous-mêmes ; car même si nous en sommes toujours réduit à supporter l’individualité, nous n’existons vraiment qu’en tant que tout.

C’est pour ça que ces derniers temps je ne m’exprime plus beaucoup sur les questions politiques et sociétales, car j’ai simplement l’impression d’en rajouter, de ne plus vraiment expliciter ou éclairer. Je crois que nous constatons tous, actuellement, la réalité du monde, de sa dévastation. Maintenant, ce qui apparaît, c’est le niveau de conscience de la gravité de la situation. Bien au delà des notions économiques, des questions prétentieusement nommées comme « civilisationnelles », ces visions restent toujours pauvrement prosaïques par rapport à la simple question du rapport de l’humanité par rapport à elle-même. De ce fiasco total (sans allusion polémiste, mdr), le pire demeure dans cette idée insidieuse et permanente d’une société humaine qui ne peut exister que dans l’exploitation et l’accaparement. L’Histoire a beau nous rappeler constamment que la verticalité finit toujours par s’aplanir dans la douleur, nous y revenons toujours. La seule différence, notable, c’est qu’à présent nous veillons aussi à détruire consciencieusement l’équilibre naturel qui est la condition de notre survivance.

Alors, voilà, c’était mon petit billet déceptif et négatif, mais il fallait que ça sorte. Je crois pourtant en l’humanité et je rêve d’une révolution qui serait avant toute chose morale et intellectuelle. Tant que l’obsession restera dans des concepts aussi abscons (pour être poli) que le PIB ou l’incidence des taux d’intérêt, il n’y aura pas d’autres conclusions possibles qu’un chaos savamment entretenu, pour le bénéfice que de quelques uns, et une société inégalitaire sans cesse menacée d’implosion.

L’hiver vient, il n’y a plus qu’à souhaiter qu’un beau printemps lui succède, comme il devrait l’être dans l’ordre des choses.