Encore une semaine de folie douce

Le vendredi, c’est difficile. J’ai toujours ressenti davantage la fatigue le jeudi soir, quand la semaine a déjà bien semé son sillon lent de par mon implication laborieuse voire productive selon le logiciel idéologique. Mais le vendredi matin, c’est le moment où et quand je m’accorde une pause d’hébétude entre existentialisme et désir d’expression écrite. Donc blog, rapido, car écrire demeure un exercice salutaire qui est devenu une part signifiante de la discipline que je me suis doucement imposée.

Alors… Au Liban, une « attaque » inédite, avec le piégeage d’appareils qui ont littéralement explosé à la tête ou dans les mains de leurs utilisateurs. Entre la guerre en Ukraine et le massacre au proche-Orient, difficile de discerner la réalité des enjeux et des motivations dans tout ce bordel dont, à distance et via des médias très sélectifs, nous ne voyons que la crête du coq. J’ai toujours eu un souci avec tous les films américains qui mettent en scène des psychopathes qui finissent par se faire avoir par un héros malin qui retourne contre eux leurs sinistres manipulations, notamment émotionnelles.

Le mal par le mal, j’ai du mal. Je continue de penser, comme je l’ai toujours seriné à mes enfants, qu’il est dangereux d’agir petitement face à un petit. Ce matin, j’ai vu que la population au Liban est entrée, très logiquement, dans une psychose, et c’est compréhensible car pour des questions ou des légitimations tactiques, on évite d’utiliser le mot « terrorisme ». Ce qui m’effraie, c’est qu’à part un seul podcast, toujours Tocsin que je recommande à tous ceux qui veulent de l’info non prédigérée, Jacques Baud a osé le mot, celui qu’on aura voulu extorqué il y a près d’un an à un certain parti politique qui voulait recentrer le débat autour d’un conflit maintenant multi-décénal en ne le proscrivant pas à un acte solitaire et monstrueux.

Je continue de penser, très naïvement sûrement, qu’un civil innocent, quelle que soit son origine, quelle que soit sa nationalité, est un mort de trop. Ah oui, la guerre c’est sale, il faut arrêter la candeur coupable, faut arrêter cette miséricorde de façade, cette empathie facile. Mais bon, je vous emmerde, la guerre c’est la faillite de l’Humanité, et ne pas voir le commerce et les raisons qui la motivent révèlent beaucoup de ce que vous êtes vraiment. Je suis et je resterai toujours un indécrottable pacifiste, même si j’irai faire la guerre contre tous ceux qui oublient les notions élémentaires d’humanité. Hors, ces guerres là n’existent pas.

Ce n’est pas la volonté du bien et de la Justice qui motive les conflits. J’ai adoré, j’adore toujours, Helldivers 2 pour son humour très Starship Troopers avec la défense de la démocratie. Toute oeuvre, même la plus inoffensive, est politique, car elle induit toujours un message, invitant au conformisme ou à la dissidence. Et s’il y a bien un mot qui aura été bien abîmé, qui aura été vidé de son sens, vampirisé par tous ceux qui s’en sont servi pour déguiser leurs réelles motivations, c’est bien le mot « démocratie ». Combien de morts civils pour offrir la démocratie aux barbares qui continuent de vouloir peupler le monde ? Trop. Je ne suis pas expert des conflits au proche-Orient, je suis trop loin pour prendre parti, je suis rétif à adhérer pleinement aux invitations à haïr aveuglément, même des fanatiques ou des salauds misogynes. Quand je regarde certaines images, je vois des gosses mutilés, je vois des femmes éplorées, je vois des hommes hagards, errant dans des décombres ou penchés sur des corps. Participer à ça ou le déplorer ? Une pensée ce matin pour tous ceux, dans tous les camps, qui œuvrent à préserver les solutions les plus pacifistes et les plus constructives. Je sais qu’il y en a dans tous les camps, dans tous les peuples, dans tout ce qui fait qu’un groupe d’humains font société… et ils ont beaucoup à faire pour tenter de ramener un peu d’ordre dans cette folie. Pendant ce temps en France, on vocifère et on nous encourage à baver de fureur ou à jouir d’un sombre contentement. Les mots sont dévoyés, constamment des experts refont les définitions, déterminent le curseur où placer la limite entre le bien et le mal. Petite pensée pour cette éditorialiste qui a voulu expliquer qu’un enfant mort n’en est pas un, ne se considèrant (in fine) qu’avec le filtre de la qualification entre une bonne et une mauvaise victime. Une bonne victime c’est celle qui est sacrifiée pour l’avènement du bien. Une mauvaise victime c’est dans le camp détenteur, monopole précieux, du bien. Ces gens là sont devenus les terrassiers d’un enfer résolument pavé de « très » bonnes intentions. Pas de plage sous ces pavés là.

Cui bono ? Toujours. Certains experts expliquent que la volonté est de pousser au crime, de pousser à la faute, pour justifier, ensuite, la répartie violente. L’air de rien, nous vivons une époque incroyable de tensions larvées. Une guerre économique, mondiale, qu’en France nous continuons de n’en voir qu’un manichéisme facile. Les bons, les méchants, les démocrates et les autres, la fameuse guerre de civilisation. La France est en train de crever de cette hypocrisie qui s’est installée durablement de manière systémique. Comme si tout ça, toute cette gloriole idéologique n’était finalement qu’un vernis qui couvre, qui camoufle, de moins en moins, la réalité du pourrissement. Hier, mon fils est venu défendre Ruffin. Je n’ai absolument rien contre ce héraut de la gauche, mais j’ai tenté d’expliquer que la LFI et donc Ruffin qui n’en est plus, ne sont pas les révolutionnaires qu’ils prétendre être. Oui, ils veulent réformer le système, mais absolument pas le changer. Leur révolution, c’est la continuité de celle de 1789.

Ce qui ne suffira pas, ce qui ne fera que des ajustements à la marge. J’en reste convaincu, la seule révolution qui peut changer les choses, c’est une révolutions des esprits, c’est une évolution de la perception. Sortir de l’impasse des idées reçues, des certitudes et des croyances, pour oser interroger la moindre chose que nos sociétés ont sacralisé pour nous rendre à la fois aveugles, serviles et zélés. Tous ceux qui instrumentalisent la lutte contre l’extrême-droite pour obtenir leur « légitimité » l’ont bien compris. Pour revenir à Ruffin, il faut lui accorder qu’il a bien perçu la scission des « publics » qui définissent la réalité du peuple français. Cette synecdoque qu’on nous rabâche à chaque sondage, avec « les Français », comme si nous étions tous unis, tous pareils, tous semblables, tous égaux. Mais Ruffin est un productiviste basique, il y a dans cette gauche l’acceptation d’une organisation sociale qui induit un assujettissement et une domination. De la continuité, donc. En cela, ces mouvements de gauche ne sont absolument pas révolutionnaires, et il faudrait déjà constater les limites et les compromis de la révolution de 1789. pour initier une nouvelle étape, pour oser vouloir créer, sociétalement, autre chose.

Je sais, je suis un rêveur. Je resterai un anarchiste, au pur sens du terme, « an-arkos », « sans chefs ». Les Hommes (et les Femmes) ont besoin d’ordre, ont besoin de lois, ont besoin de règles et de cadres, pour ne pas finir par s’entre-tuer. C’est dans ce constat que repose toute ma tristesse et ma tranquille désespérance. Ce vendredi matin, j’en fais encore le constat. Ce qui ne m’empêchera pas de bosser, une fois ces quelques mots balancés au vent digital, dans le presque vide numérique, cette matière noire qui remplit nos vies d’un néant confortable car nous procurant l’illusion d’une galaxie remplie d’étoiles… et dont je ne serai toujours qu’une rapide et insignifiante étoile filante ne laissant dans son sillon qu’une lumière diffuse et mourante.

Oui, j’aime Victor Hugo.

Good Bye John Cassaday

Je parle un peu trop souvent de politique sur ce blog, comme un expert de la matière noire, cette chose invisible et intangible qui donne des migraines au monde scientifique, mais je nourris bien des passions dont la BD. Et cette semaine j’ai appris avec une grande tristesse la mort de John Cassaday, un artiste que j’ai appris à aimer notamment sur ce que je considère comme un chef d’oeuvre du genre, Planetary avec Warren Ellis au scénario.

Je n’ai pas beaucoup de choses à dire sur l’artiste, je ne suis pas du genre à farfouiller dans la vie des gens, j’ai déjà trop de mal à vivre la mienne, donc je n’ai pas suivi le cours de la carrière de l’artiste autrement que par ses collaborations et ses oeuvres. J’ai lu un peu de sa contribution sur la série X-Men, j’ai adoré l’évolution de son style, sobre et délicat, anti-spectaculaire et en même temps d’une étonnante puissance dans la simplicité. En faisant une rapide recherche avant d’attaquer ce billet, j’ai vu une cliché de lui, apparemment jeune, et j’ai été surpris de constater à quel point il ressemblait au personnage du Batteur de Planetary. Je ne pourrais jamais signifier l’admiration que je porte à tous les artistes qui oeuvrent, c’est le juste verbe, pour nous apporter la beauté de la créativité et de l’imagination dans un monde qui se complaît dans la trivialité et une volonté farouche de ne jamais sortir de l’ornière, de l’impasse, d’un monde ancien. A chaque fois que j’apprends la mort d’un artiste, notamment dans la BD, c’est toujours avec le sentiment qu’un chaman de la Bulle nous quitte en nous laissant tous un peu orphelins.

Bye Bye John Cassaday, je ne te connaissais pas autrement que par les êtres que tu imaginais et dessinais, que par ton trait particulier qui au tout début m’avait rebuté avant que tu m’apprivoises et que tu me fasses comprendre que c’est ça aussi la beauté : ne pas forcément répondre à une attente, mais bien proposer quelque chose de nouveau, d’inattendu, pour enrichir nos désirs trop souvent rendus conformes par les modes et les lignes éditoriales qui finalement répondent autant aux idéologies dominantes que le reste.

Il me vient l’image finale de l’épisode des X-Men qui voit Kitty Pryde prisonnière d’une immense balle qui finalement ne percute pas la Terre mais la voit s’éloigner horriblement, terriblement, loin de tous et de ceux qu’elle aime. La dernière page, sublime, montre la balle et une case de dialogue qui sobrement finit la phrase entamée la page précédente avec l’adjectif « parti ». J’aurais voulu trouver cette image en ligne, je sais qu’elle dort quelque part dans le bordel qu’est ma bibliothèque, repaire de petits trésors. Toi aussi tu as décidé de partir et c’est bien triste car très égoïstement je sais que je ne peux plus que me repaître de ce que tu as déjà créé et qu’en partant si jeune, tu nous as tous privé de ton talent si particulier. C’est pas grave, va, j’espère simplement que pour des gens qui mettent de la magie et du rêve dans le coeur des autres, il y a une petite place, spéciale et douce, pour eux, à ce qui ressemble au Paradis.

Allez, une image piquée sur le site (https://them0vieblog.com/2010/04/21/astonishing-x-men-omnibus-by-joss-whedon-john-cassidy/), qui pour le coup illustre à la fois la tristesse de ton départ et démontre la réalité de mes trop courts compliments. Peut-être qu’un jour je me donnerai le temps de rendre hommage à tous les artistes que j’aime en faisant le travail de critique que j’ai mené, une fois n’est pas coutume, sous un autre pseudonyme.

Le péril jaune ou ce qui reste dans la boite de Pandore

Oulà… un titre un brin romanesque, entre le jeu de mot et l’allusion fine, je suis en forme. Ou plutôt non. Fin de semaine, j’ai bossé comme un dingo, il reste aujourd’hui, mais bon, l’actu, les réactions, moi, le monde, mon cerveau, le chaos, l’entropie et ce blog pour vidordurer tout ce qui m’emboutit.

Barnier donc. J’ai explosé de rire, tant le choix est à la fois évident, révélateur, dramatique.

Evident parce qu’il n’y avait finalement pas de choix plus européiste que celui-ci, du technocrate biberonné aux couloirs et recoins des univers démocratiques, qui aura été dûment défendu par un Asselineau qui reste un homme de droite, ce que sa position souverainiste pourrait parfois faire oublier. Je conseille par ailleurs d’aller voir l’analyse très fine et pertinente de Georges Renard Kuzmanovic sur Tocsin (média présent sur Youtube) – tout est dit et bien dit. Tout ça pour dire que le souverainisme n’est pas forcément à droite, mais la gauche ayant fait du nationalisme une manifestation du fascisme, c’est encore un préjugé qu’il sera difficile de commuer.

Révélateur car au moins, on sait que le travail d’huissier va pouvoir dûment commencer. Avec la logique, avalisée par le médias et peut-être même par vous, petit citoyen hypnotisé par la rengaine du déterminisme financier, qu’il faut régler ses dettes, fussent-elles contractées par d’autres en votre nom, le temps est venu de céder le mobilier à défaut de billets joliment imprimés (car le digital, ça reste du vent, et seul les dieux décident si ce vent est tangible ou gazeux).

Dramatique, car avec ce choix, c’est un nouveau coup d’état, un abus de pouvoir, une manifestation d’une tyrannie « démocratique » qui s’accomplit. Psychologiquement, symboliquement, c’est bien dire au citoyen qu’il doit s’y faire, que tout ça n’est qu’illusion, que tout ça, la démocratie, les droit(e)s de l’Homme, la Liberté, ne sont que du décorum pour faire croire, pour faciliter la coloscopie en la rendant un peu moins douloureuse. Tu y es en démocratie ? Tu en es sûr ? Oui, peut-être. Si tu concèdes que ton seul pouvoir c’est accepter ou ne pas accepter, sachant qu’à l’arrivée ça n’a absolument aucune importance pour ceux qui sont tes maîtres. As-tu vraiment le droit de te plaindre ? Tu y crois, tu y participes, tu fais de ton immarcescible candeur le carburant de leur manipulation vulgaire. Comme disait l’autre présidentiable, « et ça passe ». Attention à ce que la coloscopie ne s’achève pas en lobotomie.

La gauche s’insurge. Poliment presque. Mélenchon, grave et dans une contention qui est peut-être motivée par la volonté de démontrer qu’il n’est pas le minotaure éructant du labyrinthe politique. Allez, on manifeste, à Paris et pour les ploucs de province, un peu où vous voulez… De toute manière, qui s’intéresse à la banlieue et au No man’s land dans ce pays où la centralisation incarne le défaut majeur, le péché capital (sans jeu de mot) ? Au pire, cramez deux trois voitures histoire qu’on puisse dire que vous êtes à la fois dégénérés, impolis et indécrottables. Et à nouveau, entre analystes, ça invoque, ça espère, ou ça désespère, ça incante, ça prophétise, ça apocalyptise, le retour des gilets jaunes. Sérieusement… Je suis souvent étonné qu’aucun analyste ne se penche un peu sur la raison de ce soulèvement qui repose, pour moi, sur le profil d’individu qui en était la sève. Qui étaient les gilets jaunes, ceux des rond-points, les purs, les durs ? Pour l’essentiel, des travailleurs ou de simples citoyens qui venaient du monde bien réel. Des gens qui ne sont pas en train de s’abrutir entre les 12 000 possibilités d’évasion, de distraction, de fuite, que leur offre leurs écrans, qui ne voient pas le monde par le prisme déformant des médias et des médiums qui nous régurgitent la réalité pour nous la faire percevoir comme toute une idéologie veut que nous la percevions. Plus tard, de leurs rangs viendront les héros du Covid, à la première heure. Encore plus tard, une partie d’entre eux seront encore « punis » pour défaut d’obéissance, pour résistance. Quid de tous ceux qui ont été privés de salaire, qui ont été harcelés au travail ou en famille, qui ont vu leurs droits simplement niés avec l’accord tacite de leur suprême leader qui ne rêvait que de les emmerder ?

Ce matin j’écoutais une matinale de France Culture sur la droitisation de la France… J’ai été un peu éberlué, à la fin, par le consensus des participants… Tous les réacs sont donc des français qui croient en une France en noir et blanc qui n’aura donc jamais existé (je caricature un peu) ? Sérieusement ? Car vous ne croyez pas que la start-up nation c’est pas encore plus con comme illusion ? Nous sommes TOUS victimes de notre perception tronquée de ce qui fait le monde. La seule manière d’essayer de s’extirper un tant soi peu, et sans perdre la sagace conscience que nous serons toujours piégés par notre subjectivité, notre éthos et notre habitus, de ce moi qui nous tyrannise, c’est en croisant un maximum les données, les sources, c’est en écoutant tous les bords, tous les discours, toutes les visions, toutes les narrations, toutes les fictions. C’est pas évident, mais il n’y a que ça qui permet de distinguer l’absurde comédie humaine qui fait notre société. Si la vérité n’est qu’un consensus, si la vérité n’est que l’interprétation sélective des faits que tu hiérarchises, valides ou invalides, tout n’est que fiction. Si l’idée est de vouloir prouver que sa fiction est meilleure donc s’impose à celle des autres, c’est à la fois une folie et une tragédie. Ah, nous y sommes. Je suis donc réac. Dur, au petit matin.

Qui furent donc les gilets jaunes pour ces bobos très satisfaits de leurs certitudes ? Ces fameux réacs, ces français déclassés mais donc, selon les experts de France Culture, victimes d’un déni somme toute condamnable (ils sont cons, pour faire court). Des français qui n’ont pas pris le train du monde, qui n’avait pas les jambes assez fortes pour courir et saisir l’opportunité, le kairos implacable d’un monde moderne, serviteur implacable d’un darwinisme cruel mais érigé, reconnu, en loi immanente (sinon ces imbéciles de dinosaures auraient fini par inventer la démocratie bien avant nous).

C’est pour ça qu’il a été facile de passer sur les mutilations, sur le harcèlement, sur le tabassage en règle que ces citoyens ont subi, qu’ils ont vécu dans leur chair et leur tête. Finalement, ils l’avaient bien mérité à nous bloquer pour nous empêcher de prendre nos vacances bien méritées. Et ils étaient d’extrême droite. Ah, cet anathème qu’il suffit de citer pour forclore tout débat. Toi qui est contre l’immigration, tu es donc mécaniquement raciste. Tout part de ça et tout est resté à ça. Mais j’ai de plus en plus de mal à écoutes les analyses qui décrivent les votants du RN et tout ce qui n’est pas à gauche comme des « fachos ». Nous allons crever de cette discorde, nous sommes tous inutilement divisés et opposés avec l’impossibilité d’un dialogue.

Dans cette logique absolutiste et intransigeante, les gilets jaunes ont été victimes d’une répression, d’une sauvagerie systémique, qui ne peut laisser que des traumatismes et de l’amertume. Rêver leur retour, c’est encore se dire que cet autre, qu’on méprise et qu’on moque, dont la plouquerie nous arrache un long soupir d’atermoiement, va venir, à notre place, se taper le sale boulot. C’est aussi ne pas avoir compris que cette strate d’individus, qui venaient du réel, une réalité sale et matérielle, ont été brisés, hachés menus, et totalement refroidis par le manque de soutien populaire. Il y a eu une grande victoire du « pouvoir » fin 2019, juste avant le Covid. L’exemple avait été fait, le principe avait été accepté, celui que le « pouvoir » puisse défoncer le peuple avec une totale tranquillité d’esprit. La glorieuse manifestation du « kratos », cette logique qui induit que nous perdurons dans une pensée ancienne et rance, qui finit toujours par l’expression et la victoire de la violence.

Les séditieux ayant été matés, peu de temps après il était judicieux de voir si les autres seraient obéissants, de mesurer le niveau de complaisance. Nous fûmes du bétail stoïque et appliqué à paître là, où et quand nous devions le faire. De par mon signe zodiacal, je suis une bête à cornes, donc c’est un peu mon destin d’être cocu. Je ne me considère donc pas être meilleur que les autres. J’ai signé moi aussi mes propres attestations de sortie. J’y ai cru, j’avais le nez sur les stats, je constatais une partie de l’escroquerie, je restais constructif. J’avais surtout peur de causer du tort. Je ne pouvais pas envisager qu’il puisse y avoir derrière tout ça un dessein autre que protéger la population à prévenir le pire. Puis j’ai découvert Saint Just.

« Tout le monde veut gouverner, personne ne veut être citoyen. Où est donc la cité ? » / « Un peuple n’a qu’un ennemi dangereux, c’est son gouvernement » / « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. »

Depuis, je continue de contracter mais très prudemment.

Que sera demain ? Sur ce blog, j’ai annoncé il y a quelques mois, en début d’année si mes souvenirs sont bons, que la rentrée serait terrible. Nous y sommes. Un bras de fer peut s’engager… ou alors ça sera l’accomplissement de ce grand plan qui vise à défaire la France, à la détruire. 50 ans que nous subissons une guerre économique souterraine, avec la complaisance de ceux qui ont fait de l’argent leur Graal et leur but. Ce pays, son peuple, auront été sacrifiés. Tout ça me rappelle l’incipit de Philip K Dick dans Substance mort (de mémoire, je l’ai lu il y a 30 ans maintenant). Il évoquait le destin de ses amis, tous rattrapés par les abus de substances illicites. Il réclamait de la clémence, il manifestait de la compassion pour leur légèreté, pour leur insouciance. J’ai l’impression que ce sera ça le bilan, plus tard, quand les historiens reviendront sur cette période. Un peuple qui profitait d’un bonheur, certes imparfait, il ne faut pas non plus céder à cette idée qu’hier c’était le paradis, mais merde, nous n’étions pas dans cette mouise abominable qui fait que le système n’est devenu qu’un repaire de parasites tout à fait prêts à détruire un peuple, une nation et ses institutions à seules fins de pillage et d’une cupidité sans fin. L’inconséquence de notre élite politique est une insigne preuve d’une trahison organisée.

Donc, nous allons voir, rapidement, comment les choses vont se passer. De grands soulèvements ? Il en faudra plus. Du chaos ? Oui, à minima. Du changement ? Pour du bon, il faudrait casser la baraque, renverser la table. Entre la droite mortifère et la gauche rétrograde, quel espoir réel peut survenir ? L’Europe va nous détruire, méthodiquement, légalement, la mithridatisation fatale. La grande menace c’est qu’il n’y ait plus de français, juste des individus qui pourront attester être nés dans une certaine partie du monde, se remémorant vaguement les paroles agressives d’un hymne, le chant d’un monde ancien et barbare, avant l’apogée démocratique.

Il y a ceux qui pensent que la révolution française ne s’est jamais vraiment achevée. Il est possible que nous assistions à sa conclusion, peu glorieuse, avec le retour à toutes les inégalités passés. D’une démocratie de libertés nous sommes passés à une démocratie de privilèges. L’agora est redevenue la Cour, avec son petit roi soleil qui détrousse la constitution pour l’incliner dans la position qu’il souhaite et qui lui permet d’en avoir le contrôle.

L’aristocratie qui était l’idée d’un pouvoir exercé par la manifestation de l’excellence a été pervertie en devenant une caste d’individus qui accaparent la richesse par le truchement de règles et de lois aussi iniques qu’injustes. C’est ce qui avait motivé la révolte et la colère en 1789. La faim oui, mais aussi le sentiment d’injustice. C’est ce que nous vivons à nouveau aujourd’hui. Mais le peuple n’est plus le même. Il n’a pas encore vraiment faim, même si les banques alimentaires voient les cohortes de demandeurs exploser.

Tout ce qui composait le Tiers-état était solidaire, en 1789, de sa réalité terrible. Nous, nous sommes atomisés, individualisés, nous sommes entretenus dans des oppositions autant factices qu’illusoires (il faudrait déjà parvenir à s’affranchir de cette maudite comparaison sociale, de ce réflexe à rejeter cet autre qui ne nous ressemble pas). Quand être de la classe « moyenne » ne sera pas un vague moment de fierté, mais la conscience que cela induit qu’il y ait une strate en dessous mais aussi au dessus. Quand l’idée même que la pauvreté s’impose comme une abomination et non plus une simple banalité, alors il y a la possibilité d’un changement car ce sera nous obliger à comprendre qu’il n’est absolument pas possible de créer un bonheur durable, mais également moral, sur le malheur des autres.

A suivre, donc… L’automne sera Sioux ou Apache, en espérant que l’hiver ne tourne pas à Fort Alamo (et oui, j’aime la culture ricaine, le destin des autochtones devrait un peu nous alerter).

Une rentrée 2024 dans la réalité d’une démostasis

Oulà, qu’il est beau mon titre de billet ! Qu’il est beau mon néologisme, qu’il est grec ! Donc, « démo », je ne vous ferai pas l’affront de vous soupçonner d’en ignorer le sens, mais « stasis », dixit Wikipédia :

La stasis (du grec ancien στάσις / stásis, pluriel στάσεις / stáseis, « faction, discorde, sédition »1) désigne dans la Grèce antique une crise politique d’origine sociale et morale procédant d’un conflit interne à une cité-État sur le fondement d’un déséquilibre ressenti dans la répartition du pouvoir, pouvant mener à la guerre civile.

Nous vivons donc une belle et totale démostasis, soit la faillite de la démocratie représentative qui en soi est de toute manière une belle escroquerie, et ce depuis son élaboration quelque peu opportuniste à un moment crucial qui a vu un changement de paradigme durable et difficilement réversible. Quand des êtres humains se mettent à croire en la liberté, c’est difficile de les remettre en cage en leur faisant avaler les couleuvres du droit divin et toutes ces sacralisations bien pratiques pour fixer les choses comme on veut qu’elles le restent. Faire croire à un peuple qu’il aurait le pouvoir en faisant confiance à des représentants qui, naturellement, seraient immunisés à la corruption du pouvoir et à la tentation d’une mercenaire duplicité, reste un coup magistral. Mais nous en sommes à un point de tension, à un point de surtension même, qui est le préambule à une crise systémique et peut-être même idéologique.

Jamais nous n’aurons autant discuté sur la Constitution, ce texte sacré, sur le totalitarisme, jamais il n’y aura eu cette interrogation sur la réalité d’une dictature, affirmée ou cachée. Jamais nous n’aurons senti le retour du harnais autour de nos délicats coups de bêtes de somme. Recentrons le débat sur l’espace de notre hexagone. Le peuple français aura été déclaré à peu près tout depuis un demi siècle : râleurs, fainéants, profiteurs, médiocres, et même carrément soupçonné de dégénérescence. Jamais nous n’avons été aussi divisés, contrariés, opposés, flattés ou méprisés qu’à l’heure actuelle. La preuve, nous avons un Parlement reflétant 3 blocs à l’impossible mixité. 3 huiles différentes qui refusent de se mélanger et qui surtout, ne le veulent pas. Ainsi, nous arrivons à la terrible vérité d’une déficience, d’une impossibilité de gestion par le mouvement politique. Ne reste donc que le salut apporté par la sacrosainte loi, presque naturelle elle-aussi, du marché. Ah, le marché… Ce dieu, n’ayons pas peur des mots, qui auto-régule tout par les voies sacrées (elles-aussi) de l’offre et de la demande, les deux archanges de cette pas si nouvelle religion.

J’exagère, mais finalement c’est bien à ça que certains rêvent d’arriver. Un pays ingouvernable devenant une simple région, d’irréductibles gaulois, qui ne pouvant trouver le salut dans ses illusions démocratiques, va devoir se soumettre à la toute puissance d’une technocratie qui elle ne subit pas toutes ces errances quelque peu improductives.

La volonté politique en France aura été, consciencieusement, de détruire ce qui fait un citoyen pour ne produire que des individus consuméristes et individualistes. Nous y sommes. Alors, comme l’a si bien écrit Gainsbourg, « quoi ? ». Ce matin, j’écoutais un obscure éditorialiste vanter un sondage qui veut faire croire que les « français » sont moins déprimés en cette rentrée 2024. Sans déconner ? Donc, que va-t-il se passer ? Depuis deux semaines, je mise sur Cazeneuve, mais il y a un tel feedback négatif que ça peut influencer la mascarade à venir. Se foutre de la gueule du peuple, oui, mais avec un peu les formes, le but étant de faire tenir le petit édifice branlant qu’est devenu notre système politico-administratif. J’ai entendu les noms de Sarkozy et de Hollande… que dire sinon que j’ai explosé de rire… Hollande, l’ennemi de la finance, ayant intronisé notre suprême monarque issu du monde de l’adversaire, sans nul doute par désir de combattre le mal par le mal (c’est pas vraiment gagné), pourrait devenir le premier majordome de l’ancien ? Nous vivons une farce, et sincèrement, je n’arrive pas à imaginer ce qui va suivre.

Ce qui est déplorable, c’est bien le vide de l’offre politique actuelle. Nous payons des décennies de libéralisme échevelé. Des individus sans consistance intellectuelle, des arrivistes qui réduisent la chose politique à l’application scolaire d’un sophisme de bon ton. Mélenchon, le seul à avoir un peu d’épaules, jouent son ultime coup de Jarnac avec les prochaines présidentielles, anticipées ou non. Le pays est mal, tous les signaux sont au rouge, et personne n’en parle, à part dans les petits médias alternatifs qui ne participent pas au narratif qui camoufle le désastre. Des diversions sont tentées, qui ressemblent toutes à des blagues : l’épidémie Monkeypox, les faits divers les plus tristes et sordides qui s’alignent jour après jour pour nous maintenir dans une fiévreuse émotivité, les manifestations sportives et leurs petits shoots d’adrénaline, l’immigration par ci par là… Absolument tout y passe, et pourtant, pourtant, le malaise est là, la colère est froide, les yeux un peu trop cernés par des nuits qui n’ont pas été de fête mais bien d’angoisse.

J’attends la blague de notre leader suprême. J’ai peur d’être déçu quand même. Il aura toujours été surprenant dans sa manière de foutre le bordel. Pas imprévisible. Quand tu as compris que le but c’est la dévastation en profitant de l’effet de stupéfaction, tu te prépares. J’aimerais créer un compteur de roublardise en mettant, à chaque degré atteint, les points forts de ce désastre bi-quinquénal.

Ah oui, il pourrait y avoir une destitution. Sérieusement, comme si les agents zélés d’un système allaient faire quoi que ce soit pour le changer vraiment. Car c’est ça la terrible vérité dans tout ça : il n’y a pas d’opposants et d’adversaires, il y a des bactéries vivaces qui se disputent les organes d’un même système, le but n’étant pas qu’il guérisse mais bien d’en sucer la substantifique moelle. Après, je ne sais pas pourquoi Castet n’aura pas été désignée, elle n’aurait pas fait long feu. J’ai l’impression que le but c’est jouer la montre un maximum, et dans cette logique là, il n’y a pas de petites économies, plus maintenant quand le torchon brûle et menace d’enflammer la cuisine.

Bonne rentrée en Démostasie !