Bon… Avant de m’y mettre, je prends mon cafĂ© tranquillou, j’allume ce qui me sert de rĂ©ceptacle Ă informations (une tĂ©lĂ©vision mais ça fait longtemps que je ne la regarde plus – je fais mon marchĂ© sur Youtube entre canal de gauche, de droite, du centre, de l’arriĂšre et du juste milieu (salut RĂ©mi !)). Et lĂ … La vie dissolue de la dissolution s’impose Ă mes sens, m’enivre jusqu’Ă me saouler, m’envahit insidieusement de toutes les analyses qui se bousculent depuis que notre suprĂȘme leader nous ait fait l’honneur de son dernier coup de jarnac (ou j’arnaque, au choix).
Politique. Encore un mot, faut dire que notre rĂ©alitĂ© n’est fait que de ça, des mots qui s’agencent pour nous permettre de donner du sens Ă ce qui n’en a ontologiquement pas. Je sais que je me rĂ©pĂšte, mais c’est introduction liminaire est essentielle… Surtout quand Ă l’Ă©vidence le discours mĂ©diatique dispose d’une puissance que le rĂ©sultat des derniĂšres Ă©lections prĂ©sidentielles ne peut que rĂ©vĂ©ler. Les divers commentateurs m’auront bien fait rire avec « la justesse des estimations sondagiĂšres ». Et le coup de la prophĂ©tie auto-rĂ©vĂ©latrice, vous connaissez ? Pourtant, le Dune de Villeneuve aura exposĂ© cette logique avec une force narrative qu’il n’est pas vraiment possible de dĂ©nier ? Jamais, dans une Ă©lection, le projecteur n’aura Ă©tĂ© accaparĂ© et rĂ©servĂ© Ă une poignĂ©e, que dis-je, un trio de candidat : Hayer, Bardella, Glucksmann. Une sorte de CerbĂšre dĂ©signĂ© par ce qu’il n’est pas complotiste, pardon, exagĂ©rĂ©, de dĂ©finir comme un systĂšme aux ordres d’un ensemble d’intĂ©rĂȘts particuliers en composant un autre de systĂšme. Parfois je me dis que je devrais quitter mes activitĂ©s crĂ©atives pour me lancer dans une tentative de rĂ©vĂ©lation, Ă coups de schĂ©mas et d’organigrammes/sociogrammes, des forces en prĂ©sence dans notre bon pays. Puis je me dis qu’il faut encore un public pour ça, et vu le rĂ©sultat des derniĂšres europĂ©ennes, je ne suis pas sĂ»r qu’il y ait un intĂ©rĂȘt pour la pilule rouge. Comme souvent dans ma vie, je suis tiraillĂ© entre deux pulsions, celle de participer Ă la vie collective et celle de me concentrer sur mes petites ambitions plus personnelles mais finalement pas moins futiles. Car l’expĂ©rience m’aura aussi rĂ©vĂ©lĂ© Ă quel point croire en la solidaritĂ© des autres est illusoire, quand bien mĂȘme elle s’exĂ©cuterait dans leur propre intĂ©rĂȘt. J’ai vu et constatĂ© combien la tentation du destin personnel est plus forte que l’idĂ©e d’une collaboration gĂ©nĂ©reuse. Notre sociĂ©tĂ© est bien celle du chacun pour soi, ce qui explique en partie la dĂ©cadence actuelle. Plus que jamais, je ne crois qu’en une sociĂ©tĂ© solidaire et responsable, oĂč l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral prĂ©vaut sur tout le reste – et l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, pour moi, c’est la volontĂ© puissante de rĂ©aliser les conditions d’un bonheur collectif. Je sais, je suis un naĂŻf, un idĂ©aliste, un idiot, un utopiste, un rĂȘveur, un fou, un gros connard mĂȘme. Le monde, tous les jours, me le rĂ©pĂšte assez quand j’Ă©coute les mĂ©dias ressasser l’ignominie organisĂ©e que sont devenues nos glorieuses dĂ©mocraties.
Donc, dans les faits, gros score du RN. Suivi dans un mouchoir de poche par Reniou (oui, ça me fait rire) et l’europophile exaltĂ© Glucksmann, soit le PS. L’autre vrai score notable, c’est la paradoxale mais quand mĂȘme forte progression de la LFI. Et dans les donnĂ©es Ă considĂ©rer, la chute des verts, et le rĂ©sultat de l’invisibilisation des petites listes, notamment les souverainistes qui ont payĂ© chĂšrement leur dĂ©sir d’indĂ©pendance. Faire des millions de vues sur Youtube c’est bien, mais ça ne reste qu’une paille dans l’oeil qui demeure rivĂ© sur le flux mainstream. En rĂ©sumĂ©, et trĂšs rapidement car ça nĂ©cessiterait un dĂ©veloppement et une analyse plus exigeante qu’une affirmation intrinsĂšquement insuffisante pour s’Ă©tablir comme vĂ©ritĂ©, il ne faut pas confondre la petite masse des gens concernĂ©s qui prennent le temps de choisir son flux d’infos et la grosse qui n’a pas le temps pour ça et qui se contente d’Ă©pouser les opinions toutes faites qu’on leur dĂ©livre Ă la radio, dans les journaux, et Ă la TV.
Et lĂ , dissolution. Comme ça, sans gants et sans mĂ©nagement. Le coup de la rupture amoureuse qui survient sans crier gare, sans prĂ©mices ni signes. Ce qui est faux en soi : des indices, il y en avait plein, et plus tĂŽt dans la journĂ©e j’avais dĂ©livrĂ© cet oracle Ă mes enfants. Si j’avais su Ă quel point c’Ă©tait gĂ©nial de le spĂ©cifier, je l’aurais Ă©crit sur ce blog. Tant pis, je resterai une Cassandre de blog, ce n’est pas comme si je voulais me vendre en tant que politologue du dimanche, y en a dĂ©jĂ bien trop sur le marchĂ©. Et depuis, polarisation mĂ©diatique, mĂȘme ceux qui dĂ©noncent la manipulation y participent. J’avoue que je suis un bon spectateur, car la politique j’adore ça. Je ne la considĂšre pas comme un art noble ou comme un domaine rĂ©servĂ© Ă des spĂ©cialistes. La politique, de « Polis », la citĂ© en grec ancien, c’est tout ce qui touche Ă la vie de la citĂ© devenue sociĂ©tĂ©. Tout est politique. Absolument tout. Car la moindre de nos actions citoyennes ou mĂȘme simplement civiques participent Ă la citĂ©. MĂȘme nos oeuvres culturelles les plus mineures participent au discours politiques en mettant en scĂšne, de maniĂšre faussement naĂŻves, des modes de vie ou des principes idĂ©ologiques voire moraux. Dire bonjour ou ne pas dire bonjour Ă un voisin est un acte politique. Toiser un autre qui nous agace ou lui sourire est un acte politique. Une vision peut-ĂȘtre un poil dramatique voire emphatique, mais c’est la mienne. Le monde Ă©tant tel que nous le faisons, dans une logique presque karmique, nos comportements publics, nos actes sociaux, dĂ©terminent sa nature. En ce moment c’est pas trĂšs fifou comme le dirait ma fille, trĂšs touchĂ©e moralement par ce qu’elle aura vu, lu et entendu sur les rĂ©seaux qu’elle suit ou qu’elle abonde.
Les observateurs s’interrogent donc sur l’intention. Le machiavĂ©lophile prĂ©sident est certes rĂ©putĂ© pour son addiction Ă la manipulation, mĂȘme si elle est souvent grossiĂšre. La roublardise, ou l’audace pour utiliser un terme que ses aficionados prĂ©fĂšrent, est son essentiel moteur. Franchir non pas le rubicon, mais tous les rubicons possibles et imaginables, en constatant que la sidĂ©ration est un phĂ©nomĂšne proportionnellement rĂ©pĂ©table selon l’incapacitĂ© Ă comprendre la rĂ©alitĂ© de la situation. C’est un peu lapidaire comme analyse, mais elle est pourtant rĂ©elle : dans la grande majoritĂ© des cas, peu ont compris le but des manoeuvres et des abus de pouvoir en cascade de ces deux derniĂšres annĂ©es. Il y a aussi de la brutalitĂ© et de la rapiditĂ© dans l’exĂ©cution qui rappellent les campagnes de CĂ©sar. Finalement, est-ce surprenant de nous voir assiĂ©ger tels des gaulois rĂ©fractaires par un pouvoir qui ne vise qu’Ă nous rĂ©former en tant que peuple et en tant que nation ? Je vous renvoie aux excellentes vidĂ©os de PacĂŽme Thiellement sur la chaĂźne vidĂ©o Youtube de Blast qui m’a inspirĂ© cette saillie. Sachant de plus que sa vision du Christ rejoint la mienne, et que ça fait du bien en ces temps d’intense religiositĂ© (je ne parle pas des religions, mais bien de la religiositĂ©).
Personnellement, je pense que la volontĂ© de notre prĂ©sident est d’ouvrir la voie au RN pour lui saborder celle de la prĂ©sidentielle. Notre arĂšne politique « professionnelle » Ă©tant devenue un thĂ©Ăątre de Guignol (et j’ai pas Ă©crit de « guignols » – notez la finesse qui Ă©vite la saillie facile) oĂč le narratif l’emporte sur le rĂ©el, c’est bien le mandat qui importe, pas tant que l’action politique en soi. Il n’est pas impossible qu’ayant ouvert la voie Ă l’ennemi fondamental, l’idĂ©e soit de lui laisser un peu le manche pour montrer Ă tous qu’il en fait n’importe quoi. AprĂšs, le vrai grand danger, c’est bien cette maudite gauche, encore un autre cerbĂšre, dont une des tĂȘtes est profondĂ©ment menaçante, cherchant Ă faire faillir cette esprit lucrato-libĂ©ral qui fait le bonheur des flux boursiers et des gras dividendes (« Pognon… je t’aime ! » Imitation savoureuse du regrettĂ© Jean-Pierre Mariel de Michel Leeb). Finalement, quand tu additionnes tous les partis de gauche aux europĂ©ennes, ça monte pas mal, presque au niveau du RN. Gageons que les Ă©gos de la gauche sauront encore prĂ©dominer sur l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et qu’ils feront encore les idiots utiles en se perdant, une fois encore, dans des introspections existentielles les poussant Ă suspecter leurs collĂšgues d’ĂȘtre des traĂźtres ou des salauds en embuscade. Petite pensĂ©e pour le cristallin de service, qui me fait penser aux ante-christ de l’Apocalypse. Et j’ai trouvĂ© touchante la rĂ©action dĂ©sabusĂ©e de Thomas Porcher sur le MĂ©dia, fatiguĂ© de constater le continuel revirement opportuniste d’une gauche capricieuse, plus soucieuse de remporter des Ă©lections Ă but personnel que dans la logique d’un combat idĂ©ologique censĂ© la magnifier.
En conclusion, et pour faire court (car je dois m’y mettre), ces LĂ©gislatives seront aussi un moment d’Ă©claircissement Ă dĂ©faut d’ĂȘtre de rĂ©vĂ©lation. Vu le chaos social que nous traversons depuis l’Ă©lection prĂ©sidentielle, il n’y a rien de pire Ă venir. Je suis curieux de voir ce que fera le RN s’il obtient une majoritĂ© au Parlement. Je suis curieux de voir si la natalitĂ© des castors va connaĂźtre un bond aussi prodigieux que la derniĂšre fois et comment les mĂ©dias vont agir pour que ceux-ci fasse leur barrage lĂ oĂč on voudra qu’ils les fassent. LFI se voit sommer de faire corps, et dans les prochains jours, nous verrons si la gauche radicale fera son pacte avec le diable de la classe moyenne. Glucksmann, avatar d’un Macron lui aussi, en son temps, sponsorisĂ© par une gauche bobo, ne pourra pas cohabiter avec son ennemi intime, son vĂ©ritable ennemi (qui n’est pas la finance).
Et si le RN dominait, quid du premier ministre ? Bardella ou Marine Le Pen ? Deux ans d’Ă©chec pourrait sonner le glas d’un mandat prĂ©sidentiel ou vicier la candidature d’un mandant de ce parti pour en faire l’utile bouc Ă©missaire qu’un nouveau messie mĂ©diatisĂ© pourrait supplanter (Glucksmann ?).
Je regardais ce jour Viktorovitch en pleine exaltation de sa peur de l’avĂšnement d’un fascisme, qui lui Ă©met l’idĂ©e que le but de la manĆuvre c’est retrouver une majoritĂ© prĂ©sidentielle en jouant sur les peurs. Ce qui me semble abscons par faute simplement de candidats macronistes. L’air de rien, le dernier remaniement a quand mĂȘme dĂ©voilĂ© le manque d’enthousiasme pour un parti qui va porter longtemps la marque de ses choix impopulaires. En bref, Ă part des amateurs et des nouvelles tĂȘtes, peu de chance que des vieux briscards ou des prĂ©tendants sĂ©rieux participent Ă ce qui ne sera au mieux qu’un remake du Titanic en milieu urbain. AprĂšs, il y a peut-ĂȘtre une escouade de rĂ©serve que je ne vois pas venir, mais je n’y crois pas. AprĂšs (2), il n’y aura de victoire que dans des fiefs conquis depuis longtemps – dans une France dĂ©vastĂ©e Ă©conomiquement, ce genre de territoire commence Ă se faire rare.
Il est quand mĂȘme triste de voir certaines politiques effacĂ©es ou invisibilisĂ©es quand elles ne sont pas diabolisĂ©es. Je regardais des infographies du Monde hier, et j’ai Ă©tĂ© encore surpris de voir des catĂ©gories comme celle de « l’extrĂȘme-droite » englobant un peu tout et n’importe quoi. C’est lĂ aussi qu’il faut constater Ă quel point il est difficile pour un observateur qui se veut objectif de rĂ©ifier son indĂ©pendance de point de vue tout en acceptant, en validant, le logos d’une matrice qui dĂ©forme par sa nature systĂ©mique tout ce qu’elle dĂ©signe. Une fois encore, la libertĂ© voire la rĂ©volution ne pourra se rĂ©aliser que par la contestation des mots et des idĂ©es, par dans le jonglage qu’est devenu, de nos jours, l’exercice politique comme analytique.
Bonne journée (je suis à la bourre).