Oulà, qu’il est beau mon titre de billet ! Qu’il est beau mon néologisme, qu’il est grec ! Donc, « démo », je ne vous ferai pas l’affront de vous soupçonner d’en ignorer le sens, mais « stasis », dixit Wikipédia :
La stasis (du grec ancien στάσις / stásis, pluriel στάσεις / stáseis, « faction, discorde, sédition »1) désigne dans la Grèce antique une crise politique d’origine sociale et morale procédant d’un conflit interne à une cité-État sur le fondement d’un déséquilibre ressenti dans la répartition du pouvoir, pouvant mener à la guerre civile.
Nous vivons donc une belle et totale démostasis, soit la faillite de la démocratie représentative qui en soi est de toute manière une belle escroquerie, et ce depuis son élaboration quelque peu opportuniste à un moment crucial qui a vu un changement de paradigme durable et difficilement réversible. Quand des êtres humains se mettent à croire en la liberté, c’est difficile de les remettre en cage en leur faisant avaler les couleuvres du droit divin et toutes ces sacralisations bien pratiques pour fixer les choses comme on veut qu’elles le restent. Faire croire à un peuple qu’il aurait le pouvoir en faisant confiance à des représentants qui, naturellement, seraient immunisés à la corruption du pouvoir et à la tentation d’une mercenaire duplicité, reste un coup magistral. Mais nous en sommes à un point de tension, à un point de surtension même, qui est le préambule à une crise systémique et peut-être même idéologique.
Jamais nous n’aurons autant discuté sur la Constitution, ce texte sacré, sur le totalitarisme, jamais il n’y aura eu cette interrogation sur la réalité d’une dictature, affirmée ou cachée. Jamais nous n’aurons senti le retour du harnais autour de nos délicats coups de bêtes de somme. Recentrons le débat sur l’espace de notre hexagone. Le peuple français aura été déclaré à peu près tout depuis un demi siècle : râleurs, fainéants, profiteurs, médiocres, et même carrément soupçonné de dégénérescence. Jamais nous n’avons été aussi divisés, contrariés, opposés, flattés ou méprisés qu’à l’heure actuelle. La preuve, nous avons un Parlement reflétant 3 blocs à l’impossible mixité. 3 huiles différentes qui refusent de se mélanger et qui surtout, ne le veulent pas. Ainsi, nous arrivons à la terrible vérité d’une déficience, d’une impossibilité de gestion par le mouvement politique. Ne reste donc que le salut apporté par la sacrosainte loi, presque naturelle elle-aussi, du marché. Ah, le marché… Ce dieu, n’ayons pas peur des mots, qui auto-régule tout par les voies sacrées (elles-aussi) de l’offre et de la demande, les deux archanges de cette pas si nouvelle religion.
J’exagère, mais finalement c’est bien à ça que certains rêvent d’arriver. Un pays ingouvernable devenant une simple région, d’irréductibles gaulois, qui ne pouvant trouver le salut dans ses illusions démocratiques, va devoir se soumettre à la toute puissance d’une technocratie qui elle ne subit pas toutes ces errances quelque peu improductives.
La volonté politique en France aura été, consciencieusement, de détruire ce qui fait un citoyen pour ne produire que des individus consuméristes et individualistes. Nous y sommes. Alors, comme l’a si bien écrit Gainsbourg, « quoi ? ». Ce matin, j’écoutais un obscure éditorialiste vanter un sondage qui veut faire croire que les « français » sont moins déprimés en cette rentrée 2024. Sans déconner ? Donc, que va-t-il se passer ? Depuis deux semaines, je mise sur Cazeneuve, mais il y a un tel feedback négatif que ça peut influencer la mascarade à venir. Se foutre de la gueule du peuple, oui, mais avec un peu les formes, le but étant de faire tenir le petit édifice branlant qu’est devenu notre système politico-administratif. J’ai entendu les noms de Sarkozy et de Hollande… que dire sinon que j’ai explosé de rire… Hollande, l’ennemi de la finance, ayant intronisé notre suprême monarque issu du monde de l’adversaire, sans nul doute par désir de combattre le mal par le mal (c’est pas vraiment gagné), pourrait devenir le premier majordome de l’ancien ? Nous vivons une farce, et sincèrement, je n’arrive pas à imaginer ce qui va suivre.
Ce qui est déplorable, c’est bien le vide de l’offre politique actuelle. Nous payons des décennies de libéralisme échevelé. Des individus sans consistance intellectuelle, des arrivistes qui réduisent la chose politique à l’application scolaire d’un sophisme de bon ton. Mélenchon, le seul à avoir un peu d’épaules, jouent son ultime coup de Jarnac avec les prochaines présidentielles, anticipées ou non. Le pays est mal, tous les signaux sont au rouge, et personne n’en parle, à part dans les petits médias alternatifs qui ne participent pas au narratif qui camoufle le désastre. Des diversions sont tentées, qui ressemblent toutes à des blagues : l’épidémie Monkeypox, les faits divers les plus tristes et sordides qui s’alignent jour après jour pour nous maintenir dans une fiévreuse émotivité, les manifestations sportives et leurs petits shoots d’adrénaline, l’immigration par ci par là… Absolument tout y passe, et pourtant, pourtant, le malaise est là, la colère est froide, les yeux un peu trop cernés par des nuits qui n’ont pas été de fête mais bien d’angoisse.
J’attends la blague de notre leader suprême. J’ai peur d’être déçu quand même. Il aura toujours été surprenant dans sa manière de foutre le bordel. Pas imprévisible. Quand tu as compris que le but c’est la dévastation en profitant de l’effet de stupéfaction, tu te prépares. J’aimerais créer un compteur de roublardise en mettant, à chaque degré atteint, les points forts de ce désastre bi-quinquénal.
Ah oui, il pourrait y avoir une destitution. Sérieusement, comme si les agents zélés d’un système allaient faire quoi que ce soit pour le changer vraiment. Car c’est ça la terrible vérité dans tout ça : il n’y a pas d’opposants et d’adversaires, il y a des bactéries vivaces qui se disputent les organes d’un même système, le but n’étant pas qu’il guérisse mais bien d’en sucer la substantifique moelle. Après, je ne sais pas pourquoi Castet n’aura pas été désignée, elle n’aurait pas fait long feu. J’ai l’impression que le but c’est jouer la montre un maximum, et dans cette logique là, il n’y a pas de petites économies, plus maintenant quand le torchon brûle et menace d’enflammer la cuisine.
Bonne rentrée en Démostasie !