Before WATCHMEN : boucle bouclée

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Il y a près de vingt ans maintenant, la série Watchmen de Dave Gibbons et Alan Moore donnait ses lettres de noblesse aux comics, genre de BD quelque peu décriée pour ses abus de collants et de super pouvoirs, antagonistes pour beaucoup à une certaine prétention littéraire et artistique. Watchmen, le temps d’un arc à la fois trépidant et iconoclaste, dépeignait une réalité alternative dans lesquelles les super héros étaient dépeints de manière très réalistes, dans un monde impitoyable et névrosé, proche de celui que connaissait l’essentiel du monde occidental au début des années 80. Soit une psychose constante de la guerre atomique, avec la rivalité de plus en plus affichée des deux grandes super puissances de l’époque, soit les États-Unis et l’URSS.

Il y avait dans l’oeuvre de A. Moore et D. Gibbons, un véritable foisonnement des thématiques comme des références. Le traitement, très noir, avec une analyse sous-jacente d’une certaine mythologie libérale ayant donné naissance à une société manichéiste, produisait à l’arrivée une œuvre hybride et surprenante qui a suscité le respect et un paradoxal excellent accueil dans nos contrées assez hostiles aux productions dessinées exotiques (comme le disait à l’époque Ségolène Royal, avec toutes ses « japoniaiseries » ambiantes). Je ne ferai pas ici une énième critique ou commentaire sur cette œuvre phare, et vous inviterai à vous procurer d’urgence l’intégrale ressorti récemment, qui a toujours le même impact et la même puissance. Par contre, j’ai eu le plaisir de découvrir en kiosque les revues de Urban Comics compilant les mini-séries dédiées à différents protagonistes du récit originel, et se situant chronologiquement avant les événements.

Ces intrigues, tournant autour des Minutemen (qui précèdent les Watchmen), du Spectre soyeux, du Comédien, du Hibou et d’Ozymandias, sont autant de préquelles savoureuses qui nous replongent avec fascination dans l’univers créé il y a des années par le duo Moore/Gibbons. En furetant sur le web, j’ai découvert, non sans surprise, le conflit entre A. Moore et DC Comics, ainsi que sa position très tranchée concernant les films adaptés de ses œuvres (et je n’ai pas grand mal à le comprendre, surtout lorsqu’on voit l’abomination cinématographique issue de l’oeuvre magnifique qu’est V pour Vendetta). Apparemment, Alan Moore a indirectement enjoint ses fans à ne pas acheter les nouvelles productions de DC Comics, inspirée des univers dont il est le créateur (et j’imagine qu’il doit être privé d’un quelconque bénéfice financier).

Personnellement, j’avoue que même si j’adore Alan Moore, même si je possède pas mal d’œuvres de sa plume, même en connaissant l’anathème qu’il a prononcé à l’encontre de cette fournée de préquelles, et même en reconnaissant l’abus qui peut être fait par certains studios américains des œuvres et création de certains auteurs (je pense notamment à Elektra de Frank Miller), le casting de ces comics est tout de même assez fabuleux. Lein Wein, Darwyn Cooke, Brian Azzarello, J.M. Straczynski, Andy et Joe Kubert, et Jae Lee sont de la partie, et dans l’ensemble, les productions sont à la hauteur de leur(s) talent(s) respectif(s). Je comprends la position d’Alan Moore, mais d’un autre coté, ces comics perpétuent la renommée de l’œuvre originelle, et j’espère sincèrement que leur succès encouragera de nouveaux lecteurs potentiels. Car à l’arrivée, si je trouve ces préquelles excellentes, voire enthousiasmantes (j’avoue que le travail sur Ozymandias, tant graphiquement que scénaristiquement est bluffant), on n’est tout de même pas au niveau de l’œuvre originelle, ce qui semble, d’un autre coté, inatteignable, tant elle se révélait d’une profondeur et d’une sophistication jamais vu encore dans l’univers du comics (il faut rappeler que The Watchmen fut le premier comics à remporter le prix Hugo (et ptête le seul, je n’ai pas pris le temps de vérifier), d’habitude réservé à des productions purement littéraires).

Pour pousser la critique, on pourra même noter une certaine faiblesse du coté du Spectre Soyeux qui flirte avec l’ambiance adolescente, pour sombrer dans de la vignette pour jeune fille (à moins que tout ça ne soit mis en place pour être mis en charpies… wait and see). Il y a peut être une certaine forme de classicisme avec le comédien et son rapport avec JFK, dans l’idée d’une Amérique perdant son âme… mais il est certain que ce personnage en particulier est certainement le plus difficile à mettre en scène, tant son ambivalence peut s’avérer un écueil tentant pour tout scénariste tenté par la thématique de la rédemption ou celle du cynisme désabusé.

En conclusion, une bonne surprise à l’arrivée, et c’est un plaisir de retrouver ces icônes hyper charismatiques et qui ont marqué durablement la culture du genre ; avec les bandes de Frank Miller, les récits de Moore ont démontré le potentiel du récit super héroïque dans un monde et des intrigues éminemment plus dramatiques et réalistes. Il est juste ironique, qu’un récit qui était initialement une mise en abime du genre, serve maintenant d’inspiration et de base à une exploitation somme toute classique ; à l’instar des poupées russes, la réflexion sur le capital mythologiques des icones super héroiques occupait une place importante du récit, et les personnages étaient des reflets déformés de certains grands noms de l’univers DC (comme par exemple le Hibou et Rorschach, version schizophrénique de Batman et Robin). Des reflets qui maintenant ont acquis leur propre individualité et légitimité à exister par eux-mêmes, débarrassés du rôle miroir qui était initialement le leur. Une boucle donc qui se boucle, ce qui peut effectivement irriter les initiateurs du projet, qui voient leur bébé passer du stade d’œuvre finale à celle de franchise…

Note : il y a actuellement un bundle proposant le numéro 1 & 2 au prix de 8,90 €, que je vous conseille vivement : d’ailleurs, l’intrigue avec le Spectre Soyeux dans le second numéro est plus intéressante avec une digression intéressante sur les pulsions consuméristes, et les autres récits gagnent en intérêt, à tous les points de vue (Les Minutemen deviennent passionnants et bien dans l’esprit parfois glauque de l’œuvre originale).


Et le trailer sur Youtube !

sources : l’image en tête d’article provient du site dcplanet.fr que je vous invite à découvrir en cliquant ici !

et un article intéressant sur Before Watchmen sur le site www.comicschronicles.fr où j’ai découvert la position d’Alan Moore notamment !

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