Ce matin, une émission courte mais sidérante sur France Culture : « Comment encadrer le secteur des influenceurs ? »
C’est effrayant d’entendre ce genre d’Ă©missions, oĂč on valide des catĂ©gories comme si elles Ă©taient des vĂ©ritĂ©s… « Influenceurs » ça ne veut rien dire, c’est juste, Ă la limite, du jargon marketing pour mettre une couche de vernis sur ce qui a toujours existĂ© avec la sainte profession de critique. Van Gogh n’a jamais Ă©tĂ© reconnu pour son talent du temps de son vivant, ce drame n’a pourtant pas inspirĂ© les forces publiques pour modifier cette tyrannie du bon goĂ»t qui tous les jours normalise l’injustice de la subjectivitĂ©. J’adore comment on dĂ©bute le propos en angĂ©lisant la profession de critique… Depuis toujours des critiques vĂ©reux ont menti Ă leur public en faisant les beaux jours de leurs commanditaires, jamais il n’a Ă©tĂ© question d’encadrer malgrĂ© tout ces professions liĂ©es Ă la « recommandation », et je ne parle mĂȘme pas des politiques qui ne respectent pas leurs promesses et leur programme. Je ne parle mĂȘme pas de la publicitĂ©, car en rĂ©sumĂ©, ce qui est reprochĂ© aux « influenceurs » c’est donc bien d’en faire de maniĂšre « inapropriĂ©e ». Comme si la publicitĂ© Ă©tait depuis toujours loyale et objective, jamais mensongĂšre et manipulatoire.
La libertĂ© ce n’est pas donner des moyens de contrĂŽle, c’est contrevenir aux abus. Quand on veut prĂ©venir les choses en crĂ©ant des organismes ou des lois chargĂ©s de le faire, ça n’engendre que de la corruption ou des abus de pouvoir, de la censure et le tapis rouge Ă la propagande. Mais c’est peut-ĂȘtre le but, hein ? Sous couvert d’agir pour l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et le bien des imbĂ©ciles, on se dĂ©brouille pour lĂ©galement verrouiller l’accĂšs Ă ce qui aura droit de parole.
ArrĂȘtez de vouloir imposer aux gens quoi penser, quoi vouloir, quoi rĂȘver, ce n’est pas de la raison, c’est du totalitarisme. Informez loyalement, non Ă coups de propagandes tĂ©lĂ©guidĂ©es par des intĂ©rĂȘts privĂ©s, marchands, qui justement rĂ©duisent des individus Ă n’ĂȘtre considĂ©rĂ©s que comme des « consommateurs », terme suremployĂ© dans cette Ă©mission.
Pas la peine de crĂ©er des commissions ou des organismes pour « contrĂŽler » et « valider » ce qui demeure, dans le cadre d’un rĂ©seau social comme Youtube, un acte d’expression personnel (car ici on n’entend que la partie commerciale, mais quid du discours politique, systĂ©mique ?). DĂ©velopper l’esprit critique par la connaissance et la rĂ©flexion devrait ĂȘtre la solution proposĂ©e, pas cette vision qui rĂ©duit l’individu Ă une sorte d’animal stupide… si stupide qu’il faille avant tout limiter son choix et sa libertĂ© du fait de son incapacitĂ© d’en faire bon usage.
DerriĂšre cette fausse thĂ©matique de l’influence, il y a la tragĂ©die banale d’un consumĂ©risme dĂ©signĂ© comme seule ambition existentielle. Si une personne immature regarde un contenu produit par une autre personne immature, il suffit de circonvenir Ă cette immaturitĂ©, pas enfiler un collier de dressage Ă leurs cous pour les contraindre comme des bĂȘtes.
Une Ă©mission qui dĂ©bute bien avec le rappel sain que le service public doit « éduquer ». Dommage que ça se termine en une Ă©niĂšme version d’Orange MĂ©canique.
Au niveau rhĂ©torique, c’est quand mĂȘme un cas d’Ă©cole… je me demande si je ne vais pas finir par faire du dĂ©corticage sĂ©mantique et sĂ©miologique pour dĂ©montrer la malhonnĂȘtetĂ© du propos. Enfin, c’est toujours le mĂȘme processus : on prend un cas prĂ©cis qui est transformĂ© en « stĂ©rĂ©otype » pour se donner l’occasion de crĂ©er une loi qui permettra de dĂ©border, un peu, sur sa mission premiĂšre. « Il va falloir », « contrĂŽler », « Digital Service Act », « Signaleur de confiance »… tout un chouette programme Ă venir.
Allez, la vidéo, que je viens de regarder pour la quatriÚme fois, histoire de bien me faire mal.