Encore une semaine de folie douce

Le vendredi, c’est difficile. J’ai toujours ressenti davantage la fatigue le jeudi soir, quand la semaine a dĂ©jĂ  bien semĂ© son sillon lent de par mon implication laborieuse voire productive selon le logiciel idĂ©ologique. Mais le vendredi matin, c’est le moment oĂč et quand je m’accorde une pause d’hĂ©bĂ©tude entre existentialisme et dĂ©sir d’expression Ă©crite. Donc blog, rapido, car Ă©crire demeure un exercice salutaire qui est devenu une part signifiante de la discipline que je me suis doucement imposĂ©e.

Alors… Au Liban, une « attaque » inĂ©dite, avec le piĂ©geage d’appareils qui ont littĂ©ralement explosĂ© Ă  la tĂȘte ou dans les mains de leurs utilisateurs. Entre la guerre en Ukraine et le massacre au proche-Orient, difficile de discerner la rĂ©alitĂ© des enjeux et des motivations dans tout ce bordel dont, Ă  distance et via des mĂ©dias trĂšs sĂ©lectifs, nous ne voyons que la crĂȘte du coq. J’ai toujours eu un souci avec tous les films amĂ©ricains qui mettent en scĂšne des psychopathes qui finissent par se faire avoir par un hĂ©ros malin qui retourne contre eux leurs sinistres manipulations, notamment Ă©motionnelles.

Le mal par le mal, j’ai du mal. Je continue de penser, comme je l’ai toujours serinĂ© Ă  mes enfants, qu’il est dangereux d’agir petitement face Ă  un petit. Ce matin, j’ai vu que la population au Liban est entrĂ©e, trĂšs logiquement, dans une psychose, et c’est comprĂ©hensible car pour des questions ou des lĂ©gitimations tactiques, on Ă©vite d’utiliser le mot « terrorisme ». Ce qui m’effraie, c’est qu’Ă  part un seul podcast, toujours Tocsin que je recommande Ă  tous ceux qui veulent de l’info non prĂ©digĂ©rĂ©e, Jacques Baud a osĂ© le mot, celui qu’on aura voulu extorquĂ© il y a prĂšs d’un an Ă  un certain parti politique qui voulait recentrer le dĂ©bat autour d’un conflit maintenant multi-dĂ©cĂ©nal en ne le proscrivant pas Ă  un acte solitaire et monstrueux.

Je continue de penser, trĂšs naĂŻvement sĂ»rement, qu’un civil innocent, quelle que soit son origine, quelle que soit sa nationalitĂ©, est un mort de trop. Ah oui, la guerre c’est sale, il faut arrĂȘter la candeur coupable, faut arrĂȘter cette misĂ©ricorde de façade, cette empathie facile. Mais bon, je vous emmerde, la guerre c’est la faillite de l’HumanitĂ©, et ne pas voir le commerce et les raisons qui la motivent rĂ©vĂšlent beaucoup de ce que vous ĂȘtes vraiment. Je suis et je resterai toujours un indĂ©crottable pacifiste, mĂȘme si j’irai faire la guerre contre tous ceux qui oublient les notions Ă©lĂ©mentaires d’humanitĂ©. Hors, ces guerres lĂ  n’existent pas.

Ce n’est pas la volontĂ© du bien et de la Justice qui motive les conflits. J’ai adorĂ©, j’adore toujours, Helldivers 2 pour son humour trĂšs Starship Troopers avec la dĂ©fense de la dĂ©mocratie. Toute oeuvre, mĂȘme la plus inoffensive, est politique, car elle induit toujours un message, invitant au conformisme ou Ă  la dissidence. Et s’il y a bien un mot qui aura Ă©tĂ© bien abĂźmĂ©, qui aura Ă©tĂ© vidĂ© de son sens, vampirisĂ© par tous ceux qui s’en sont servi pour dĂ©guiser leurs rĂ©elles motivations, c’est bien le mot « dĂ©mocratie ». Combien de morts civils pour offrir la dĂ©mocratie aux barbares qui continuent de vouloir peupler le monde ? Trop. Je ne suis pas expert des conflits au proche-Orient, je suis trop loin pour prendre parti, je suis rĂ©tif Ă  adhĂ©rer pleinement aux invitations Ă  haĂŻr aveuglĂ©ment, mĂȘme des fanatiques ou des salauds misogynes. Quand je regarde certaines images, je vois des gosses mutilĂ©s, je vois des femmes Ă©plorĂ©es, je vois des hommes hagards, errant dans des dĂ©combres ou penchĂ©s sur des corps. Participer Ă  ça ou le dĂ©plorer ? Une pensĂ©e ce matin pour tous ceux, dans tous les camps, qui Ɠuvrent Ă  prĂ©server les solutions les plus pacifistes et les plus constructives. Je sais qu’il y en a dans tous les camps, dans tous les peuples, dans tout ce qui fait qu’un groupe d’humains font sociĂ©tĂ©… et ils ont beaucoup Ă  faire pour tenter de ramener un peu d’ordre dans cette folie. Pendant ce temps en France, on vocifĂšre et on nous encourage Ă  baver de fureur ou Ă  jouir d’un sombre contentement. Les mots sont dĂ©voyĂ©s, constamment des experts refont les dĂ©finitions, dĂ©terminent le curseur oĂč placer la limite entre le bien et le mal. Petite pensĂ©e pour cette Ă©ditorialiste qui a voulu expliquer qu’un enfant mort n’en est pas un, ne se considĂšrant (in fine) qu’avec le filtre de la qualification entre une bonne et une mauvaise victime. Une bonne victime c’est celle qui est sacrifiĂ©e pour l’avĂšnement du bien. Une mauvaise victime c’est dans le camp dĂ©tenteur, monopole prĂ©cieux, du bien. Ces gens lĂ  sont devenus les terrassiers d’un enfer rĂ©solument pavĂ© de « trĂšs » bonnes intentions. Pas de plage sous ces pavĂ©s lĂ .

Cui bono ? Toujours. Certains experts expliquent que la volontĂ© est de pousser au crime, de pousser Ă  la faute, pour justifier, ensuite, la rĂ©partie violente. L’air de rien, nous vivons une Ă©poque incroyable de tensions larvĂ©es. Une guerre Ă©conomique, mondiale, qu’en France nous continuons de n’en voir qu’un manichĂ©isme facile. Les bons, les mĂ©chants, les dĂ©mocrates et les autres, la fameuse guerre de civilisation. La France est en train de crever de cette hypocrisie qui s’est installĂ©e durablement de maniĂšre systĂ©mique. Comme si tout ça, toute cette gloriole idĂ©ologique n’Ă©tait finalement qu’un vernis qui couvre, qui camoufle, de moins en moins, la rĂ©alitĂ© du pourrissement. Hier, mon fils est venu dĂ©fendre Ruffin. Je n’ai absolument rien contre ce hĂ©raut de la gauche, mais j’ai tentĂ© d’expliquer que la LFI et donc Ruffin qui n’en est plus, ne sont pas les rĂ©volutionnaires qu’ils prĂ©tendre ĂȘtre. Oui, ils veulent rĂ©former le systĂšme, mais absolument pas le changer. Leur rĂ©volution, c’est la continuitĂ© de celle de 1789.

Ce qui ne suffira pas, ce qui ne fera que des ajustements Ă  la marge. J’en reste convaincu, la seule rĂ©volution qui peut changer les choses, c’est une rĂ©volutions des esprits, c’est une Ă©volution de la perception. Sortir de l’impasse des idĂ©es reçues, des certitudes et des croyances, pour oser interroger la moindre chose que nos sociĂ©tĂ©s ont sacralisĂ© pour nous rendre Ă  la fois aveugles, serviles et zĂ©lĂ©s. Tous ceux qui instrumentalisent la lutte contre l’extrĂȘme-droite pour obtenir leur « lĂ©gitimité » l’ont bien compris. Pour revenir Ă  Ruffin, il faut lui accorder qu’il a bien perçu la scission des « publics » qui dĂ©finissent la rĂ©alitĂ© du peuple français. Cette synecdoque qu’on nous rabĂąche Ă  chaque sondage, avec « les Français », comme si nous Ă©tions tous unis, tous pareils, tous semblables, tous Ă©gaux. Mais Ruffin est un productiviste basique, il y a dans cette gauche l’acceptation d’une organisation sociale qui induit un assujettissement et une domination. De la continuitĂ©, donc. En cela, ces mouvements de gauche ne sont absolument pas rĂ©volutionnaires, et il faudrait dĂ©jĂ  constater les limites et les compromis de la rĂ©volution de 1789. pour initier une nouvelle Ă©tape, pour oser vouloir crĂ©er, sociĂ©talement, autre chose.

Je sais, je suis un rĂȘveur. Je resterai un anarchiste, au pur sens du terme, « an-arkos », « sans chefs ». Les Hommes (et les Femmes) ont besoin d’ordre, ont besoin de lois, ont besoin de rĂšgles et de cadres, pour ne pas finir par s’entre-tuer. C’est dans ce constat que repose toute ma tristesse et ma tranquille dĂ©sespĂ©rance. Ce vendredi matin, j’en fais encore le constat. Ce qui ne m’empĂȘchera pas de bosser, une fois ces quelques mots balancĂ©s au vent digital, dans le presque vide numĂ©rique, cette matiĂšre noire qui remplit nos vies d’un nĂ©ant confortable car nous procurant l’illusion d’une galaxie remplie d’Ă©toiles… et dont je ne serai toujours qu’une rapide et insignifiante Ă©toile filante ne laissant dans son sillon qu’une lumiĂšre diffuse et mourante.

Oui, j’aime Victor Hugo.