Suite Ă mon rĂ©cent article concernant le film de Mangold sur notre ami Wolverine, dans lequel j’Ă©voquais la distorsion entre lâĆuvre originale et sa concrĂ©tisation cinĂ©matographique, j’ai eu l’idĂ©e de dĂ©terrer un vieil article (Ă©ditĂ© sur la prĂ©cĂ©dente version d’arcticdreamer.fr), rĂ©digĂ© en aoĂ»t 2011, commĂ©morant la sortie de « Old Man Logan » du duo Millar/Mc Niven. Donc suit le-dit article, argumentant efficacement sur la question de la dualitĂ© du surhomme griffu, toujours et encore amoindri et minorĂ© sur grand Ă©cran. Je conseille par ailleurs Ă tout amateur de Wolverine d’acquĂ©rir le bouquin, facilement trouvable en librairie (offline et online).
Je ne suis plus trĂšs jeune, mĂȘme si je ne suis pas encore vieux. Non, ce nâest pas une Ă©nigme du Sphinx, juste parce quâen maniant mon album de « Wolverine â Old Man Logan », je me rappelais quâil fut un temps oĂč notre hĂ©ros griffu se baptisait dans nos contrĂ©es hexagonales, « Serval »⊠En ce temps reculĂ©, ce nom sonnait bien, Ă la fois exotique et mystĂ©rieux, mais aprĂšs une petite recherche, on ne pouvait pas dire que lâanimal rendait justice Ă la sauvagerie et lâinstinct de tueur du hĂ©ros (le Serval est un gros chat certes, mais pas une terreur de la savane non plus).
Un instinct qui semble pourtant avoir dĂ©finitivement abandonnĂ© notre hĂ©ros au dĂ©but de ce formidable album commis par le duo Millar/MacNiven, et qui vient de sortir en librairie grĂące aux bonnes Ćuvres de Panini Comics (aprĂšs une Ă©dition kiosque il y a quelques mois. Dommage quâil manque dans lâalbum la spectaculaire couverture du numĂ©ro 194, une tuerie, pour aperçu cliquer ici.).
Du beau boulot de la part de Panini, avec un papier de qualité,une couverture solidement cartonnée, et une traduction qui fait honneur à la verve venimeuse du scénariste écossais (bravo à Nicole DUCLOS).
Pour revenir Ă lâaffaire patronymique, Wolverine signifie littĂ©ralement « Glouton » (prĂ©nom « Le »), ou en rĂ©fĂ©rence Ă son pays dâorigine, le Carcajou, qui dans la culture canadienne, est un animal Ă la symbolique en adĂ©quation avec lâhomme au squelette dâadamantium. Si vous voulez vous cultiver un brin sur le sujet, nâhĂ©sitez pas Ă lâoccasion Ă jeter un Ćil sur la page wiki traitant du bestiau (pour le coup lâanimal), qui Ă©claire dâun jour nouveau la face totĂ©mique de Wolvie.
Mais revenons Ă notre sujet, soit lâĂ©dition dâun magnifique album scĂ©narisĂ© par Mark Millar et mis trĂšs brillamment en dessin par Steve MacNiven. Oui, il y a dĂ©jĂ un adjectif et un adverbe qui dĂ©florent le fond de la critique avant mĂȘme quâelle nâait Ă©tabli son cahier des charges habituel. Ce qui nâest pas grave en soi ; si je peux vous Ă©conomiser ma prose tout en vous faisant acquĂ©rir ce petit joyau, câest quelque part que jâaurai atteint mon but. Maintenant, si vous ĂȘtes du genre Ă vouloir ĂȘtre convaincu avant de passer en caisse, je vous comprends. Mais ne vous plaignez pas aprĂšs de perdre lâeffet de surprise, le plaisir de la dĂ©couverte, le frisson de lâĂ©tonnement.
Il Ă©tait une fois dans lâouest
Le sujet qui fĂąche.
Old Man Logan dĂ©bute par une planche crĂ©pusculaire, qui voit un Wolverine brisĂ© sâenfoncer dans les profondeurs de la page, claudiquant et meurtri. Le traumatisme de notre dur de chez dur est posĂ© comme Ă©nigme fondatrice du rĂ©cit. A lâinstar des classiques du Western (la thĂ©matique principale de lâalbum), la rĂ©demption et ensuite la vengeance seront les primes motivations des protagonistes.
Pour Wolverine, cela touche directement Ă la sĂ©mantique. Notre hĂ©ros, que lâon retrouve gris et empĂątĂ©, ne veut plus sortir ses griffes et refuse quâon lui donne son sobriquet de guerrier, imposant son prĂ©nom comme le sceau dâun serment. Lâhomme est rangĂ©, rongĂ© par une culpabilitĂ© qui confine Ă la nĂ©vrose, niant son passif de super hĂ©ros pour tenir le rĂŽle convenu du bon pĂšre de famille.
La rĂ©vĂ©lation de ce traumatisme sera effectuĂ©e au cĆur de lâouvrage, et câest une qualitĂ© de cette belle histoire, gĂ©nĂ©reuse en terme dâĂ©tapes et de chapitres. Millar aurait pu dĂ©velopper son intrigue autour du mystĂšre qui entoure ce comportement antinomique de Wolverine, en faisant un final de son twist explicatif. Au lieu de ça, il rompt le suspense (au bout dâune centaine de pages, quand mĂȘmeâŠ) et nous offre en fin de rĂ©cit un revirement qui Ă la fois contente nos dĂ©sirs adolescents de puissance (aprĂšs une longue pĂ©riode cathartique dâhumiliation et dâĂ©preuves), tout en donnant une nouvelle direction Ă lâintrigue. Comme souvent avec Millar, il y a cette petite frustration de le voir rĂ©gler en quelques cases et rĂ©parties brutales, lâintrigue et le climax quâil a mis savamment en place. Sortant de la lecture ce jour de Ultimate Avengers 9, je partage complĂštement lâopinion de Christian GRASSE sur la propension du scĂ©nariste Ă©cossais Ă liquider ses histoires par un twist souvent plus opportuniste que convaincant (sachant qu’il doit Ă©galement satisfaire les conventions de l’Ă©dition : nombre de pages, de volume, etc.).
Un cache poussiĂšre crasseux que n’aurait pas reniĂ© Sergio LEONE.
Tout le long du bouquin, on ne peut sâempĂȘcher de penser Ă lâexcellent western de Clint Eastwood, « Impitoyable » (« Unforgiveable » pour les anglophones; critique intĂ©ressante de Guillaume DREYFUS, sur son site). Comme dans le film de Eastwood, Logan est un homme au passĂ© lourd, qui le torture, dont il se sent coupable. Comme William Munny, Logan est un vieil homme brisĂ©, avec une charge familiale qui lâoblige Ă accepter un boulot dont il ne veut pas, et qui le pousse Ă abandonner ses enfants pour aller Ă lâautre bout du pays. Et comme Munny, Logan ne veut plus ĂȘtre celui quâil Ă©tait, charriant une lĂ©gende macabre encombrante, toujours vive auprĂšs de ses contemporains.
Les points communs abondent, lâamitiĂ© avec le vieux compagnon de lutte/route, le voyage dont le cheminement se fait autant physiquement que psychologiquement, et la rĂ©volte finale, avec le retour, libĂ©rateur, du tueur. Dans le film dâEastwood, le far west, monde de poussiĂšre et dâespace, oĂč rien nâest encore construit, oĂč tout est sauvage, trouve son reflet dĂ©formĂ© dans le futur apocalyptique de la bd oĂč tout Ă Ă©tĂ© dĂ©truit, oĂč le chaos et la violence rĂšgnent. Et surtout, lâaviditĂ© de rĂ©demption des deux personnages, qui constamment, comme pour sâen convaincre, pour conjurer un dĂ©mon, nâarrĂȘtent pas de rĂ©pĂ©ter quâils ont changĂ©, quâils ne sont plus ce quâils Ă©taient.
Ce thĂšme, prĂ©gnant chez Wolverine, demeure la dualitĂ© permanente, entre son aspiration Ă lâĂ©lĂ©vation (morale, psychologique) et sa nature sauvage qui constamment brise ses ambitions. En mĂȘme temps, cette nature terrible et implacable lui permet de survivre, comme il le dit lui-mĂȘme, dâĂȘtre le meilleur dans sa partie (note : sauf dans cette histoire, et pour cause). Celle-ci Ă©tant de tuer, volontĂ© antinomique Ă son statut de superhĂ©ros, et qui fait quâaprĂšs plus de 30 ans, le personnage demeure Ă la fois fascinant et paradoxalement Ă©mouvant. Millar a complĂštement saisi cette thĂ©matique, et nous le livre comme on lâaime, mĂȘme si la trame est loin dâĂȘtre nouvelle (cf lâhistoire de Frank Miller : « Je suis Wolverine »).
Dans Old Man Logan, on atteint lâapogĂ©e du concept, car jamais Wolverine nâavait dĂ» affronter la consĂ©quence de sa vanitĂ© de combattant ultime. Millar saisit le principe et sâen sert avec ironie, au service dâun personnage constamment en autocritique, conscient de lâemprise de ses bas instincts, de son plaisir Ă tuer. Paradoxe vĂ©ritable pour un homme qui est capable dâune loyautĂ© et dâun attachement Ă toute Ă©preuve (Kitty Pride, Kurt Wagner, Jean Grey, etc.).
Millar lâiconocide
Quâil est bon dans un titre de commettre un petit nĂ©ologisme (barbarisme pour les puristes, je sais quâil y en a) en qualificatif dâun auteur dont on apprĂ©cie le tempĂ©rament provocateur. Tous les lecteurs francophones songeront au Captain America façon Ultimates, qui rĂ©guliĂšrement humilie les français (bashing redneck – on en mange rĂ©guliĂšrement), soit par une vanne chauvine limite xĂ©nophobe (« y a pas marquĂ© France, lĂ ! », rĂ©plique fameuse de la premiĂšre saison Ultimates Avengers), soit en donnant une bonne raclĂ©e Ă nos militaires locaux (qui supplient au passage, tant quâĂ faire)⊠Nâoublions pas la phase Autority (faudra que je pense Ă Ă©crire sur le sujet, y a de quoi direâŠ), notamment dans lâalbum NativitĂ©, dans laquelle un avatar de Nick Fury flingue des civils de notre beau pays en dĂ©clarant, acerbe : »Jâai beau dĂ©tester les mexicains, les asiatiques et les noirs, aucune race ne me dĂ©becte autant que ces bouffeurs de cheval. ». Ben nous on t’aime, Mark, les français ont toujours eu du cĆur pour les causes perdues et les grandes gueules.
Millar s’amuse avec les icones de l’univers Marvel
Dans cet Ă©tat dâesprit Ă la fois haineux et redneck (bien que Millar soit Ă©cossais dâorigine, je sens que les puristes nous guettent, les salopards), il aborde souvent les dialogues entre personnages en saupoudrant dâun peu de vulgaritĂ© et de sexe, nâhĂ©sitant pas Ă introduire des thĂ©matiques dĂ©rangeantes et nausĂ©abondes, pour recadrer les histoires de superhĂ©ros, par essence dĂ©connectĂ©es de la rĂ©alitĂ©, dans une logique rĂ©aliste. Par exemple la relation entre Janet et Hank Pym dans Ultimates, ce dernier tabassant littĂ©ralement sa femme, tout en lâhumiliant et lâencensant Ă la maniĂšre dâun parfait pervers narcissique. Radical, il nâhĂ©site pas non plus Ă tailler dans le gras pour asseoir ses histoire, par exemple dans lâexcellent « Wolverine : ennemi dâĂ©tat », oĂč il rabote Ă grands coups de tronçonneuse le tronc commun des petits supervilains, et au passage tue Vega, Ă qui Wolvie, nonchalant dĂ©clare dans un bar « quâ[il] nâa toujours Ă©tĂ© quâun second couteau, mĂȘme du temps dâAlpha Flight ». Mention spĂ©ciale, aussi, Ă Daredevil, dont il se moque carrĂ©ment, en Ă©voquant notamment son handicap : « Tu te demandes pas pourquoi aucune Ă©quipe tâa enrolĂ©, Champion ? Pourquoi tu bosses toujours tout seul ? Parce que tâes aveugle, handicapĂ©. Si tâentendais leurs mauvaises blagues Ă ton sujetâŠÂ ». Vu le destin qui attend lâhomme sans peur dans Old Man Logan, on peut dĂ©duire que Millar nâaime pas les bĂȘtes Ă cornes. Millar est un Ă©ternel provocateur, mais on peut surtout lui reconnaĂźtre de coller Ă la psychologie de ses personnages, en osant Ă©crire tout haut ce que des avatars sociologiques du mĂȘme acabit racontent toute la journĂ©e. Le politiquement correct n’est pas de rigueur, et passĂ© la petite phase d’indignation, naturelle et saine, ce traitement est finalement assez salvateur, ancrant les personnages dans une forme de naturalisme inattendu dans ce genre trĂšs fantaisiste (dans tous les sens du terme).
Exemple encore plus frappant de cette volontĂ©, nâoublions pas que lâinitiateur de la vague de comics Marvel Zombies, est issu dâune histoire de Millar lors de sa prestation sur Ultimates Fantastic Four. La surenchĂšre de cette sĂ©rie est dâailleurs une continuitĂ© de lâintention de Millar, le vĂ©ritable initiateur de la curĂ©e sordide opĂ©rĂ©e par cette franchise.
Millar aime aller Ă contre-courant, et si certains dĂ©testent, surtout ceux qui ne supportent pas quâon contredise leurs convictions sur le profil psychologique de leurs idoles (ce qui ne rend pas leurs opinions moins respectables, dâailleurs), il faut dire quâune fois acceptĂ© le fait de voir ces certitudes bousculĂ©es, les rĂ©cits gagnent en spectaculaire mais aussi en suspense. Dans Old Man Logan, cette libertĂ© extrĂȘme face aux codes bien Ă©tablis de la famille Marvel, fait merveille.
Une scĂšne choc de plus dans une histoire sans espoir.
Ă lâinstar dâun Madmax (2), on sent que la mort est partout, peut frapper chaque personnage, quâelle a dĂ©jĂ bien bossĂ©, et que nous ne sommes pas Ă lâabri, au dĂ©tour dâune planche, dâassister Ă la fin pathĂ©tique dâune icĂŽne (cf la chute de Pym). Et il sâaccorde de beaux moments de provocation, sadisme⊠en vrac, la fin du Punisher et de Daredevil, le destin funeste des X-Men, le face Ă face final entre CrĂąne Rouge et Captain America (Aka Bucky Barnes), la folie de Bruce Banner⊠Aux cotĂ©s de la Mort, la grande Dame qui accompagne tout au long du rĂ©cit le hĂ©ros, la Folie tient bonne place.
Vilains comme hĂ©ros, tous sont gangrĂ©nĂ©s par une dĂ©mence lente et insidieuse : Ćil de Faucon, presque aveugle rabĂąchant ses dĂ©lires hĂ©roĂŻques ; la fille de ce dernier, dont la nature malfaisante trahit le costume quâelle a dĂ©cidĂ© de revĂȘtir ; CrĂąne Rouge, fĂ©tichiste pathĂ©tique dans son musĂ©e personnel ; et Hulk, devenu un ogre anthropophage, maniaque sexuel et patriarche dĂ©cadent. Et au milieu de ce cimetiĂšre dâicĂŽnes, Wolvie se rĂ©vĂšle, mĂȘme brisĂ©, en plein renoncement et en flagellation permanente, davantage sain dâesprit et de corps que ceux quâils croisent. VĂ©ritable dernier surhomme, Ă la moralitĂ© et au courage intact, il va aller au bout du chemin de croix quâil sâest lui-mĂȘme fixĂ©, jusquâĂ constater, Ă la fin de son pĂ©riple, que lâhomme quâil avait dĂ©cidĂ© de devenir Ă fini par causer la fin de ceux quâil aimait.
En relais de sa souffrance, comme une ultime justification, la vengeance prend le pas sur la culpabilitĂ©, le phĂ©nix renait de ses cendres. Au passage, grand bravo Ă Millar et Ă sa double page, oĂč une simple onomatopĂ©e rouge sur fond noir suffit Ă donner un rĂ©el frisson. A la japonaise (dans les manga le son est image, et inversement), avec 4 lettres et un point dâexclamation, il donne un sens incroyable, une force terrible, Ă ce retournement psychologique. Millar iconocide, mais Ă©galement orfĂšvre de lâiconographie. Car sâil est destructeur, force est de reconnaitre que ce nâest pas simplement pour laisser un tas de dĂ©combres fumantes, se dĂ©lectant du spectacle gratuit dâun vandalisme Ă grande Ă©chelle. Non, Millar charcute et balafre, mais il se sert de lâespace vide quâil a crĂ©Ă© pour poser encore plus solidement son intrigue et son personnage phare.
Le choc des symboles.
Et alors quâil sâamuse Ă tout dĂ©molir, Ă se moquer de tout (la spidermobile, produit marketing par excellence, dĂ©bile en soi ; les ghost riders, des zozos embarquĂ©s sur des motos aux roues enflammĂ©es ; Venom rĂ©duit Ă un pyjama de T-Rex ; les superhĂ©ros devenu un phĂ©nomĂšne bassement commercial servant les intĂ©rĂȘts dâun Ă©tat policier ; Ultron robot de compagnie en chemise hawaĂŻenne, rĂ©duit au rĂŽle de mari/pĂšre de substitution), il sĂšme de ci de lĂ des symboles forts et dĂ©tournĂ©s de lâunivers Marvel, qui sont autant de moments dâĂ©motion (la plupart servant de preuve Ă la disparition dâun grand hĂ©ros).
Le marteau de Thor, un bĂȘte porte-clĂ© X-men, le cadavre de Giant-Man, et surtout les objets qui font le musĂ©e de crĂąne rouge, dont lâinĂ©vitable bouclier circulaire de Captain AmĂ©rica et lâarmure rouge et or dâIron Man – dont Wolvie connait le code de mise en marche (!?) : petit abus de deus ex machina qu’on excusera en dĂ©tournant le regard/la page. Surprenant dâailleurs comme un iconoclaste de la trempe de Millar peut par la suite cĂ©der au clichĂ© hĂ©roĂŻque, avec une complaisance de fanboy, qui nous fait jubiler (les griffes de Wolvie ; le heurt entre le bouclier de Cap et lâĂ©pĂ©e du Chevalier Noir).
MacNiven, un style ciselé et une véritable puissance graphique
Il ne faut pas en douter, la rĂ©ussite de lâalbum tient pour beaucoup Ă la beautĂ© graphique et la maitrise du dessinateur. Personnellement, car dans le domaine esthĂ©tique nous ne pouvons nous dĂ©fendre de laisser avant tout parler nos goĂ»ts, jâai adorĂ© littĂ©ralement le travail de MacNiven. Les pages sont excellemment bien composĂ©es, le dessin est dâune finesse exceptionnelle, et le rĂ©alisme du trait contribue Ă©normĂ©ment Ă la puissance du rĂ©cit. Pas de dĂ©formation, de caricature, dâexagĂ©ration, dans les planches du dessinateur, Ă peine peut-on lui reprocher dâabuser dâhĂ©moglobine⊠sans oublier que lâhistoire et les personnages justifient complĂštement les litres de sang qui parsĂšment les pages de cet album.
Dans le dĂ©tail, il y a dĂ©jĂ Wolverine, dont lâinterprĂ©tation usĂ©e, vieillie, est phĂ©nomĂ©nale. Cheveux gris et favoris coupĂ©s courts, corps burinĂ© et mastoc, le visage littĂ©ralement striĂ© de rides et ridules, Wolverine a pris un coup de vieux, un vrai. Surtout quâau vu de son fameux facteur auto-guĂ©risseur, son immortalitĂ© et donc son inaltĂ©rabilitĂ© physique, Ă©taient affaire entendue. Cette dĂ©gradation physique de Wolverine est dĂ©jĂ une pierre importante au projet de destruction de Millar, car on se doute quâelle nâest pas seulement due aux ravages du temps, mais Ă©galement Ă lâapitoiement incessant qui dĂ©molit notre hĂ©ros de lâintĂ©rieur. Les acteurs du rĂ©cit sont tous dâailleurs dĂ©fraichis, Ă part une tĂ©lĂ©pathe qui fait partager au lecteur lâillusion quâelle impose Ă ses visiteurs. Pour tous, MacNiven opĂšre une relecture Ă la fois sobre et rĂ©aliste, qui convainc et offre de beaux visages ravagĂ©s par le temps (Black Agar, HawkEye, et dans une certaine maniĂšre, Bruce Banner). Les protagonistes restant composent par ailleurs une belle galerie de trognes, Ă la maniĂšre des films spaghettis, qui voyaient des physionomies particuliĂšres, dĂ©connectĂ©es du moule hollywoodien, passer dans lâangle de la camĂ©ra. Mention spĂ©ciale Ă la tribu de Hulk, bon vieux beaufs ricains, sorte de dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s consanguins quâon croirait Ă©chapper dâun bayou tchernobylien.
La composition des pages est aussi dâune puissance rare, par un choix de cadrage stratĂ©gique et efficace. MacNiven nâabuse pas dâeffets, et au contraire son dessin privilĂ©gie une ligne claire et prĂ©cise, le jeu des hachures se mariant parfaitement avec les zones de vide. Saluons au passage le travail des coloristes, travailleurs de lâombre, la mise en couleur est particuliĂšrement efficace et rĂ©ussie.
Que du bonheur.
DĂ©tails sur le produit (infos du site amazon.fr)
- Relié: 192 pages
- Editeur : Panini Comics (21 septembre 2011)
- Collection : COMICS
- Langue : Français
- ISBN-10: 2809419582
- ISBN-13: 978-2809419580