Sick of themselves

Un titre un peu malicieux mais j’Ă©voque en filigrane mon Ă©tat maladif du jour, renvoyant vers le malaise, sensible, dans notre bonne vieille sociĂ©tĂ© française. J’aurais passĂ© un Ă©tĂ© particuliĂšrement intense, avec une hyperactivitĂ© encore davantage accrue par une santĂ© qui ce jour, exceptionnellement, me fait donc dĂ©faut. Impotent, affalĂ© sur mon canapĂ©, les poumons irritĂ©s par je ne sais quel mal qui m’aura chopĂ© au dĂ©tour d’une inspiration fatale, je me suis donc dit que l’occasion Ă©tait belle d’Ă©crire pour Ă©crire.

La pĂ©riode reste fascinante bien que profondĂ©ment tragique. Je ne sais mĂȘme pas par quoi commencer le diagnostic du jour. Un prĂ©sident en roue libre, Ă  la roublardise flirtant avec le trouble psychiatrique, une Ă©conomie en Ă©tat de mort cĂ©rĂ©brale dont le corps peu Ă  peu pourrit par la tĂȘte, tout donne l’impression d’ĂȘtre embarquĂ© sur un version moderne du Titanic, avec une belle vision de l’iceberg se profilant Ă  l’horizon.

Quitte Ă  faire un peu de philosophie de boudoir (je ne vais jamais au bar, je ne peux donc m’acquitter de celle de comptoir), tout donne l’impression que l’immense fiction qui nous sert de rĂ©alitĂ© est en train de se dĂ©liter doucement, mais sĂ»rement. Cet Ă©tĂ© aura donc Ă©tĂ© une sorte de rĂȘve Ă©veillĂ©, une euphorie malsaine, avec des Ă©tats orgasmiques commentĂ©s autour du sport, avec des moments colĂ©riques en voyant des idĂ©ologies d’une prĂ©tendue modernitĂ© s’imposer au petit et toujours fasciste peuple qui ne veut pas s’embarquer pour un monde de demain qui ressemble cyniquement aux tristes dĂ©cadences antiques. Personnellement, j’aurais Ă©normĂ©ment travaillĂ© et du coup je dois avouer que j’ai assistĂ© Ă  tout ça avec une nonchalance presque surprenante vu ma continuelle propension Ă  l’indignation. Je pense surtout que j’ai enfin admis que je ne pouvais pas influer sur tout ça, je me suis rĂ©signĂ© Ă  regarder les ĂȘtres autour de moi se prendre des murs, trop occupĂ© Ă  encaisser les miens.

Souvent, je plaisante avec mes enfants sur cette idĂ©e que depuis ma naissance j’essaie de survivre au milieu des zombies. Tout me semble lent, tout m’a toujours semblĂ© lent, et pour dĂ©fouler cette immense Ă©nergie qui est ma nature, j’aurais passĂ© l’essentiel de mon existence Ă  m’agiter, Ă  agir, Ă  bosser, Ă  crĂ©er, Ă  dĂ©truire et reconstruire, sans m’arrĂȘter, sans me dire un jour que tout ça finalement ne servait Ă  rien. Mais cet Ă©tĂ© j’ai appris Ă  ralentir, Ă  me poser, Ă  attendre, Ă  rester dans le silence ou le noir. Non, je ne me contredis pas, j’ai bien passĂ© un Ă©tĂ© Ă  bosser comme un dingue. Mais sans m’Ă©puiser, sans chercher le harassement pour trouver le repos dans l’Ă©tourdissement de la fatigue. J’ai mesurĂ© l’effort, j’ai veillĂ© Ă  ne pas trop m’en demander, j’ai gĂ©rĂ© l’Ă©nergie pour ne pas la subir comme une oppression mais en cherchant Ă  la canaliser. Du coup, alors que je suis dans une sorte d’Ă©lan constructif et positif, tout ce qui se passe Ă  l’extĂ©rieur me semble comme une entropie sur laquelle je sais n’avoir aucune prise. Me reste le commentaire, l’honnĂȘtetĂ© de reconnaĂźtre ma totale impuissance et la solitude de ma posture.

Comment s’intĂ©resser Ă  la politique quand l’offre actuelle est d’une nullitĂ© navrante ? Entre une gauche championne de la vertu autosatisfaite et la droite dĂ©fenderesse d’un ordre qui se rĂȘve idĂ©al, il n’y a rien que de la posture, de l’imposture et de la forfaiture. Petite pensĂ©e pour Aubry et son accolade avec Ursula. Petite pensĂ©e pour les souverainistes qui se renvoient la balle dans une sorte de partie de ping-pong puĂ©ril qui ne crĂ©e rien qu’une chimĂšre de plus dont il ne sortira qu’un murmure lĂ  oĂč il faudrait un cri puissant. Que dire de Macron ? Il incarne l’absurditĂ© d’un systĂšme qui se ment Ă  lui-mĂȘme, et bien plus grave, qui ment Ă  son peuple. Un peuple coupable de se laisser traiter comme du bĂ©tail, et bien que de plus en plus de personnes comprennent et voient vers quoi nous allons, nous sommes pris et captĂ©s par la masse immense des complaisants, des passifs, des pensifs, des complices, des soumis, des lĂąches, qui vont voter comme de bons petits robots pour des sophistes qui bombent le torse en invoquant la grande idĂ©e rĂ©publicaine, chose aussi informe et floue que le brouillard le plus spectral (jouez Ă  Enshrouded !).

Peut-ĂȘtre que ces mots peuvent induire, de ma part, une forme de mĂ©contentement, une sorte d’irritation, une trace d’amertume. Je suis davantage dans la rĂ©signation. A force de lire de la sagesse chinoise au dĂ©tour d’une friandise emballĂ©e, je consens Ă  lĂącher prise. Les poings fermĂ©s et tendus, j’ai fini par m’apercevoir que la corde n’y Ă©tait plus, et depuis longtemps. Il fallait donc que j’arrĂȘte de tirer sur la mienne. J’attends, donc, j’observe et je m’informe, je ne me mĂȘle pas, je reste silencieux, ce qui, pour ceux qui me connaissent, est en soi un exploit de taille.

Comme une ironie que seule l’Ă©criture peut crĂ©er comme l’araignĂ©e tissant une toile fatale, j’en reviens, je boucle, avec mon titre. Il Ă©voque un film rĂ©cent que j’invite Ă  dĂ©couvrir, avec une jeune femme qui se dĂ©truit par un terrible dĂ©sir d’attirer l’attention, jusqu’Ă  la folie, jusqu’Ă  la destruction de sa chair et de son esprit. Je n’ai pas envie d’en arriver lĂ . Je ne veux pas que les zombies finissent par me choper et me bouffent le cerveau. Il aura fallu un jour de maladie pour que j’Ă©crive tout ça, mais paradoxalement je me sens en paix avec moi-mĂȘme.

Bonne rentrée (sinon) !