J’ai écrit un petit hommage récemment suite à la disparition du génial Richard Matheson, et lorsque j’évoquais l’impact et la notoriété d’une série comme « the Twilight Zone » (la Quatrième dimension chez nous, à ne pas confondre avec des sectes communautaires adorant des vampires phosphorescents), il y a tout un pan du paysage audiovisuel fantastique qui m’est revenu à l’esprit. Ah, l’époque de Temps X, des frères Bogdanoff, les séries japonaises sur fond de SF (Goldorak, Albator, SanKuKai, Capitaine Flam, Ulysse 31, etc.), et de bonnes vieilles séries américaines comme Cosmos 1999, Galactica, ou encore Star Trek…
À l’instar d’une série comme « The Twilight Zone », le principe de chaque épisode reposait sur un bon gros twist qui bouleversait à un moment donné l’intrigue en cours. Et on pouvait compter sur les figures pérennes qui participaient à l’action chaque semaine, soit le capitaine Kirk en figure masculine sur-testostéronisée (dès qu’il parlait, on avait presque l’impression qu’il allait finir par frapper son interlocuteur à la fin de son élocution… ce qui arrivait souvent), le vulcain Spock avec ses oreilles d’elfe et son tempérament introverti et son intellect ultra rationnel, Mac Coy le médecin bibinard ronchon, « Beam Up » Scotty, et le trio des co-pilotes en chef, Uhura, Zulu et Tchekov. L’air de rien, Star Trek manifestait sa différence avec cette fine équipe qui composait une petite famille trans-raciale, toujours solidaire, vertueuse et efficace. Chacun connaissait son rôle, et l’exécutait avec une précision quasi-mécanique, le seul souci, finalement, étant la personnalité tumultueuse et passionnée de leur capitaine, accro au danger, à la nouveauté, et aux donzelles légèrement vêtues qui parsèment, semble-t-il, toutes les galaxies environnantes.
Star Trek avait déjà des allures de monument culturel, car si la série ne soulevait pas autant de passion qu’une saga comme Star Wars, qui l’air de rien avait donné un petit coup de vieux à son concept scientiste, elle imposait le respect par la richesse et la cohérence de l’univers qui avait été bati au gré des épisodes. Dotée d’une mythologie riche et foisonnante, s’adonnant à certaines thématiques de l’anticipation avec finesse et inspiration, Kirk et son équipage semblaient à quelques nuances près une version remaniée d’Ulysse et de l’Odyssée. Des films, sortis tout au long des années 80, nous montrant des figures matures voire sénior, vont prolonger cette mythologie avec des intrigues plus ou moins bien inspirées. Si le premier d’entre eux a bien vieilli, avec son interminable passage de la progression à travers un complexe extraterrestre, qui ressemble à une parodie d’un célèbre plan de Star Wars, le second et le troisième volet étaient particulièrement palpitant, avec une réelle intensité dramatique. Surtout, la relation entre Kirk et Spock était davantage traitée, humanisant grandement les deux figures majeures de la série. Le quatrième et cinquième film étaient par contre émouvants par le fait indéniable que conscients de leur vieillissement et d’une certaine forme d’obsolescence, les acteurs et les scénaristes un ton humoristique qui laissaient une belle place à l’auto-dérision et à la mélancolie. Essentiellement, l’impression de retrouver une petite famille dont les liens et l’affection dépassaient le cadre de la fiction, laissant deviner une belle complicité hors studio.
J’avais beaucoup apprécié le reboot de J.J. Abrams il y a quelques années, et même si le scénario tournait un peu au feuilletonnesque, il remplissait son rôle en installant les nouveaux acteurs derrières les masques des héros. La présence de Leonard Nimoy en anomalie temporelle, hommage vibrant d’un réalisateur « fanboy », réalisait un lien symbolique fort entre les deux univers qui personnellement m’a totalement convaincu. Le second volet, Star Trek into Darkness, est dès la première séquence, une grande aventure cinématographique. Avec énormément d’amplitude, le cinéaste nous livre une réinterprétation d’une partie de la mythologie, avec l’apparition de Khan, ennemi mythique de Kirk, et surtout se permet une belle audace scénaristique en intervertissant les rôles dans une intrigue déjà vue, réalisant à la fois un hommage tout en innovant et surprenant. Dans le second film de la saga des eighties, Spock se sacrifiait pour que l’Enterprise ne soit pas détruit, révélant du même coup les sentiments profonds de son capitaine. Abrams, en scénariste expert, se saisit de cette storyline et inverse les rôles, permettant du même coup un superbe pugilat entre Khan et Spock. Du grand art.
Spectaculaire, palpitant, émouvant, Star Trek Into Darkness est une grande réussite, transformant le reboot initié timidement par le premier opus en saga prometteuse, avec la promesse tacite d’un véritable respect de la franchise initiale et la réelle capacité d’invention (ou de réinvention) de ses nouveaux initiateurs. Par contre, le danger repose sur certains clichés qui commencent à montrer leurs limites, comme le vision sempiternelle d’un Kirk impulsif et immature, opposé à un Spock singeant la froideur… Le prochain opus se doit de respecter une certaine logique, et donc une évolution liée à l’expérience et aux nombres des années… dans le cas contraire, la parodie est un écueil qui ne sera pas facile d’éviter.
Mention spéciale pour l’acteur Simon Pegg, qui semble participer à tous les projets de J.J. Abrams, qui est à l’heure actuelle le vrai talent comique outre-atlantique.
Beam Up, Scotty !