Suite de l’affaire d’aujourd’hui (usurpation d’identité d’un proche), je me rends chez G. (l’initiale du prénom dudit proche) pour la guider dans ses démarches. Je pensais en avoir pour 5 minutes… j’ai finalement passé deux heures, dont une grande partie l’oreille collée au téléphone.
C’est superbe la procédure de Facebook pour dénoncer une page « frauduleuse » (soit pour le coup un beau clone de la page officielle de G), mais surprise, alors que tout semblait se dérouler dans le meilleur des mondes, impossible de finaliser l’étape finale (soit recevoir le sms de confirmation envoyé par Facebook). On l’a fait 2 fois de suite, en espaçant de 5 minutes (comme demandé) les tentatives, puis on a indiqué mon numéro de portable, au cas où le mobile de G. aurait un souci (mémoire bondée, souci de connexion, parasitage volontaire suite à un complot de la NSA)… Nada, rien n’y a fait, on a juste poireauté 20 minutes en attendant un sms qui n’est jamais venu.
Un poil irrité devant le désespoir de G., qui depuis hier voit tous ses contacts sollicités pour appeler un numéro surtaxé en son nom, je contacte la DGCCRF pour dénoncer la chose, et notamment pour indiquer que Facebook ne fournit pas les éléments pour subvenir à la situation. Poliment, les gens de la DGCCRF vont compatir mais me rediriger vers la CNIL. Ni une ni deux, je reprends le combiné (le téléphone, pas le four), et je contacte la CNIL pour dénoncer une situation que j’estime inacceptable. Au bout du fil, dès le début, une stratégie pédagogique copyright Ponce Pilate est déployée : « vous avez une procédure pour indiquer à Facebook que votre compte est… », que je balaie par un agacé « la procédure on l’a suivi, merci, mais elle ne fonctionne pas – justement, c’est pour ça que je vous appelle ! ».
Silence, on me demande d’attendre quelques minutes, puis retour de mon interlocutrice, qui prendra soin de me préciser que râler ne sert à rien. Je m’excuse, motivant ma hargne du fait que je n’aime pas voir des gens complètement désemparés quand ils se retrouvent dans ce genre de situation, pour le coup un brin traumatisante. Qu’ils portent plainte, me dit-on, un peu agacé, au bout du fil… Je rappelle que dans notre beau pays, porter une quelconque affaire devant la justice signifie attendre qu’elle veuille bien agir – et dans le domaine qui nous occupe, soit la gestion des droits sur internet – qu’elle comprenne ce à quoi elle a affaire. Et le temps que la plainte soit examinée, jugée recevable, et utopiquement, traitée, je n’imagine pas le préjudice morale subie par G. et les conséquences sur son image, utilisée sans scrupules par les malfaiteurs.
Je rappelle à la CNIL que c’est à mon sens un peu son rôle de jouer aux gendarmes quand cela concerne nos droits sur internet ; histoire de justifier les financements publics que son existence suppose et impose. Et là, au lieu de s’indigner qu’un acteur comme Facebook ne fasse pas le nécessaire pour garantir à ses utilisateurs une gestion saine et réactive de ses droits, avec une procédure vérolée qui brise tout contrat avec son usager, elle m’indique la propre page Facebook de la CNIL où se trouve la solution… J’ai d’ailleurs affaire à une habituée, me guidant dans la page Facebook de l’organisme d’un air las (sisi, l’air las s’entend au téléphone, du genre « tu me gonfles autant que l’hélium un ballon ») qui ne supporte plus les néophytes en réseaux sociaux.
En résumé, elle m’indique que la procédure est simplement d’indiquer la page frauduleuse… en se déconnectant du compte et en indiquant ne pas posséder de compte. J’hallucine au téléphone (c’est la CNIL qui me parle ?), mais semoncer par mon interlocutrice qui me crachera son mépris agacé tout au long de nos échanges, j’écoute patiemment ses directives, dont le clou est l’envoi d’une copie de la carte d’identité (on s’en fout que G. possède un compte depuis plus de 5 ans, versus 2 jours pour l’imposteur). Cerise sur le gâteau, tandis que je m’indignais encore de l’inefficacité de la CNIL, elle m’enjoint à contacter un législateur… Pas mal, de la part d’un acteur public, sensé être à l’écoute des usagers, que de renvoyer la démocratie dans la gueule de ceux qui en demande un peu l’application.
Je raccroche (en envoyant un uppercut mental dans le menton en galoche de la fatuité faite interlocuteur qui venait de me répondre), et je m’active, histoire de rassurer G., de plus en plus en panique devant le manque d’avancement de la situation. Et là, je ris, l’ami Facebook demande pas moins que le lien de la page, et l’email de la personne. Pour le lien, pas difficile, pour l’email, ça veut dire quoi ? S’il y avait une manière de choper les emails perso dans une page facebook, je pense qu’un bon paquet de marketeurs mercenaires pèteraient la bouteille de champagne illico. Après petite enquête, il apparait qu’il s’agit, sûrement, du nom du propriétaire de la page (qu’on retrouve dans le lien) auquel on adjoint un @facebook.com des familles. On scanne la CNI, on la joint à la demande, ça bugge, on recommence, et paf, depuis 3 heures, aucun changement.
Résultat : si ce genre de mésaventures vous arrive, bonne chance, car rien dans ce pays toujours en avance sur son temps (il est loin le temps des Lumières…), ne semble prêt pour les enjeux des nouvelles technologies et des horizons numériques. La CNIL ironisera, ou mieux, vous rappellera que sur sa page Facebook elle est apparemment au courant de ce type de « bug » (pour moi un grave manquement dans le contrat liant Facebook France à ses usagers – je subodore que ce genre de mésaventure n’est pas possible aux USA) mais au lieu d’interpeler l’acteur mondial du réseautage social, elle indique poliment la sortie de secours. Quant à Facebook, il vous faudra affronter les multiples étapes des procédures mises en place pour décourager les plus téméraires, pour parvenir à un cul de sac, frustrant. G., par exemple peut constater, trois heures après sa demande, que la page de son usurpateur est toujours en action, et que rien ne semble avoir été entrepris pour le faire cesser. Belle récompense pour G. qui malgré plusieurs années de présence sur Facebook, ne pèse pas plus lourd à l’arrivée que des petits escrocs sans scrupules, qui ont bien compris le potentiel d’arnaque du réseau social.
À mon sens, il y a de quoi porter plainte, contre les fraudeurs (et les possesseurs du numéro indigo), mais aussi contre Facebook, qui laisse faire et n’agit pas pour réparer les préjudices subis. Quant à la CNIL, elle semble de plus en plus réduite à un bureau des pleurs, passif et complètement déconnectée des réalités numériques du monde d’aujourd’hui. Continuer à chatouiller Google lui donnera sûrement bonne conscience, tandis que des milliers d’usagers voient leurs droits bafoués chaque jour. De quoi se plaindront-ils, d’ailleurs, ils n’ont qu’à aller voir le législateur…
Révoltant.