Difficile de passer à coté de ce phénomène musical et vidéo, qui est en train de faire le buzz on the net. Dignes dauphins de Psy et de son Gangnam style, les « frères comiques » d’Ylvis, les auteurs/compositeurs/interprètes de la chanson expliquent que leur intention n’allait pas jusqu’à produire un hymne planétaire, synonyme d’un jackpot proportionnel, juste produire un gag musical à la manière de ce que faisait régulièrement les Inconnus, il y a de cela deux décades maintenant (et vi). Quoi qu’ils en disent, What does the fox say est viral, et même ma personne, d’ordinaire sérieuse et impassible, a vu son masque légèrement écorné à l’écoute à et la vision du produit. Bon enfant, comique, basique, presque stupide, la chanson est un bijou d’humour décomplexé, qui se permet quelques sous-textes savoureux, légitimant encore davantage la consommation. Je pense notamment à l’incantation finale, véritable souhait d’introspection et de révélation, avec toute la symbolique habituelle (les bois profonds, le mystère caché, l’attente d’une réponse, etc.). Enfin, sémiologue par déformation professionnelle, j’avoue que je vois du signifiant et du signifié partout ! Merci Roland Barthes !
Personnellement, le cri du renard je le pratique tous les jours (ahah!), et je sais que l’animal glapit… sans savoir en fait à quel son/bruit correspond ce verbe. Ce qui est amusant, c’est que la chanson des frères Vegard relaie tout une mythologie mondiale sur le renard, qui demeure un animal à la symbolique complexe et fascinante (sisi). On pense au démon japonais Kitsune, à la figure ambiguë des contes et récits anciens (donnant souvent au canidé un aspect psychopompe), au rôle éminemment politique de l’animal des fables d’Esope à celles de La Fontaine… sans oublier l’incarnation d’une humanité poignante dans le Petit Prince de Saint Exupéry. Le renard est l’animal qui se prête ainsi le plus facilement à tout anthropomorphisme, car il incarne nos passions comme nos pulsions. Dans nos esprits, il en est devenu paradoxalement silencieux, figure iconique reflétant notre part de mystère et d’inconnu.
La chanson d’Ylvis nous offre ainsi comme réponse un florilège de sons et de bruits, dans une cacophonie paradoxalement harmonieuse, qui fait un écho sarcastique à nos logorrhées sempiternelles, à cette tour de Babel qu’est la communication globalisée. D’ailleurs, l’anthropomorphisme bat son plein au début du clip, avec les paroles illustrées par les déguisements des acteurs du clip – on est complètement dans la métaphore fabuliste, ramenant l’espèce humaine à un simple bestiaire (symbole d’une division immanente et inéluctable au sein d’un système apparemment homogène).
Et c’est à ce moment de lecture de ce billet que vous vous posez la question : « mais qu’est ce qui dit le renard ? ». Terrible mise en abyme qui me pousse à clore rapidement cette réflexion, afin de ne pas troubler votre plaisir par quelques digressions intempestives.
Après, vous pouvez mettre de coté tout réflexe sémiologique, et juste vous éclater, à l’instar de mon fils qui passe son temps à s’égosiller dessus sans concevoir, à un quelconque moment, qu’il contribue au mystère !
Le clip de What does the fox say, du groupe Ylvis (qui n’est donc pas mort – pardon ^^,)
à consommer sans modération :