Mad Max Fury Road : vous avez dit grandiose ?

 

Je suis un vieux fan de la trilogie Mad Max, de ceux qui encore maintenant se retapent dĂšs qu’ils le peuvent le second opus, un pur chef d’Ɠuvre qui a marquĂ© son Ă©poque et influencĂ© une tripotĂ©e d’autres auteurs/crĂ©ateurs. Alors oui, c’est comme pour Sergio Leone, il y aura toujours des jusqu’au-boutistes qui pinailleront en arguant de petits bĂ©mols qui sont gĂ©nĂ©ralement le fruit d’une subjectivitĂ© mal identifiĂ©e (comment ça, moi-je ?). Un peu comme Mad Max Fury Road, tout n’est pas parfait, et pour cause, ça ne l’est jamais (Once upon a time in the West, peut-ĂȘtre ?)… et on s’en fout, non ? Hier soir, j’ai pris une super claque, en matant un film tout simplement grandiose.

Je pourrais faire l’audit de toutes les qualitĂ©s esthĂ©tiques du film, mais finalement c’est peut-ĂȘtre son seul dĂ©faut. À force d’esthĂ©tisation et de design, on arrive un peu Ă  une ambiance de type jeu vidĂ©o. Tout est sale, mais magnifiquement sale. Le dĂ©sert est sablonneux et aride Ă  souhait, mais toujours photogĂ©nique et bordĂ©liquement bien rangĂ© (j’oximorise si je veux… et j’hapaxe si je veux aussi… et je barbarise si ça me prend… je vous embĂȘte avec vos libertĂ©s personnelles, moi ?). C’est beau, la rĂ©tine en prend pour son grade (mode gĂ©nĂ©ral des armĂ©es), et il y a constamment des trouvailles qui dĂ©montrent que notre ami Miller n’a rien perdu de son inspiration, au contraire. Il en a sous le capot, le gĂ©niteur de notre ami Babe le cochon ! Mention spĂ©ciale Ă  l’orchestre ambulant qui dĂ©ambule au grĂ© de la chevauchĂ©e sauvage initiĂ©e par Immortan Joe, lancĂ© aux trousses de l’Imperator Furiosa. C’est rĂ©ellement magnifique, bourrĂ© d’idĂ©es… mais un poil trop propre peut-ĂȘtre, et en cela Mad Max 2 restera Ă©ternellement plus sauvage et transgressif que le bruyant mais un brin (ca)racoleur Fury Road.

Bon, aprĂšs faut pas non plus dĂ©conner, c’est du grand cinĂ©ma. En tant que spectateur, je suis devenu une petite boule de flipper frĂ©nĂ©tique, subissant les impulsions sauvages d’une narration sans temps morts. J’exagĂšre Ă  peine, les quelques et brĂšves scĂšnes d’exposition ou transition ne sont que de petits oasis avant un Ă©norme tour de grand huit. Je me rappelle pĂ©niblement certains films oĂč la frĂ©nĂ©sie d’images laissaient Ă  la fois dubitatifs et presque nausĂ©eux (Avengers 2 ?)… C’est tout Ă  fait loin d’ĂȘtre le cas de Mad Max Fury Road qui enquille ses sĂ©quences avec une belle virtuositĂ©, sans sombrer dans la pĂ©tarade grottesque ou d’intenses et inutiles sĂ©quences de destruction massive (ce qui devient le passage obligĂ© des productions hollywoodiennes depuis quelques annĂ©es).

Au niveau de l’intrigue, j’ai l’impression que Fury Road est effectivement davantage un reboot qu’une suite. J’aurais mĂȘme envie de dire qu’on est pas loin du remake du second opus de la prĂ©cĂ©dente trilogie, tant certaines thĂ©matiques et intrigues sont rĂ©actualisĂ©es. RĂ©demption/changement de bord pour le sidekick ; chevauchĂ©e sauvage dans les deux rĂ©cits, avec des ressorts similaires (faux convoi destinĂ© Ă  tromper et dĂ©cimer l’ennemi pour le film avec Gibson, et changement de plan permettant de tromper et dĂ©cimer l’ennemi dans le second) ; enfin, phase nihilisme/obsession/rĂ©demption/vengeance pour notre Max Rockatansky qui semble tout juste sorti du drame vĂ©cu dans le 1er Mad de la premiĂšre Trilogie, qui conditionne toute la psychologie de hĂ©ros (et son titre). C’est d’ailleurs amusant comme le Fury Road fait un pont avec le prĂ©cĂ©dent opus, en n’explicitant jamais les raisons des visions psychotiques de Max / Tom Hardy. Les vieux de la vieille sont dans la confidence, tandis que les nouveaux spectateurs, loin d’ĂȘtre stupides (Miller fait donc le pari contraire Ă  la majoritĂ© des producteurs hollywoodiens qui insistent gĂ©nĂ©ralement trĂšs lourdement en Ă©vitant toute ellipse narrative et en forçant le trait Ă  l’aide de procĂ©dĂ©s type image sepia/moirĂ©e/sous-titrĂ©e « ten years ago »), doivent malgrĂ© tout postuler sur les raisons ayant poussĂ© Max Ă  toujours fuir des fantĂŽmes qui n’en finissent pas de le hanter.

Alors, Tom Hardy dans le rĂŽle de Max ? Personnellement, j’ai adorĂ©, et il n’y aucune comparaison avec la prestation dĂ©jĂ  magistrale de notre bon vieux Mel Gibson. Le Max de Mel Ă©tait sauvage, Ă  fleur de peau, quelque part Ă  la fois fragile et incorruptible. Le Max d’Hardy est davantage animal, massif, presque ahuri. Mais justement, l’acteur nous offre un personnage complĂštement diffĂ©rent, plausible, et sympathique.

Charlize Theron ? Comme d’hab, ai-je envie de dire… Elle capture l’objectif, et s’accapare les moments Ă©mouvants et grandioses (la dĂ©couverte du destin de la terre verte…). VĂ©ritablement, Charlize Theron est certainement la plus grande actrice de sa gĂ©nĂ©ration, ce qui n’Ă©tait pas gagnĂ© avec son physique de mannequin peroxydĂ©.

Nicholas Hoult nous offre enfin un rĂŽle vĂ©ritablement consistant en terme d’interprĂ©tation (pas que je l’aime pas en bleu dans la saga x-men, mais retrousser les babines n’est pas non plus ce que j’attends d’un acteur… et puis au passage, vous vous ĂȘtes pas marrĂ©, vous, quand vous avez vu sa premiĂšre version du Fauve ?). Que ce soit dans Warm Bodies ou Jack et l’abricot magique (oui, ce n’est pas un haricot, arrĂȘtez de croire tout ce que vous lisez sur des blogs comme le mien, y a que des nĂ©vrosĂ©s qui sont capables d’Ă©crire autant d’inepties en se prenant au sĂ©rieux), il convainquait, certes, mais n’Ă©mouvait pas. Miller lui offre un rĂŽle casse-gueule par excellence, et au contraire, il rĂ©vĂšle toute la palette d’un acteur qui l’air de rien, est en train de rĂ©aliser une belle et jeune carriĂšre (maintenant que nous sommes convaincus qu’il n’a pas besoin de prothĂšses faciales, quoi !).

Pour le reste, bah, je ne vous dĂ©florerai pas l’intrigue. Ah si, je me suis marrĂ© en pensant Ă  certaines critiques concernant le pseudo-fĂ©minisme de Miller, camouflant Ă  l’encontre des vellĂ©itĂ©s machistes (vieille philosophie Ă  base de poils). Alors, oui, Mad Max Fury Road est bien un film fĂ©ministe et dans le meilleur sens du terme. Les femmes ont les graines (superbe mĂ©taphore pour les balles, qualifiĂ©e par une des hĂ©roĂŻnes, « d’anti-graines » – tout ce qu’elles plantent, elles le tuent), c’est grĂące Ă  elles que le monde peut exister, avoir un avenir. Certaines sont montrĂ©es comme de simples objets, convoitĂ©es par des hommes libidineux ? Toutes (car il n’y a pas que des bimbos dĂ©nudĂ©es), se battent, rĂ©sistent, se rĂ©voltent, tuent, meurent. Mention spĂ©ciale pour la porteuse de graine, et bien sĂ»r, l’Imperator Furiosa, rĂ©galienne. Mad Max Fury Road est un film fĂ©ministe par excellence car il parle de rĂ©sistance, et Ă©voque justement les combats fĂ©ministes du siĂšcle dernier, quand tout Ă©tait Ă  gagner par les femmes (dont le droit Ă  participer au massacre de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative). Si montrer une jolie fille, mĂȘme du point de vue d’un homme, est un acte machiste, c’est faire un procĂšs Ă  l’idĂ©e de fĂ©minitĂ©, et sa connotation habituelle de beautĂ© et de grĂące. Miller, dans Mad Max Fury Road, justement, nous offre Ă  la fois l’image d’une Furiosa asexuĂ©e et mutilĂ©e, qui complĂšte celle des favorites, effectivement façonnĂ©es pour rĂ©pondre aux dĂ©sirs et attentes de l’homme. Deux concrĂ©tisation de la fĂ©minitĂ©, l’une dans la force et la martialitĂ©, l’autre dans la douceur et la sensualitĂ©. Et que dires des mĂšres qui ouvrent les valves de l’eau source de vie, et des matriarches usĂ©es et fanĂ©es par le temps ? Le film de Miller ne parle pas d’une femme, mais des femmes, sans justement cantonner ce sexe a un simple rĂŽle de faire valoir ou d’objet pour les hommes du rĂ©cit, Max en tĂȘte. D’ailleurs, l’issue du film m’a rappelĂ© la fin de Once upon a time in the west, quand Claudia Cardinale regarde partir l’Harmonica. Dans les deux films, la femme forte et rĂ©sistante reprĂ©sente l’avenir et le bonheur, celle qui construit et fait germet l’avenir (d’ailleurs dans les deux films, la scĂšne finale voit la/les femme(s) apporter de l’eau Ă  une humanitĂ© assoiffĂ©e) tandis que l’homme ne peut que retourner dans le dĂ©sert de sa solitude et du passĂ© (y a un © sur cette phrase, donc merci de pas la copier/coller, svp).

La bande annonce du film, au cas oĂč vous auriez oubliĂ© l’existence de Google :

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