Mise à jour 5.2 de World of Warcraft : Le Roi Tonnerre

Aujourd’hui, nouvelles mise à jour (la 5.2) du Mmorpg de Blizzard, le célèbre World of Warcraft  ; comme à l’habitude, le nouveau contenu, entre modifications, ajustements, et ajouts d’éléments divers et variés, est plus que conséquent. Beaucoup de spécialistes des jeux en ligne ou du jeu vidéo tout court reconnaissent la prééminence du jeu de Blizzard, en soulignant la forme de classicisme que son gameplay et sa structuration très scriptée représentent à l’heure actuelle.

logo de la mise à jour 5.2 de Wow - copyright Blizzard
Le beau logo de la mise à jour 5.2 de Wow – copyright Blizzard

C’est oublier que Wow a été en son temps, lors de sa sortie en 2004 en France, le précurseur en la matière de jeu massivement multijoueurs « populaires », du moins dans une logique visant à offrir autre chose qu’un simple univers virtuel. Il y avait des Mmorpg avant Wow (des jeux comme Dark Age of Camelot ou Ultima online, et personnellement je m’adonnais à l’époque à Ragnarok Online, via un copain qui nous avait dégoté des clés de la Béta coréenne en 2001, puis sur la version américaine sortie officiellement l’année d’après) mais aucun qui parvienne à susciter l’adhésion d’un public hors celui bien particulier qui était déjà spécialisé dans les choses du net. Lorsque j’appris le projet de Blizzard, dont je jouais depuis longtemps aux franchises déjà établies (Warcraft, Starcraft, Diablo), de se lancer dans l’aventure des Mmorpg (sachant qu’à l’époque, de nombreux pontes de l’industrie vidéoludique déclaraient officiellement leur scepticisme concernant le genre), j’étais déjà convaincu du monument à venir. Car Blizzard avait déjà à l’époque cette solide réputation de sortir des jeux à la recette infaillible, ce savoir-faire proposant un mix entre l’aventure ludique et le gameplay addictif. En dégottant une clé de la béta en 2004, j’avais réussi à convaincre mon épouse de l’essayer, bien qu’à la vue des screenshots du package, elle n’ait pas vraiment été conquise par l’univers fantasy du titre et par le design un peu moins kawai que ce qu’elle pratiquait d’ordinaire (soit le Mmorpg coréen sus-cité dans cet article).

La jaquette de la clé pour la béta de World of Warcraft obtenu fin 2004, et trouvée en magasin... que du bonheur, et le cd des morceaux reste un bien précieux
La jaquette de la clé pour la béta de World of Warcraft obtenue fin 2004, et trouvée en magasin… que du bonheur, et le cd des morceaux reste un bien précieux

Notre participation à cette béta reste un de nos meilleurs souvenirs ludiques en tant que couple, et je me rappellerai toujours la petite blague lors de la sortie officielle du jeu. Feignant de revenir les mains vides, j’annonçais à mon épouse que les magasins n’avaient pas été approvisionnés, qui en réponse me pointa sèchement la direction de la porte en m’avertissant qu’elle n’acceptait aucune excuse valable. Depuis ce jour, nous avons toujours été abonnés au jeu, bien qu’il y ait eu des hauts et des bas dans notre addiction au jeu de Blizzard qui, avec le temps, à muté en quelque chose de plus ouvertement communautaire, moins tourné vers une idée d’un gameplay exigeant et d’un challenge ludique. Une des raisons de notre fidélité provient essentiellement du savoir-faire de Blizzard, qui a très régulièrement fourni du contenu, entre chaque extension, contredisant mes pronostics initiaux assez pessimistes, suite à mes expériences passées dans d’autres Mmorpg.

Cette créativité constante qu’un non moins habile marketing a toujours promu, est encore aujourd’hui au rendez-vous, avec des modifications en pagaille que je vous invite à retrouver sur la page dédiée Battle.net à la présentation de ce nouvel épisode. Après avoir épluché le détail de cette mise à jour, encore du bouleversement dans les mécanismes des classes (à ma connaissance, Wow est le seul jeu à avoir en permanence modifié aussi radicalement les principes et règles de jeu), et des classes dont les dégâts ont pour la majorité été réhaussés, certainement pour convenir au désir de puissance que ce type de produit ne peut cesser de faire naître chez des joueurs avides de sensations fortes et surtout de représentation. Ma femme, déjà en PVP avec sa démoniste 40, me susurrant à l’oreille qu’elle vient de mourir suite à deux heurts de bouclier enchaînés soit 4000 points de dommage à la louche : il faudra définitivement se faire à cette starification du tank en début de jeu, un véritable sujet de réflexion sur lequel je reviendrai ultérieurement.

J’espère simplement que concernant le paladin la traduction française est victime d’une coquille, car si les « dégâts de base de Consécration ont [bien] été augmentés de 789% », ça va bientôt pullulé de noms en rose dans les champs de bataille.

Note de fin d’article : j’ai cru comprendre que les joueurs participants au batailles JCJ de Tol Barad ou du Joug d’Hiver allaient enfin connaître une normalisation de leurs caractéristiques. Je me suis toujours demandé s’il n’y avait que moi qui était choqué de voir des niveaux 90 venir tabasser des pauvres 60-70 ou encore des 80, sur des territoires que la licence de leur extension respective (Wrath of The Lich King & Cataclysm) fournissait l’accès. Le détail du texte qui semble mettre les choses à bonne mesure :

Les joueurs qui participent à des champs de bataille de bas niveau verront leur niveau effectif monté jusqu’au maximum permis dans la catégorie de leur champ de bataille. Leurs caractéristiques de base et sorts seront adaptés en fonction, et ils seront traités à ce niveau pour la résolution des chances de toucher, de rater et de coup critique.

 

Un peu d’égalité dans ce monde injuste, c’est pas plus mal, non ? 😉

Le romantisme noir ou le marketing signifiant

Vu ce jour un excellent article de Daphné Tesson sur lepoint.fr, et malgré plein de boulots à faire pour notamment aménager ce blog comme il se doit, j’ai envie de réagir à chaud. Déjà, je ne connaissais pas l’expression « romantisme noir » ; par contre, le romantisme tout court, je m’en suis toujours complètement prévalu. Pas selon la définition commerciale réduisant l’expression au simple répertoire amoureux à la parallèle généralement consumériste (Saint Valentin, priez pour nous…), mais ce qu’on peut en trouver et déduire chez des artistes comme Victor Hugo ou Eugène Delacroix, que je continue de révérer malgré ma maturité éblouissante. Soit le désordre de la passion qui trouble, avec grâce et élégance, l’égale humeur de la raison, cette déesse des temps modernes qui agite sa baguette sur une pensée occidentale vieille de deux siècles, qui veut que la science joue un rôle quasi messianique dans l’avancée de nos sociétés (qui adulent l’innovation, seul et dernier moteur d’une humanité désabusée de tout, en quête d’un renouveau qui ne vient pas). Le romantisme, c’est le règne du sentiment, le triomphe de l’humain avant celui de l’homme, l’indistinct qui trompe et se moque de la pensée cartésienne pour se libérer du carcan des conventions et de la normalisation. Il précèdera les autres mouvements en inspirant des mouvements plus populaires comme l’impressionnisme, en retirant violemment le voile discret d’un conformisme cloisonnant toute velléité artistique dans un carcan de règles et de convention.

Alors, quid de notre invité surprise, « noir », ce vieil épithète renvoyant à la métaphysique voire religieuse lutte de la lumière contre les ténèbres ? Le « Romantisme noir », nous est-il expliqué, consiste à déplacer le romantisme dans une zone ténébreuse, voire démoniaque, odeur de soufre et de luxure en sus dans le package marketing qui nous est fourni notamment par les explications du Musée d’Orsay (que j’adore définitivement). Si j’applaudis à l’approche des organisateurs, et à l’enthousiasme de la journaliste, je reste tout du moins dubitatif. Certainement, l’idée est de vulgariser, sûrement de faire un peu de pédagogie, en réhabilitant en passant tout une frange de notre histoire pictural avec le mouvement du Symbolisme, qui ne connut jamais en France le même impact auprès des foules que les toiles bigarrées et légères de l’impressionnisme (« post- » y compris – ça fait longtemps que les spirales de Van Gogh n’angoissent plus). De là à argumenter et analyser la chose comme une quelconque réaction à un trop plein de lumières dans un XIXème siècle qui fut à sa manière assez ombragé en définitive, si on considère la météo séculaire, il y a un pas énorme que personnellement je me garderai de franchir.

En fait, le Romantisme noir est un beau canular, un pléonasme osé comme pourrait l’être l’Impressionnisme fleuri pour Monnet ou le Réalisme cru pour Courbet. Un peintre génial comme Delacroix a effectivement magnifié ces zones d’ombres de l’âme humaine (La mort de Sardanapale restant en cela un monument de nihilisme absolu, bien plus puissant que son Faust, dans le registre de la noirceur), mais c’est certainement Géricault qui foudroie avec son Radeau de la méduse, ovni sociologique dans un paysage scriptural qui met toujours plus en scène qu’il ne représente.

Delacroix - La Mort de Sardanapale (1827)

La mort de Sardanapale du grand Eugène Delacroix. Du sexe, de la mort, du tumulte, et un homme détaché de tout ce qui pourrait avoir de la valeur à ses yeux. La passion s’oppose à la raison : de quel coté est le crime ?

 

Victor Hugo fera également le tour des anges déchus, et la Fin de Satan par exemple demeure la démonstration de la démesure de la passion à un niveau céleste. J’arrête là les références faciles, il y en a trop, car alors quoi ? Le problème de colorer le terme « Romantisme » suppose qu’on lui oppose son opposé, un « Romantisme blanc », dont le propos serait mielleux, enfantin, sentimental… pur peut-être ? Les dégâts, dans notre société consumériste qui use du détournement culturel pour déguiser son discours commercial, font que le terme s’est usé sur des clichés langoureux, abusant de pétales de fleurs et de couchers de soleil dans les îles. Mais le Romantisme a toujours été noir, noir comme le sang qui sèche ou comme les ténèbres qui nous entourent parfois, au détour d’une mélancolie ou d’un désespoir. Effectivement, comme il est parfaitement expliqué dans cet article, le mouvement fut sûrement une réaction face à une philosophie sociale prégnante fixant la raison comme idéal et finalité. Il suscita d’ailleurs de grandes réactions d’opposition, comme pour la première d’Hernani, mais cela, somme toute, n’est que la simple résultante d’une lutte dans le champ culturel de l’époque, une basse histoire de domination comme l’a tant et si bien analysé Pierre Bourdieu. Mais il ne faudra pas attendre la fin du XIXème siècle pour ça, tous ces événements se dérouleront lors des cinquante premières années. A la vérité, ce qui aurait été pertinent, concerne l’influence du Romantisme sur tous les mouvements picturaux délaissant la subjectivité et la figuration pour explorer les tréfonds de l’âme et du psychisme, qui se précipiteront sur toutes les pistes possibles entre la fin du XIXème et les cinquantes premières années du XXème.

Il est intéressant de se demander pourquoi les organisateurs de l’exposition vont sur le terrain du bizarre et du fantastique, pourquoi ils souhaitent surfer sur les rives d’un imaginaire morbide que les digestions modernes, après avoir donné naissance aux Harry Potter et autres Twilighteries, ont définitivement désamorcé. Il y aurait presque un peu de suffisance à découvrir que nos aïeux du siècle passé se permettaient aussi de broyer du noir, au détour de quelques cauchemars savamment mis en scène. Aussi le goût du spectaculaire motive certainement à mettre en exergue les passages les plus marqués, mais ce choix fait également prendre le risque d’une vision déformée de la réalité, d’une redéfinition des faits qui se contente d’anecdotes pour établir ses vérités. De Hugo à Blake, il y a près d’un siècle, sachant que l’artiste anglais est né en 1757… Que des artistes finissent par s’inspirer de ses œuvres témoignent avant tout d’une volonté d’affranchissement, tout en obéissant à une certaine vision de la peinture. C’est certes parfois très beau, mais de là à dire que c’est une innovation, on frise l’escroquerie marketing.

Peut-être que dans un siècle, une exposition s’intitulera stratégiquement le « Romantisme marketisé ». On y verra des vieux mythes complètement vidés de leur substance horrifique pour nourrir quelques fantasmes de puissance et d’immortalité dont la jeunesse actuelle ne semble pouvoir se passer (la ronde Sorcières > Vampires des vingt dernières années en reste un exemple significatif, des œuvres d’Anne Rice à celles de Stéphanie Meyer, des sorcières de Charmed à Sublimes créatures…). La tentation sera encore grande de jouer avec les dates en réalisant une synthèse sensationnaliste. J’espère simplement que les spectateurs éventuels iront plus loin que la vulgate en cours, et découvriront les auteurs dans toute l’intensité de leurs impulsions créatives, fruit d’une époque de tumultes et de changement, en rebellion contre une normalisation étouffant la passion humaine dans l’enclos rassurant d’un optimisme scientifique, souvent déshumanisé, qui n’a jamais tenu réellement toutes ses promesses de bonheur pour le genre humain.

L’excellent article sur lepoint.fr.

Et si vous avez le temps, la Fin de Satan de Victor Hugo en version e-book (pdf).